La convocation par décret présidentiel de la première session de la nouvelle législature est toujours fortement attendue des observateurs de la scène politique. Après la proclamation des résultats définitifs des élections législatives, les interrogations portaient sur la configuration de la nouvelle assemblée nationale avec des questions de savoir qui ira à l’opposition, qui sera avec la majorité.
Mais avant, alors que le quota de constitution d’un groupe parlementaire n’était pas encore déterminé par un nouveau règlement intérieur toujours inexistant, les tractations ont eu droit à tous les honneurs pour impulser et favoriser la transhumance politique. A ce petit jeu, déjà fort de ses soixante six sièges gagnés sur des listes RPM, le parti présidentiel est en train de se constituer plus qu’une majorité confortable. Et pas seulement par le jeu des alliances. La famille politique d’Ibrahim Boubacar Kéita, en effet, aurait bientôt le renfort des six députés du Fare, le parti de Modibo Sidibé.
Ces seuls élus du Fare auraient décidé de lâcher la formation créée par l’ancien Premier ministre. Si cette adhésion se confirmait, le RPM compterait bientôt 72 députés, c’est-à-dire qu’il n’aura plus besoin que de deux sièges de plus pour avoir la majorité absolue, éviter les compromis et se défaire des compromissions. Dans le contexte particulier du Mali, marqué par le manque de conviction et d’idéologie des acteurs politiques, truffé par le nomadisme et la transhumance de certains élus qui ne se sédentarisent que là où ils sont assurés de brouter en abondance, l’entreprise parait aisée pour IBK. Qui a désormais à cœur de trouver ces deux députés manquants à sa main mise totale sur l’hémicycle, quitte à créer une petite entreprise de débauchage. Selon certaines indiscrétions, certains élus de l’Adema, un parti qui ne veut à aucun prix se retrouver dans l’opposition ni même au centre à amuser la galerie, seraient prêts à débarquer chez le Tisserand avec armes, bagages, métiers et fils. Pourvu que les dividendes soient au rendez-vous. Mais si Ibrahim Boubacar Kéita parvenait à constituer une majorité parlementaire avec uniquement des députés RPM qu’adviendra-t-il de ses alliés du premier tour, réunis dans «le Mali d’abord»? Ceux-ci ne doivent plus s’attendre aux complaisances escomptées de leur soutien. En particulier, l’ASMA de Soumeylou Boubèye Maïga, dont la liste constituée avec l’Adema à Gao, leur fief, a été férocement combattue et humiliée par le RPM. Quant aux autres, ils ne pèsent guère lourd, avec 02 sièges pour le Miria, autant pour l’Um-Rda et ADP-Maliba, et un siège pour l’UDD.
Si ces alliés de la première heure sont très mal lotis, que dire de ceux qui ont pris le train en marche ? Ces ralliés de la vingt-cinquième heure commencent déjà à déchanter. Yelema perd son unique député, élu à Ségou, au profit de l’URD. Mais son président, Moussa Mara, pourrait conserver sa représentation dans un nouveau gouvernement, un poste qui l’occupera tellement qu’il pourrait délaisser son parti, lequel sombrera inévitablement dans une Commune IV où il compte. S’agissant de l’APR et de la CDS, qui ont respectivement un et deux députés, ils ont peu de chances de peser dans la balance, isolés qu’ils sont dans leurs régions respectives. La Codem, avec ses six députés, s’impose comme quatrième force politique, mais pourrait occuper le troisième rang si le harakiri de l’Adema se confirmait. Cependant, le parti du jeune Housseïni Amion Guindo reste fidèle à ses convictions d’après premier tour de la présidentielle : il maintient son siège à IBK. Tout comme le Cnid (04 députés), la Sadi (05 sièges) et le MPR (03 élus). Tous réunis, les ralliés ne comptent que 21 députés.
Mais qu’adviendra-t-il surtout des autres partis, ceux qui jadis ont formé le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la république (FDR) pour s’opposer au coup d’Etat que le RPM, lui, n’avait pas condamné, marchant au contraire aux côtés de la Copam et de MP 22 ?
L’Adema ne voulant pas aller à l’opposition et étant, pour cela, prête à vendre son âme au diable le plus offrant, nul ne peut présager de son avenir immédiat même si tous savent que c’est une Abeille qui retombe toujours sur ses pattes, avant de rebondir à nouveau. Le Fare étant appelé à disparaître de la scène politique pour un bon moment, son fondateur et ses principaux initiateurs savent qu’ils ne pourraient en faire un véritable parti compétitif, surtout parce qu’ils ne sont pas intéressés par de « petits » sièges municipaux. Il ne reste plus que le Parena, le Pdes et l’URD.
Le premier (03 députés) a joué le rôle le plus important d’opposant constructif et objectif, ces dix dernières années. En critiquant très souvent des décisions des gouvernements ATT auxquels ils participaient cependant. De même, le Parena a toujours suscité, nourri et entretenu le débat sur les grandes questions d’intérêt national. Son président est un fin connaisseur du dossier du nord, l’épine dans le talon de tous les régimes depuis l’indépendance. Cette expertise l’amènera-t-il pour autant à ne jouer que les utilités comme cela a été le cas avec les négociations qui ont abouti à l’Accord du 18 juin de Ouagadougou ? Le second, crédité également de trois sièges, est appelé à disparaître de la scène politique, comme ATT pour lequel il a été créé par opportunisme. Reste l’URD, dont le fondateur, Soumaïla Cissé, a déclaré publiquement que l’opposition n’est pas dans la culture malienne, mais que plus d’un observateur veulent la voir jouer le rôle d’opposant avec ses dix-huit députés qui font d’elle la deuxième force politique du pays. Ce nombre pourrait d’ailleurs évoluer si la défection à son profit du député Prvm se confirmait. L’autre enjeu de cette rentrée (entrée) parlementaire, c’est la désignation du nouveau président de l’Assemblée nationale. Sans surprise, il sera forcément issu des rangs du parti présidentiel. Des noms sont cités, parmi lesquels, avec insistance, ceux d’Abdrahamane Niang, un vieux de la vieille, et de Kalilou Ouattara, un acteur plutôt méconnu du public politique. Comme quoi, cette rentrée parlementaire est vivement attendue pour que les Maliens sachent enfin à quoi s’en tenir, concernant cette nouvelle législature non exempte de tous les dangers pour la démocratie.
Cheick TANDINA