Le Burkina Faso a rendu mercredi un hommage national aux huit militaires tués dans les attentats de Ouagadougou il y a cinq jours, alors que l’enquête laisse toujours apparaître des zones d’ombre.
Un millier de personnes, familles des victimes, autorités civiles et militaires, et soldats étaient réunies dans l’après-midi pour la cérémonie au camp militaire Général Aboubacar Sangoulé Lamizana, en périphérie de la capitale burkinabè, a constaté un journaliste de l’AFP.
« C’est un jour douloureux pour nous la famille parce que nous avons perdu un fils, qui (…) est mort en se sacrifiant pour son pays », a confié Souleymane Nikiema, oncle d’un soldat. « On espère au moins un suivi et un soutien (de l’armée) pour ses parents ».
Les huit militaires, dont les cercueils alignés étaient recouverts du drapeau national, ont été décorés à titre posthume, devant une assistance silencieuse à l’émotion contenue.
Une bonne partie du gouvernement burkinabè a assisté à l’hommage qui a duré une heure, dont les ministres de la Sécurité Clément Sawadogo et de la Défense Jean-Claude Bouda. Le chef d’état-major général des armées Oumarou Sadou était présent ainsi que l’ambassadeur de France, Xavier Lapeyre de Cabanes.
Les militaires défunts ont ensuite été inhumés au cimetière municipal de Gounghin, situé non loin, où une nouvelle cérémonie s’est déroulée devant une foule nombreuse.
Adama Dyandeba, proche d’une des victimes a confié à l’AFPTV être venu pour « montrer à ces gens-là qu’on n’a pas peur, vous voyez on est nombreux ici, il ne nous empêchent pas de vivre, il n’y a que les lâches qui tuent ».
Deux attaques simultanées par deux commandos jihadistes ont frappé vendredi dernier l’état-major général des armées, en plein centre de Ouagadougou, et l’ambassade de France. Outre les huit morts, 61 membres des forces de l’ordre et 24 civils ont été blessés. Huit jihadistes ont été tués.
L’opération été revendiquée par une coalition de groupes jihadistes sahéliens, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, disant agir en représailles à une opération militaire française antijihadiste dans le nord du Mali, mi-février.
– complicité ou coïncidence? –
Les autorités n’ont donné mercredi aucune information nouvelle sur la progression de l’enquête, après la conférence de presse de la procureure du Faso Maïza Sérémé la veille.
Plusieurs zones d’ombres apparaissent toujours dans cette enquête, en particulier sur la possibilité de complicités dans l’armée qui auraient facilité l’attaque contre l’état-major général.
Selon la procureure, les quatre assaillants, des hommes « jeunes » s’exprimant « en bambara et en arabe », venus en moto et en voiture, ont forcé l’entrée du complexe en tirant à la Kalachnikov et en lançant des grenades, puis ont « ouvert le portail de l’extérieur ».
Or les journalistes de l’AFP n’ont vu aucun impact de balles ou d’explosion sur le portail.
Autre indice d’une possible complicité, l’un des jihadistes a fait exploser sa voiture à côté d’un bâtiment où devait se tenir une réunion de l’état-major burkinabè de la force antijihadiste du G5 Sahel, finalement déplacée au dernier moment.
Le kamikaze avait-il « des renseignements, ou est-ce une coïncidence? L’enquête le dira », a déclaré la procureure, concédant qu’ »on ne peut exclure aucune complicité ».
Enfin le doute plane sur la tenue vestimentaire du commando jihadiste de l’état-major. Selon la procureure, ils étaient tous habillés en civil, mais plusieurs sources ont déclaré auparavant à l’AFP qu’ils portaient des treillis militaires.
Les enquêteurs ont interpellé et placé en garde à vue huit personnes, dont deux militaires en activité et un autre radié, a indiqué la procureure.
C’est la troisième fois en deux ans que Ouagadougou est frappé par des attaques jihadistes, après des attentats contre des restaurants et des hôtels en janvier 2016 puis août 2017, mais l’opération de vendredi a atteint un niveau d’organisation sans précédent.
Le nord de Burkina Faso, frontalier du Mali, connaît des accrochages meurtriers récurrents depuis 2015.
Selon le consultant en géopolitique Paul Koalaga, « les autorités burkinabè n’ont pas encore pris la mesure de la menace » jihadiste, au molment où « la radicalisation prend racine chez les jeunes » Burkinabè.
Le Burkina Faso, le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie ont lancé en 2017 le G5 Sahel, doté d’une force militaire commune en cours de constitution, pour tenter d’éradiquer les groupes jihadistes sahéliens.
La rédaction