Le mouvement syndical à l’origine d’une grève générale très suivie en Guinée depuis trois jours a annoncé mercredi soir la suspension de son mouvement et la reprise de négociations après la libération du responsable d’un syndicat de presse, considérée comme un préalable à toute discussion.
Le mouvement syndical guinéen «informe les autorités publiques, privées et informelles de sa disponibilité à reprendre les négociations dès demain jeudi». «À cet effet, le Mouvement Syndical Guinéen suspend la grève générale et illimitée déclenchée le lundi 26 février», poursuit le communiqué.
Cette décision fait suite à la libération plus tôt dans la journée de Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG). Détenu depuis plus d’un mois pour avoir appelé à manifester contre la censure, ce dernier est sorti libre d’un tribunal de Conakry après avoir été condamné mercredi en appel à un mois de prison ferme.
Paralysie presque totale
Avec la libération de Jamal Pendessa, «on peut retourner à la table des négociations avec le gouvernement pour appuyer les autres points de revendications», avait déclaré à la bourse du Travail Abdoulaye Sow, porte-parole du mouvement syndical, en présence du syndicaliste tout juste relâché.
Au menu des discussions à venir: la baisse des prix des denrées de première nécessité, la fin de la censure médiatique et le respect d’un accord lié à l’amélioration des conditions de vie des fonctionnaires.
Le mouvement de contestation lancé par les treize centrales syndicales du pays, et soutenu par les principaux partis politiques et des organisations de la société civile, s’est traduit par une paralysie presque totale de la capitale Conakry: les banques, les écoles et de nombreux commerces sont restés fermés, les administrations et hôpitaux fonctionnant au ralenti.
«Victoire de la démocratie»
Ce mouvement fait figure de test pour la junte dirigée par Mamadi Doumbouya depuis 2021, qui interdit toute manifestation et cherche à faire taire toute critique à son égard. «C’est une victoire de la démocratie, de la justice contre l’injustice, de la justice contre l’arbitraire», a déclaré Jamal Pendessa après le jugement.
Des heurts sporadiques dans la banlieue de Conakry ont fait deux morts lundi. Arrêté le 19 janvier, le syndicaliste avait été condamné vendredi à six mois de prison dont trois avec sursis parce qu’il était allé soutenir un certain nombre de ses confrères qui avaient manifesté «pour libérer les médias et réseaux sociaux». La manifestation avait été interdite par les autorités.
Les militaires au pouvoir ont récemment sévi contre un certain nombre de médias en supprimant des chaînes de télévision des principaux bouquets de distribution et en brouillant des fréquences radio, provoquant des manifestations de colère, en particulier de journalistes.
Nouveau premier ministre
Mardi soir, le chef de la junte a aussi nommé un nouveau premier ministre, huit jours après avoir dissous contre toute attente le précédent gouvernement sans en donner les raisons, mais en ordonnant le gel des comptes bancaires de ses membres et la saisie de leurs passeports.
L’économiste Amadou Oury Bah, nouveau chef de gouvernement, a prêté serment et juré de «mettre tout en œuvre pour préserver l’intérêt supérieur du CNRD (l’organe dirigeant de la junte au pouvoir), de son président et du peuple de Guinée».
Insistant sur la communication avec les Guinéens, il s’est engagé à «apaiser, restaurer la confiance et redonner de l’espoir à nos compatriotes qui se sentent un peu désorientés ces derniers temps», selon une publication de la Primature sur ses réseaux sociaux.
AFP