Manuel Valls était en déplacement à Bamako ce week-end, alors que des voix maliennes mettent en cause la complaisance de la France avec les rebelles du MNLA.
Interrogé à propos de l’enquête sur l’assassinat des deux journalistes français de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, en déplacement ce week-end à Bamako, a simplement répondu qu’elle était désormais placée “sous la responsabilité du procureur de Paris”. Le ministre a ensuite pris soin d’ajouter que la SDAT, sous-direction antiterroriste, et la DCRI s’étaient rendues sur le terrain “dans une coopération de très grande qualité avec nos forces armées et nos amis maliens”.
Mais les “amis maliens”, eux, ne sont pas de cet avis. “Nous avons été mis à l’écart de cette enquête”, affirme un officier des forces armées maliennes. “Dans cette enquête comme sur le terrain, nous n’avons aucune marge de manoeuvre à Kidal.” Selon celui qui est aussi le chef de la Dirpa, la Direction de l’information et des relations publiques de l’armée, les soldats maliens se sentent impuissants et sont “très mal à l’aise” avec la situation. “Nous vivons cela comme une humiliation”, déplore le commandant.
Malaise à Kidal
Le noeud de la discorde se trouve dans le nord du pays, et plus particulièrement à Kidal. “Dans cette ville, nos forces de sécurité sont confinées, l’arme au pied. Kidal échappe aujourd’hui à notre contrôle, il faut que la souveraineté du Mali sur Kidal soit une réalité”, avait déclaré le président malien Ibrahim Boubacar Keïta le 4 novembre, deux jours après l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Du côté de l’armée française, on rétorque que les militaires n’ont aucun mandat pour interdire quoi que ce soit, mais on concède que la priorité à Kidal est de ne pas faire “exploser une situation” qui est déjà très complexe.
Il s’agit, pour l’armée française, d’éviter des “débordements”, entre l’armée malienne et le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad, organisation politique et militaire active dans le nord du Mali, qui revendique l’indépendance de la région de Tombouctou, Kidal et Gao.
Le principal risque, pour la France, serait que l’armée malienne et le MNLA mènent une guerre qui ressemblerait à un règlement de comptes en oubliant “l’ennemi commun” : les terroristes. “Le problème, c’est que pour les gens du Sud et pour l’armée malienne, le MNLA est un mouvement terroriste ! Il ne faut pas oublier que c’est lui qui a lancé les opérations militaires contre l’armée malienne et permis aux mouvements islamistes de prendre le contrôle du nord du pays”, relève Francis Simonis, chercheur au Centre d’études des mondes africains à Aix-en-Provence.
“Merci, François Hollande”
Au Mali, les critiques pleuvent lorsqu’est évoquée l’attitude de la France face au MNLA. À Bamako, beaucoup ne comprennent pas cette “complaisance” pour un groupe armé qui est haï par de nombreux habitants du sud du pays.
Certains vont jusqu’à estimer que le mouvement est une “création de la France”, d’autres, sans aller aussi loin, observent que le retour du MNLA à Kidal correspond au moment du départ des islamistes armés chassés à la fin du mois de janvier par l’intervention française au Mali. “Dans les faits, le MNLA avait été vaincu militairement par les islamistes du Mujao et avait disparu du terrain en novembre 2012.
Profitant de la fuite des islamistes, il s’est implanté à Kidal dont il a prétendu qu’il l’avait libéré. La France, pour sa part, feignant d’ignorer la porosité qui existait entre Ansar Dine et le MNLA comptait sur lui pour l’aider à récupérer ses otages dont elle savait qu’ils étaient détenus dans la région de Kidal”, analyse Francis Simonis.
Dans le pays, l’engouement collectif qui a suivi l’intervention militaire française est retombé. Quelques Français installés depuis de nombreuses années au Mali craignent même un retournement de situation. Une banderole accrochée à deux pas de l’ambassade de France clame “Merci, François Hollande”. Mais pour combien de temps encore ?
Source: Le Point