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L’Afrique fait-elle marche arrière en matière de démocratie ?

Même si des études montrent que la plupart des Africains veulent vivre dans des pays démocratiques, un nombre croissant d’Etats instaurent des régimes autocratiques.

Au cours des trois dernières années, les pays africains ont connu un net recul en ce qui concerne la participation citoyenne à la politique et l’État de droit, selon les analystes.

“Aujourd’hui, il y a presque autant de démocraties défectueuses (15) que de régimes autocratiques (16) parmi les 54 États du continent”, observe Nic Cheeseman, professeur à l’Université de Birmingham (Angleterre).

 

Le Nigeria, qui va organiser ses élections présidentielle et législatives, samedi 23 février, figure sur la liste des “démocraties défectueuses”.

Malgré les défis, au moins 68 % des Africains préfèrent vivre dans des sociétés ouvertes et plus libres, selon un récent sondage réalisé par Afrobaromètre – un réseau africain de recherche sur la démocratie et la gouvernance – dans 34 pays.

Ce chiffre, cependant, est légèrement inférieur à celui de 2012, qui était de 72 %.

“Les Africains veulent juste plus de dividendes de la démocratie. Ils veulent moins de corruption, plus de transparence, moins d’impunité, plus d’opportunités économiques”, déclare Emmanuel Gyimah-Boadi, directeur exécutif et co-fondateur d’Afrobaromètre.

“Il est dans l’intérêt des partenaires étrangers de promouvoir et de soutenir cette quête, de peur que les modèles antidémocratiques (…) de développement national ne deviennent plus séduisants”, ajoute-t-il.

 

Salif Keita, une légende de la musique malienne, a déclaré il y a quelques mois que la démocratie a échoué en Afrique.

Il estime que le continent africain a besoin d’un “dictateur bienveillant comme en Chine”.

“Pour avoir une démocratie, les gens doivent comprendre ce que c’est la démocratie d’abord”, dit Keita. Il se demande “comment les gens peuvent comprendre cela lorsque 85 % de la population du pays ne savent ni lire ni écrire”.

“J’aime Trump”

Les États-Unis, qui ont historiquement joué un rôle majeur dans la promotion de la démocratie en Afrique, ont adopté une approche non interventionniste depuis l’arrivée au pouvoir du président Donald Trump en 2017.

Lorsque sa politique africaine a été dévoilée fin 2018, de nombreux observateurs du continent n’ont pas tardé à souligner que M. Trump ne comprenait pas les éléments de base de la démocratie américaine : promotion de la démocratie, élections libres et régulières, droits politiques et civils.

Ces éléments étaient des facteurs clés des politiques menées par ses prédécesseurs.

Il a privilégié la guerre contre le terrorisme, la réduction des dépenses destinées aux missions des Nations unies sur le continent et l’anéantissement des activités de la Russie et de la Chine en Afrique.

“Si les dirigeants africains voient des dirigeants comme Trump, qui semble très heureux de serrer la main des autocrates, cela leur donne le feu vert pour manipuler les élections et ne pas en subir les conséquences”, dit M. Cheeseman.

Le président ougandais, Yoweri Museveni, qui envisage de briguer un sixième mandat en 2021, s’est montré particulièrement élogieux à l’égard du président américain, en déclarant : “J’aime Trump”.

Il l’a décrit comme le meilleur président que les États-Unis ont connu.

 

Le Bénin et la Zambie ont été, en 1991, les premiers ex-États à parti unique à organiser des élections multipartites en Afrique – qui ont été remportées par les partis d’opposition. Ces élections ont marqué le début d’une décennie de progrès démocratiques sur le continent, après la fin de la guerre froide.

Près de trente ans plus tard, le Bénin est considéré comme l’un des neuf Etats “libres” sur les 54 du continent, tandis que la Zambie a régressé pour devenir “partiellement libre”, selon le rapport 2019 de Freedom House – une organisation non gouvernementale, chargée de la promotion de la démocratie et de la défense des droits de l’homme.

Au Sénégal, le débat se pose de savoir quelle structure de l’Etat doit organiser les élections pour plus de démocratie :

Le nombre de pays “libres” est resté le même durant les dix dernières années. Sept pays – Sénégal, Ghana, Bénin, Namibie, Botswana, Afrique du Sud et île Maurice – ont maintenu leur position. La Tunisie a progressé, devenant un pays “partiellement libre”, tandis que le Mali et le Lesotho ont évolué dans la direction opposée.

Robert Mugabe, Donald Trump… et la démocratie:

Quand Robert Mugabe donne des leçons de démocratie à Donald Trump

L’Angola et l’Éthiopie, bien que figurant sur la liste des pays “non libres”, ont connu des “améliorations surprenantes” après l’arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants, l’année dernière.

