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«L’armée malienne a besoin d’être encadrée psychologiquement», dixit le Sociologue Mamadou Diouara

 Le Mali vient de célébrer ses 59 ans d’accession à l’Indépendance nationale. Cela, à un moment où l’actualité reste dominée par l’insécurité à l’intérieur du pays. Pour certains, le retard à avoir une solution à ce problème incombe aux plus hautes autorités maliennes. Mais, pour d’autres, c’est l’Armée malienne qui n’est pas à mesure d’y faire face. Pour plus d’éclaircissement sur la question, votre quotidien de Référence a rapproché le Sociologue Mahamadou Diouara, Directeur du Cabinet GAAYA, le weekend dernier, qui s’est aussi confié sans langue de bois à nous en exposant que les décisions politiques ont été pour beaucoup dans l’actuelle situation désastreuse que nous vivons. Bref, lisez !

LE COMBAT : Mamadou Diouara, comment définissez-vous l’Armée malienne de 1960 à l’ère démocratique ?

Mahamadou Diouara: En 1960, nous avons pris notre Indépendance et au moment où  on a pris l’Indépendance on était en train de construire une Armée. Cette armée a été construite après la démobilisation de l’Armée coloniale. C’était des vétérans de guerre, des anciens militaires  de l’Armée coloniale…, qui ont été rassemblés sous le commandement du Général Soumaré, pour construire l’Armée malienne qui a été mise en place. Ç’a pris un peu de temps pour structurer tout cela ; mais il y avait une vision. Et la vision était celle de la construction d’une nation souveraine qui ne se peut, donc, ne pas être sans une  armée effective et capable d’assurer sa sécurité. C’est pourquoi vous verrez la naissance des écoles de formation militaire, le service national militaire et plusieurs autres mesures ont été mises en place. Après de coup d’État militaire de 1968, c’était un Régime militaire qui était au sommet. Ce Régime militaire dirigé par le Général Moussa Traoré a mis la priorité des priorités sur les mesures de sécurité et de défense. L’État était fort, les Institutions de la République étaient sécurisées, l’Intégrité du territoire était garantie, les personnalités représentant l’État étaient protégées, mais l’attention n’était pas focalisée sur le citoyen dans les conditions essentielles à son existence, à sa sécurisation et à son épanouissement.

Mais, en ce moment, l’Armée était-elle en mesure de faire face aux obstacles sur le plan sécuritaire ? 

Notre histoire a été jonchée par des crises notamment des guerres avec des pays voisins et des rébellions internes. Après l’éclatement de la Fédération du Mali, à l’interne s’en est suivie la révolte de Kayes qui avait presque été matée par les forces armées. On a également eu la révolte de Ségou qui aussi a été gérée par la force militaire pour ensuite avoir la première rébellion armée qui était celle d’Aladi Ag Alla Ag Albachar, dans la Région de Kidal et à Ménaka, et qui a également été matée par l’Armée à travers les mesures prises par le Président Modibo Kéïta. Sous Moussa Traoré,  la première rébellion du 14 juin 1990 s’est soldée par une victoire de l’Armée malienne. C’est suite à cela qu’Iyad Ag Ali au nom de son mouvement a demandé au Gouvernement du Mali d’accepter d’aller à l’Accord de Tamanrasset signé le 6 janvier 1991. C’est pour dire que l’Armée était puissante. Quand il a fallu  faire face aux hostilités internes et externes, elle a été présente. Le Mali à l’époque était confortable.

En 1990, le Mali à lui seul avait une puissance de feu comparable à celle de quatre (4) États de la Sous-région. On avait à peu près 44 avions de chasse et plus de 1000 BRDM, de Chars, de véhicules blindés de toutes sortes.

Qu’est-ce qui a changé cette donne ? 

À partir de 1991, le Peuple aspirant légitimement à une Démocratie, les gens se sont dit que l’Armée, après 23 ans  de dictature, avait pris des réflexes et des habitudes contraires à la Démocratie et qu’il faillait réduire son orgueil. Je pense que c’était trop vu et très inopportun. Donc, finalement au lieu de reformer l’Armée en termes de concepts et en termes de méthodes pour humaniser la sécurité, on a simplement possédé à une émasculation de dispositifs sécuritaires et du système de défense. Cela a été fait par multiples mesures qui, à l’origine, étaient de bonne foi, mais qui se sont révélées être négatives. Il s’agit notamment de la création de Hauts fonctionnaires de Défense où on a envoyé beaucoup d’Officiers Supérieurs à des fonctions civiles en les éloignant de la vie militaire. On a réduit la durée de la formation militaire qui, au départ, était de deux ans en 1990 qui a commencé par devenir d’abord 18 mois pour ensuite descendre  à 6 mois. Les programmes d’agissement structurels ont aussi demandé à ce qu’une jeune Démocratie ait d’autres priorités que la défense. Donc, nos Gouvernants ont été obligés de réduire le Budget de la Défense à 3%.  Pour vous dire combien il y a eu des mesures  qui ont fait que finalement la force de l’Armée a été réduite. Je pense qu’on a pêché dans la démarche et on se fait rattraper par cela aujourd’hui.

Le 20 janvier 1961, on était fier de demander au dernier soldat français de partir et, malheureusement, en 2012, on a été obligé de rappeler ce même soldat français pour revenir nous aider. Pour vous dire à quel point les décisions politiques ont été pour beaucoup dans la situation désastreuse que nous vivons.

Dans ce cas, est-ce que cette Armée malienne est capable de faire face aux groupes extrémistes actuels ? 

La question de l’extrémisme violent à laquelle nous faisons face  amène un nouveau parallélisme. C’est celui du citoyen militaire et ennemi. Ce qui veut dire que l’ennemi arrive à infiltrer la population et transformer la population civile en militaire. On les a idéologiquement et militairement  formés et équipés pour qu’ils puissent faire de la nuisance de puissance militaire. La difficulté dans cette démarche est que l’ennemi à combattre réellement est la cible à protéger officiellement. Quand on se rend compte qu’il est un ennemi, il est déjà trop tard. Et nous, nos armées sont préparées pour être dans des Bases avec des équipements lourds et à se déplacer en grand effectif pour aller faire des opérations. Donc, il y a beaucoup de travail qui aurait dû être fait pour harmoniser la compréhension des choses et pour adapter le système de défense au contexte sécuritaire contemporain et de sortir de ces dispositions classiques.

En plus, l’Armée malienne est démoralisée parce que les actes héroïques des soldats ne sont pas dans les débats publics. Il est important qu’on sache que la constitution d’une armée c’est le moral, le système de commandement ensuite les capacités offensives.

Qu’est-ce que les Autorités doivent faire pour permettre à l’Armée d’être en mesure d’affronter convenablement ces ennemis ? 

L’Armée malienne a besoin d’être encadrée psychologiquement. On a besoin de construire une doctrine militaire, de réécrire l’Histoire de notre Armée. L’Histoire a une importance capitale dans la construction des consciences. L’Histoire de l’Armée malienne est l’une des plus belles Histoires militaires de l’Afrique post colonial. Les braves qui se sont sacrifiés et qui étaient véritablement des héros qu’on puisse leur rendre leur mérite au niveau national pour donner goût aux autres de faire pareil.

Propos recueillis  par A. Haïdara

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