À défaut de brusquer le cours des événements, les stratèges de la désintégration du territoire malien tiennent bien leur agenda. Il ne reste plus qu’à organiser un semblant de référendum pour réviser la constitution du 25 février 1992, et le tour est joué!
Exactement, un petit mois s’est écoulé après le sommet de Pau tenu le 13 janvier, et voilà, jour pour jour, l’armée malienne baptisée reconstituée fait son entrée à Kidal, le 13 février 2020. En arrivant dans la cité et dans la région pour réintégrer sa base d’où elle avait été chassée en 2014 dans le camp n° 1, elle ne pouvait avoir la tête haute en la circonstance pourtant envisagée comme historique et glorieuse. Des observateurs ont même noté que c’est perplexes, voire anxieux, que les soldats ont déposé leurs bagages dans cette caserne proprement appelée Camp Général Abdoulaye Soumaré, cet officier natif de Saint-Louis du Sénégal, ancien colonel de l’armée de la France coloniale, qui sera nommé chef d’état-major de la nouvelle armée de la Fédération du Mali, et qui, suite à l’éclatement de celle-ci dans une nuit fatidique d’août 1960, et parce que loyal et légaliste, a suivi Modibo Keïta et les Soudanais au bord du Djoliba pour fonder la République du Mali le 22 septembre 1960. Sans doute, l’esprit du Général Soumaré, fondateur de l’armée nationale malienne, en tout cas son premier chef d’état-major, souffle encore sur Kidal, mais c’est surtout son âme qui plane entre le sud et le nord du Mali, bien que son corps repose dans sa cité de naissance au Sénégal. Il y a dans l’affaire des éléments de réflexion qui font vibrer les fibres des patriotes maliens.
Comment l’armée malienne dite reconstituée pouvait-elle être à l’aise dans cette pérégrination qui l’a conduite de la cité des Askia à celle des Ifoghas? Pour l’honneur militaire, une armée progresse prête au combat à tous les instants, donc avec une conscience claire des embûches et dangers qui parsèment sa trajectoire. Mais cette armée malienne dite reconstituée n’a pu rejoindre Kidal qu’escortée par plus de 200 Casques bleus, comme pour notifier à tous, singulièrement aux Maliens, que sans la protection des troupes étrangères libres et opérationnelles, elles, sur le territoire malien, la nôtre pompeusement reconstituée s’exposait à des attaques contre lesquelles elle est vulnérable, sinon impuissante à se détendre. Le message insidieux signifie également qu’elle a été acheminée à Kidal pour être seulement cantonnée afin de servir de faire-valoir à un plan politicien qui ne tardera pas à dire son nom. Une mise en scène qui ne rassure personne. D’ailleurs, pas plus que les éléments qui composent la fameuse armée reconstituée que les Maliens dans leur ensemble, nul ne sait avec clarté en quoi celle-là porte l’appellation reconstituée.
Seuls Ibrahim Boubacar Keïta et ses alliés français, avec la complicité impérialiste des Nations-Unies qui, il faut le rappeler, ont trempé dans l’assassinat de Patrice Lumumba, sauraient galvauder un sens pittoresque à ce nom de baptême. Armée malienne reconstituée par rapport au reste de l’armée nationale malienne maintenue au sud? Ou bataillon reconstitué pour justifier faussement le recouvrement de la souveraineté malienne sur Kidal? Il y a, de toute évidence, anguille sous roche, et l’anguille ressemble bien à la perfidie, à la haute trahison. D’ailleurs, cette armée malienne reconstituée conduite sous haute protection à Kidal est composée pour deux tiers des éléments de la rébellion irrédentiste, que l’on appelle combattants ou ex-combattants. Il y a là de quoi dresser les cheveux aux Maliens avertis. En effet, pour ne pas rappeler qu’un cas, c’est pareille situation qui a joué un sale coup à l’armée malienne le 23 mai 2006 quand les ex-combattants intégrés ont attaqué d’importants camps au nord, à Ménaka notamment, en emportant tous les arsenaux, armes et munitions. Pour expliquer cette tragique déconvenue à l’époque qui a humilié et l’armée et le peuple malien, le Général Kafougouna Koné, alors ministre de la Défense, a clairement dit que le forfait a été facilité parce que ce sont les ex-combattants qui avaient les clés de tous les magasins d’armes et de munitions. La leçon a-t-elle été apprise et assimilée? Si armée reconstituée, il devait y avoir, c’est toute l’armée malienne qui devait être concernée.
Pareille mutation aurait au préalable nécessité des études, des séminaires de formation, sinon de refondation, et autres préparatifs stratégiques. Mais, non! Toute l’affaire est cousue de fil blanc. Dr. Choguel K. Maïga a magistralement levé un coin du voile : « Nous constatons que ce bataillon de l’Armée dite reconstituée a été composé conformément aux clauses secrètes convenues entre IBK et les dirigeants des Mouvements séparatistes, le 20 juin 2015, afin que ces derniers acceptent de parapher l’Accord d’Alger (APR) préalablement signé à Bamako le 15 mai 2015, et qu’ils avaient refusé catégoriquement de parapher ce jour. Ces clauses secrètes sont demeurées confidentielles pour le peuple malien (et même pour les autres membres du gouvernement dont j’ai fait partie entre 2015 et 2016) pendant près de 5 ans. Elles n’ont été rendues publiques, officialisées et formalisées que pour être mises en oeuvre, et ce, à la faveur de la dernière session du CSA tenue le 19 janvier 2020 ».
Voilà qui est révélateur ! On comprend que cela a été après que IBK ait organisé au forceps son Dialogue National Inclusif qui a été du reste boudé par l’écrasante majorité des Maliens. De vaudeville en vaudeville, donc, l’homme conduit la République vers une déchéance programmée qui n’est que la partition du pays, au grand bénéfice des Mouvements séparatistes auxquels il est lié par des clauses secrètes avec, on s’en doute, la complicité active de la France. Dans la chaîne qui doit aboutir à cette fin programmée, il ne reste plus qu’à organiser très prochainement un référendum aux fins de réviser la constitution. Très prochainement, c’est-à-dire dans six mois ou avant la fin de l’année 2020, ou courant premier semestre 2021, de sorte qu’IBK puisse achever le boulot avant de quitter le pouvoir, puis s’exiler en France où, peut-être, il aura l’honneur de reposer au Panthéon. L’entrée à Kidal de son armée reconstituée est pour l’heure, dans tous les cas de figure, le début du compte à rebours de la partition du Mali. Le plus grand drame est que, sensée défendre l’intégrité du territoire national, l’armée malienne a été dévoyée pour servir de prétexte à la cession d’une grande partie de notre pays aux ennemis de la patrie commune. De la vraie merde jetée sur les tombes de Modibo et de tous les pères de l’indépendance tous disparus aujourd’hui!
Halidou Bocar Maïga
Source : Le Combat