Dans la tourmente mondialisée d’une réinterprétation conflictuelle de l’université islamique, une voix de l’intérieur associatif et confrérique ose scruter au Mali, de 1960 à 2011, le clair-obscur de l’incontournable mécanisme de régulation entre sociétés, l’Etat et le monothéisme.
Ce 28 juin 2013, dans la salle Balla Moussa Keita du Cicb, Thièrno Hady Thiam a pris la distance du chercheur pour présenter, avec esprit de synthèse, le complexe dynamique de changement religieux qui travaille le corps et l’esprit politique de pays-carrefour sahélien. La parution de cet ouvrage sur « l’Historique du mouvement Social Islamique malien » intervient dans un environnement national et sous-régional de plus en plus préoccupant ; préoccupant parce que propice à la propagation de discours tendancieux voire fallacieux. En effet, chacune des trois Républiques du Mali a géré l’islam par la recherche négociée de sa propre légitimité sans sacrifier son ancrage constitutionnel laïc sur l’autel des spécialistes religieux, cependant fortement consultés en privé. Dans un patchwork thématique descriptif des confréries et associations musulmanes post 26 mars 1991, Thiam revisite les aspects juridiques, médiatiques, éducationnels, souvent à but plus lucratif qu’une ouverture de boutique. Le goût immodéré de ressources financières tous azimuts permet ici de mesurer en partie la brute réalité d’une forte demande socio-économique sur des questions de reforme privée comme le Code de la famille et des personnes, ou publique comme la fermeture des bars pendant le Ramadan. L’irritabilité républicaine face à ces connotations péjorativement classées «islamistes» heurte parfois le seuil de tolérance morale de la communauté musulmane bien installée dans le sillage démocratique pluraliste de la société civile occidentale et chrétienne : marches, meeting, pétitions, comités de gestion des mosquées. L’importance de l’ouvrage qui vient d’être publié n’apparait fondamentalement qu’à la lumière des événements récents que le Mali a vécus. Il importe, dans les circonstances actuelles, de communiquer sur l’islam. A travers ce livre, l’auteur met à la portée du public une quête de repères sur l’évolution du mouvement social et islamique malien. Il accomplit son devoir de citoyen. Et ce mouvement aborde la dimension sociale qui donne lieu à des conflits d’intérêt. Par delà les considérations partisanes, ce sont des questions d’actualité qui sont traitées dans cet ouvrage.
En 70 pages, Thièrno Hady Thiam invite à repenser la subtile reconfiguration institutionnelle en cours dans les jeux de positionnement citoyen et les enjeux matériels des divers engagements spirituels qui traversent notre espace public et privé. Il y a là de quoi dérouter les maitres-à-pensée unique de la terre, auto-cloisonnés à double tour par les idées reçues sur la dernière et finale religion révélée dont le premier et dernier mot revient à Dieu
Gérard Dakouo