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L’aide à la Tunisie vire à la polémique européenne

Alors que la Commission européenne a finalement versé à Tunis l’aide promise en échange d’un contrôle des flux migratoires, les eurodéputés montent au créneau, estimant que les procédures n’ont pas été respectées. Le sujet sera débattu ce jeudi 14 mars au Parlement européen.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’apprête à conclure avec l’Égypte un accord similaire au mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global entre l’Union européenne et la Tunisie, signé en juillet 2023. Cette initiative lancée par la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, semble faire de ce qui est essentiellement un programme de contrôle migratoire externalisé un modèle reproductible avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Une stratégie qui plaît aux droites européennes, à trois mois d’élections dont la migration est devenue une thématique centrale, au détriment d’autres politiques communes.

Mais le Parlement de Strasbourg n’entend pas laisser la bride abattue à Bruxelles. Après avoir évoqué à plusieurs reprises la question, les parlementaires européens dénoncent désormais les agissements de la Commission européenne. Celle-ci a procédé au décaissement de 150 millions d’appui budgétaire pour la Tunisie sans en référer clairement aux députés, ni respecter les conditions a minima d’éligibilité qu’imposent les normes européennes pour la mise en application du volet financier du mémorandum de juillet 2023.

Une résolution doit donc être débattue par les eurodéputés ce 14 mars. Le texte tacle les mesures spéciales prises par la Commission européenne concernant le mémorandum et le décaissement des sommes annoncées en un seul versement. Il conteste aussi la procédure d’urgence écrite employée pour la mesure spéciale en faveur de la Tunisie, estimant que la Commission avait suffisamment de temps pour avoir recours à la procédure normale après l’annonce de cet appui budgétaire, le 11 juin 2023, plutôt que d’adopter une démarche manquant de respect au contrôle parlementaire et aux procédures. Le Parlement relève ainsi qu’aucun contact informel n’a été préalablement établi entre les députés et la Commission avant l’introduction d’une procédure écrite d’urgence et l’adoption cette mesure spéciale.

Dysfonctionnement de la Commission

Les députés déplorent aussi de n’avoir pu examiner la convention de financement inhérente à cet accord avec la Tunisie et les conditions et exigences qu’elle édicte. Le Parlement exige en particulier que les termes « progrès satisfaisants » employés au titre de critères conditionnant cet appui budgétaire soient précisés. Comme ils s’en sont déjà étonnés en septembre 2023, les eurodéputés semblent estimer qu’une entorse a été faite aux fondamentaux en terme de démocratie, de droits humains et d’État de droit, tels qu’énoncés à l’article 21 du traité de l’Union européenne (UE) qui régit les relations hors Europe.

Selon cette résolution, le dysfonctionnement de la Commission est patent et Strasbourg réclame des réponses écrites avant la fin du mandat actuel pour évaluer la conformité des procédures et les conditions du décaissement. Finalement, les députés exigent que leur soit expliqué en quoi la Tunisie remplit les conditions requises par l’UE et respecte les critères des droits humains. Et surtout les raisons d’une telle hâte à décaisser en un seul versement les 150 millions d’euros plutôt que de le prévoir en plusieurs étapes et conditionné à un engagement de la Tunisie de restaurer des valeurs fondamentales.

Les députés dénoncent une mesure spéciale qui n’a pas eu d’effets sur la situation économique ni sur le climat des affaires et n’a pas empêché la détérioration des conditions des droits et de vie en Tunisie. Une situation d’autant plus sensible que le gouvernement tunisien a montré une certaine incohérence en refusant le versement de 60 millions d’euros en octobre 2023 au titre de reliquat du soutien à la campagne Covid, avant d’accepter le soutien budgétaire de 150 millions.

Il semble que les députés n’aient pas oublié la manière dont les autorités, au nom de leur souveraineté, ont refusé les visites de parlementaires. Ils exigent de la Commission qu’elle présente, notamment par une réponse orale immédiate à cette question, les garanties données par Tunis pour permettre aux députés européens d’exercer leur droit de contrôle et de veille sur les projets financés par l’UE en Tunisie.

jeuneafrique

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