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L’assassinat de Fily Dabo Sissoko par Modibo Keita !

L’assassinat de Fily Dabo Sissoko par Modibo Keita !

Son seul tort c’est son combat pour la liberté d’expression, d’opinion et pour le pluralisme politique.

Tout est parti de la crise économique qui avait touché le pays après deux ans seulement de la création du franc malien. Ce qui avait affecté durement les marchands ambulants et toute la population flottante vivant de petits travaux dont la situation devenait de plus en plus précaire avec la rareté de produits vivriers. Comme le régime de Modibo Keita était basé sur le communisme où tout était géré par les autorités du pays. Face à cette misère grandissante des populations, dont la principale activité était le commerce, les commerçants et les petits détaillants organisent les 18 et 19 juillet 1962 une marche de protestation et marchent sur le Commissariat central (actuel 1er arrondissement) scandant des slogans hostiles au régime. Rappelons que l’époque tous les commerçants et petits détaillants étaient regroupés au sein d’une association dirigée par El Hadj Kassoum Touré dit Maraba Kassoum, membre influent de l’US-RDA et non moins principal bailleur de fonds du parti crée en octobre 1946.Comme il fallait s’attendre les forces de l’ordre tirent à balles réelles provoquant deux morts, plusieurs blessés par balles et l’arrestation de 196 suspects à Bamako dont Maraba Kassoum et d’anciens militants du RDA qui n’étaient plus d’accord avec la politique de leur parti. A l’intérieur du pays, les arrestations ont eu lieu. A la surprise générale et au grand étonnement des responsables et militants du PSP, leur leader charismatique sera accusé d’avoir poussé les commerçants à la révolte contre le régime. Une belle occasion pour se défaire de cet homme politique gênant à travers ses œuvres littéraires, pour son combat pour la liberté, la justice et la vérité pour les citoyens du pays et surtout pour avoir refusé d’adhérer à l’US-RDA malgré la dissolution injuste du PSP en 1959. Et du coup l’occasion fut idéale en le mêlant d’une affaire qui ne concerne pas Fily Dabo. Aussitôt il fut arrêté et jeté en prison en compagnie de son compagnon d’infortune. Selon un document du Ministère de l’intérieur du 26 juillet 1962, 335 personnes avaient été interpellées ; certaines seront relâchées, d’autres graciées ou acquittées. Quant à Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko, El Hadj Kassoum Touré, ils seront désignés comme responsables des troubles par la commission nationale désignée par l’US –RDA pour faire la lumière sur ces évènements. En contradiction flagrante de l’organisation judiciaire de la République du Mali, un tribunal populaire présidé par le commissaire politique Mamadou Diarrah, comprenant 39 jurés, n’ayant aucune existence légale fut mise en place pour juger les accusés. N’ayant en son sein qu’un seul juriste professionnel et pas d’avocats, le tribunal va siéger pendant quatre jours (du 24 au 27 septembre 1962) dans la salle des anciens combattants, place de la République. Les accusés au nombre de 94 tenaient difficilement dans la salle. Dans son réquisitoire, le président du tribunal retiendra que Fily et ses compagnons (dont certains ne savaient même pas pourquoi ils sont dans le box des accusés) étaient à la tête d’un complot visant à renverser le gouvernement légal du Mali. A la barre des témoins appelés furent impliqués et considérés comme membres du brain-trust. Ce fut le cas de Mamadou Faganda Traoré, de Lahaou Touré, de Gaoussou Coulibaly etc. Et le verdict fut impitoyable à l’égard de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et El Hadj Kassoum Touré qui furent condamnés à mort. Il y eut 15 acquittements au bénéfice du doute ; 21 condamnations à 1 an d’emprisonnement ; 26 condamnations à 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour ; 6 condamnations à la peine de 15 ans de travaux forcés ; 14 condamnations à la peine de 20 ans de travaux forcés ; 9 condamnations à perpétuité par contumace. Les condamnations à mort, après une lettre de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et El Hadj Kassoum Touré, adressée au Président de la République, furent commuées en détention à perpétuité. Cinquante Quatre ans après le peuple PSP se souvient de cette arrestation arbitraire de son leader charismatique et compagnons et qui mourront deux ans après soit le 30 juin 1964 dans le désert malien dans des conditions affligeantes, horribles et atroces.

Comment ils ont creusé leurs propres tombes?

Après le verdict prononcé par le tribunal populaire, les trois dignes hommes seront conduits à Kidal où ils sont censés purger leur peine commuée en détention à perpétuité. Mais le 12 février 1964 soit deux ans et trois mois après, Fily Dabo Sissoko et ses deux compagnons furent fusillés dans le désert malien près d’une Oued entre Bouressa et Tazidjoumet.