La transition politique, par le biais des élections régulières, est l’un des critères permettant de dire si un pays est démocratique ou pas. Certains pays ont même fait recours à la technologie pour rendre les élections crédibles, mais dans la plupart des cas, cela n’a guère contribué à dissiper les inquiétudes.

“De nombreux pays africains essaient d’utiliser la technologie pour instaurer la confiance dans les élections, mais sans succès”, a déclaré à la BBC Nanjala Nyabola, auteur d’un ouvrage sur le rapport de la technologie à la démocratie, “Digital Democracy, Analogue Politics”.

Elle a donné l’exemple des élections de 2017 au Kenya qui, malgré l’usage de la technologie biométrique pour l’identification des électeurs, n’a pas réussi à gagner la confiance de ces derniers.

“Un autre problème, c’est que nous avons des pays qui organisent des élections légales mais illégitimes”, a déclaré à la BBC Godwin Murunga, de l’Université de Nairobi.

“Il faut signaler que la démocratie en Afrique devrait avoir ses normes à elles”, ajoute-t-il, rappelant les réactions controversées de la communauté internationale à la suite de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC).

 

Le Rwanda, un modèle.

L’ancien président de la RDC, Joseph Kabila, a organisé l’une des élections les plus controversées du continent. “Une fraude pure et simple”, comme l’ont dit certains.

Martin Fayulu, arrivé deuxième à l’élection présidentielle congolaise, conteste toujours la victoire de Félix Tshisekedi. “C’était un coup d’État”, a-t-il déclaré à la BBC.

Il soutient, comme la très influente Église catholique congolaise – qui dit avoir déployé 40 000 observateurs électoraux -, qu’il a remporté l’élection.

M. Fayulu a demandé à l’Union africaine de créer une commission chargée de recompter les votes exprimés le 30 décembre ou d’organiser un nouveau scrutin dans six mois. “Nous devons respecter la volonté des Congolais. La démocratie doit être la même partout”, a dit M. Fayulu à la BBC.

Son point de vue est soutenu par le milliardaire soudanais Mo Ibrahim, fondateur de l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine, et Alan Doss, président de la Fondation Kofi Annan. M. Doss estime que l’élection de M. Tshisekedi manque de légitimité réelle, ce qui, selon lui, risque de remettre en question l’autorité du nouveau président congolais.

Mo Ibrahim et Alan Doss ont également accusé la communauté internationale, y compris les Etats-Unis, d’avoir déçu le peuple congolais au nom de la “stabilité” du pays.

Cette année, une quinzaine de pays sont sur le point d’organiser des élections à différents niveaux (des législatives, des élections présidentielle, etc.), mais la crédibilité de ces élections pourrait encore susciter des questions sur le fonctionnement de la démocratie en Afrique.

Les États-Unis ont une influence significative en Afrique, mais ils ne constituent pas un facteur majeur de déclin de la démocratie sur le continent, a déclaré à la BBC Jon Temin, directeur du département Afrique de Freedom House.

 

Les pessimistes comme Salif Keita proposent une autocratie bienveillante comme alternative. Le président rwandais Paul Kagame est un exemple de dirigeant à la tête d’un gouvernement efficace, mais peu soucieux des considérations démocratiques.

Toutefois, la domination du parti au pouvoir sur l’économie d’un pays, comme au Rwanda, est plus propice à la corruption et au gaspillage qu’au développement de l’activité économique, selon M. Cheeseman. “Cela signifie que si d’autres pays du continent essaient de mettre en œuvre le modèle rwandais, il y a de fortes chances qu’ils (…) n’en tirent que peu d’avantages”, ajoute-t-il.

Nansata Yakubu, une militante ghanéenne pro-démocratie, affirme que malgré les revers enregistrés dans des pays comme la RDC, la promotion de la démocratie ne doit pas s’arrêter aux élections. “Nous devons améliorer le système électoral et continuer à faire participer le public”, a-t-elle déclaré à la BBC.

Selon Steven Friedman, professeur d’études politiques à l’Université de Johannesburg, de plus en plus les gens ont leur mot à dire sur les questions les concernant – ce qui est plus important que le fait de comparer la structure de gouvernance de chaque pays aux démocraties occidentales.

La bonne nouvelle, c’est que le soutien à la démocratie reste élevé. Mais l’inquiétude, c’est que cela n’est garanti que si les Africains commencent à profiter des dividendes que procurent les sociétés libres et ouvertes, en plus de la participation à des élections crédibles et responsables.

BBC

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