[LONDRES] Des chercheurs pakistanais ont démontré que les écorces de pastèques, généralement considérées comme des déchets, pouvaient éliminer de manière économique et efficace l’arsenic des eaux souterraines.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’intoxication par l’arsenic provenant de la consommation d’eau souterraine contaminée affecte environ 140 millions de personnes dans 50 pays, et 43 000 personnes en meurent chaque année.
Les pays les plus touchés sont le Bangladesh, l’Inde, le Népal et le Pakistan, bien que la pollution par l’arsenic soit également présente en Chine, dans certaines régions d’Europe et dans les Amériques.
“Nous nous concentrons sur les personnes pauvres qui n’ont pas accès à l’électricité ou pas d’argent pour acheter des filtres très sophistiqués”
Nabeel Khan Niazi, université agricole de Faisalabad
Si les statistiques pour l’Afrique ne sont pas disponibles, l’on sait que la pastèque, encore appelée melon d’eau, est un fruit largement cultivé et couramment consommé un peu partout en Afrique subsaharienne où elle est très appréciée.
Selon un document de la Banque africaine de développement (BAD) sur les fruits et légumes, les melons, incluant la pastèque, étaient même le 7ème produit d’exportation de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) entre 2007 et 2012.
Les traitements visant à éliminer la contamination par l’arsenic, principalement associée à l’eau extraite de sources souterraines profondes utilisant des puits, comprennent l’utilisation de chaux, de divers coagulants, de filtres à membrane osmotique ou de processus d’échange d’ions.
Bien que plusieurs méthodes d’élimination de l’arsenic de l’eau aient été mises au point, le coût est un facteur déterminant pour un déploiement effectif.
Les chercheurs, qui ont publié leurs résultats au mois de juillet dernier dans la revue Science of the Total Environment, affirment que leur technologie utilisant l’écorce de la pastèque est parmi les moins coûteuses développées à ce jour.
“L’écorce de la pastèque est gratuite. Il s’agit essentiellement de biodéchets abondamment produits au Pakistan”, explique Nabeel Khan Niazi, professeur adjoint à l’université agricole de Faisalabad (UAF) et co-auteur de l’étude.
Les chercheurs ont traité des écorces de melon d’eau avec du sel de xanthate – qui attire et fixe l’arsenic – pour produire un filtre capable d’éliminer 95% de l’arsenic des échantillons d’eau prélevés dans tout le Pakistan. Les xanthates sont produits lorsque l’alcool réagit avec l’hydroxyde de sodium ou de potassium et le sulfure de carbone.
Un prototype de filtre développé par les chercheurs traite environ 20 litres d’eau par jour. Chaque filtre dure 6 à 8 mois et coûte environ US$32 – environ 18.000 Francs CFA -, précise Nabeel Khan Niazi. Son équipe a obtenu des fonds de Grands Défis Canada en 2014 pour développer la technologie.
“Nous nous concentrons sur les personnes pauvres qui n’ont pas accès à l’électricité ou pas d’argent pour acheter des filtres très sophistiqués – les filtres traditionnels pouvant coûter environ 200 dollars”, explique encore Nabeel Khan Niazi.
Ces chercheurs ne sont pas les premiers à explorer les filtres biologiques utilisant des xanthates pour éliminer l’arsenic de l’eau potable. Les tentatives précédentes de fabrication de filtres à partir de matériaux tels que la coque d’arachide, la feuille de manguier, les coques de riz et la bagasse de canne à sucre ont rencontré un succès limité.
“Nous sommes surpris par les résultats pakistanais”, explique Kedar Nath Ghimire, chercheur en chimie à l’université Tribhuvan de Katmandou (Népal), qui a fait l’expérience sur la bagasse de canne à sucre. “Nos études ont démontré qu’un tel matériau éliminait les métaux de transition lourds, mais pas l’arsenic”, explique-t-il à SciDev.Net.
Mais Nabeel Khan Niazi assure que la méthode fonctionne et que des projets sont en cours avec le gouvernement pakistanais pour déployer le filtre dans les zones rurales.
L’ingestion d’arsenic peut provoquer des diarrhées et des vomissements, alors qu’une exposition de faible intensité à long terme peut déclencher un cancer de la peau, une gangrène et des maladies pulmonaires potentiellement fatales.