En effet au petit matin du 12 février 1964, trois prisonniers vêtus de leur tenue carcérale, têtes et pieds nus, sont rassemblés dans la cour d’un poste militaire dans le désert malien. Quelques heures après deux véhicules, une Jeep Willys et un power Wagon font leur entrée dans le poste où règne un bras bas de combat. Ils s’immobilisent, moteurs en marche, devant le poste de commandement, leur ronronnement se mêle aux males accents des voix que le vent transporte en écho dans la nature. Les trois prisonniers montent à bord de la Jeep Willys où ils sont aussitôt cernés par des gardes armés de fusils. Un détachement militaire avec un lieutenant en tête, sans doute le peloton d’exécution, prend position dans le power Wagon. Sur un geste, le convoi se met en route et se dirige vers la frontière Algéro- malienne. Pendant ce temps, la rébellion touareg qui sévissait depuis des mois faisait régner une insécurité totale dans cette région. Les deux véhicules du convoi avancent sans hâte, sans lenteur exagérée. Les soldats doigts sur la détente de leurs fusils, scrutent l’horizon tandis que, de temps en temps, les prisonniers jettent un regard sur ce qu’ils considèrent depuis leur débarquement comme un peloton d’exécution. Après un long voyage, le convoi arrive à un endroit situé entre Bouressa et Tazidjoumet à plusieurs kilomètres de la frontière algéro-malienne. C’est à partir de là qu’on ne verra jamais les trois prisonniers à savoir Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et El Hadj Kassoum Touré dit Marba Kassoum. Et ce qui s’est passé le 12 février fut horrible pour ces trois dignes hommes car ils furent fusillés et enterrés dans une fosse commune. Quelques semaines après, la nouvelle de la disparition de ces trois prisonniers politiques célèbres parvient à Bamako, se propage comme une trainée de poudre dans tout le pays. Le 30 juin 1964, le bureau politique national de l’Union Soudanaise RDA publie une mise au point officielle concernant le décès de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et El Hadj Kassoum Touré ainsi que d’autres détenus au camp pénal de Kidal. Le communiqué publiait notamment le rapport du Commandant militaire du cercle de Kidal relatant les circonstances des décès. D’après ce rapport, le convoi des trois prisonniers était tombé dans une embuscade rebelle. Mais la réponse de l’histoire ne tarda pas à réfuter cette thèse dès l’année 1966. En effet en cette date, un décret présidentiel, à l’occasion de la fête du Maouloud, accorde grâces, remises ou commutations de peines à 28 condamnés, en détention dans les diverses prisons du Mali. Parmi eux se trouvent 12 émeutiers du 20 juillet 1962 et compagnons de détention de Fily Dabo, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré au bagne de Kidal. Cela a permis de mieux comprendre suite aux déclarations de ces détenus graciés, le déroulé des événements de Bouressa qui ont conduit à la mort de ces trois prisonniers politiques et d’autres assassinats perpétrés à Keibane, Sakoiba, Kidal, Tinzouatene, N’Tadeni, Bouressa, Tondimina pour ne citer que ceux-ci.

Enfin sonna La fin tragique de Fily et ses deux compagnons

Ainsi lorsque l’officier commandant le peloton d’exécution fait stopper les véhicules, saute à terre, regarde autour de lui et sonde les lieux avec beaucoup de précautions. Sur son ordre les soldats du peloton débarquent à leur tour et se rassemblent en colonne par un, en attendant le moment d’accomplir leur mission, la mission d’assassins par commission. A cet instant, le lieutenant Jean Bolon Samaké s’adresse aux trois prisonniers en ces termes : ‘’ C’est ici que vous serez fusillés’’ en indiquant du doigt l’endroit précis où les exécutions allaient se dérouler. En ce moment, Hammadoun Dicko, le peulh, le visage plein de noblesse, s’adresse le premier à l’officier en ces termes : Et les derniers mots des condamnés avant leur exécution continuent de faire froid à présent dans les esprits humains. ‘’Lieutenant, quelque soit le mode d’exécution que vous aurez choisi, je vous demande, de grâce, de ne pas laisser nos corps en pâture aux charognards et aux fauves’’ tel était le propos de Hammadoun Dicko qui avait creusé la fosse commune s’adressait peu avant à sa mort à l’officier commandant le peloton d’exécution, le lieutenant Jean Bolon Samaké. Ensuite joignant le geste à la parole, il retire une bague de son doigt, la remit au lieutenant Samaké avec ce message :’’ Remettez cette bague à ma fille et dites-lui que je suis mort pour un idéal. Je souhaite que cet idéal triomphe un jour pour le plus grand bien de mon pays’’. Ce fut le tour de Fily Dabo Sissoko de s’adresser toujours à Jean Bolon Samaké avant de se diriger vers la fosse commune : ‘’ Mon lieutenant, ne me tirez pas derrière sans quoi l’histoire retiendra que j’ai voulu prendre la fuite et tous ceux qui ont contribué à mon exécution auront des sorts tragiques’’. Pendant ce temps des hordes de charognards volaient au dessus de leurs têtes. Moment psychologique pour l’officier qui visiblement ému, détourne la tête et répond d’une voix étouffée : ‘’Dans ce cas, creusez vous-même vos tombes’’. Du coup ces trois devraient creuser leurs propres tombes. Mais l’état physique de Fily et de Kassoum ne pouvait leur permettre une telle entreprise car leur âge et santé avaient rendu impotents. Ce qui explique seul Hammadoun Dicko a pu creuser cette fosse commune. En voulant rejoindre la fosse commune, le peloton d’exécution commandé par du lieutenant Jean Bolon Samaké et composé de lieutenant Mamy Ouattara, l’adjudant –Chef Gaoussou Coulibaly et des goumiers, tira sur les trois et furent enterrés. A noter que le peloton d’exécution était sous les ordres de Diby Sillas Diarra qui recevait discrètement les messages venant de Koulouba. Pourtant rien ne présageait qu’un jour Jean Bolon Samaké allait mettre fin aux jours de son maitre Fily Dabo qui l’a enseigné à Ouélessébougou dans les années 1930. Mais hélas pour lui, il subisse le même sort lorsqu’il fut arrêté par Moussa Traoré. Jugé et condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tentative de coup d’état en 1970, le lieutenant Samaké fut transféré au camp pénal de Taoudéni où il n’a pas survécu aux horreurs du sinistre camp. Lui aussi repose dans une tombe ensevelis sous les sables du désert. Bien avant c’est son chef hiérarchique, Dibi Sillas Diarra qui avait subi le même sort en 1969 que Fily Dabo qui les avait pourtant prévenus avant d’être fusillé le 12 février 1964.

Sadou BOCOUM 

Source: Mutation

 

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