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La France à fric a la peau dure

présidentielle, la communication se déchaîne, et chaque nouveau président affirme, la main sur le cœur, les yeux dans les yeux, « la France-Afrique, c’est fini ! ». Mais qui peut le croire ? A la lumière de la convocation récente par la justice de Vincent Bolloré récente, on ne peut qu’en douter. De quoi le milliardaire, amateur de médias, et pas seulement, est-il soupçonné ? Pour faire court, il serait intervenu dans deux élections présidentielles africaines, par le truchement de l’agence Havas, l’une des possessions Bolloraine.

C’est en effet en 2010 que l’agence Havas s’est rapproché d’Alpha Condé, alors candidat à l’élection présidentielle guinéenne, en lui proposant ses services et son « kit d’influence » qui lui permettrait d’accéder au pouvoir. Le candidat guinéen fut élu, et offrit, sans le moindre appel d’offre, 2 des 16 terminaux à conteneur du port de Conakry au groupe du milliardaire français. C’est sur cette attribution que la justice française l’interroge et s’interroge, depuis le 24 avril, et ce n’est pas tout. lien En effet, on retrouve la même situation à Lomé, au Togo, où des concessions auraient pu être offertes au groupe Bolloré, une fois l’élection du candidat soutenu par le groupe, réussie. Selon le magazine Challenges, Francis Perez, directeur du groupe Pefaco, placé lui aussi en garde à vue, est soupçonné d’avoir versé plusieurs centaines de millions d’euros à Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence Havas. Il se défend de cette accusation, affirmant qu’il s’agit uniquement d’un « prêt pour une maison ». Ce groupe Pefaco développe des activités de casinos et d’hôtels en Afrique, notamment à Lomé. lien On le voit, la France-Afrique est loin d’être devenue une histoire du passé, et de Mitterrand à Macron, en passant par Sarközi, Chirac, ou Hollande, la France n’a cessé de s’impliquer sur le continent africain. On se souvient que c’est en novembre 2017 que le nouveau président français s’était fendu d’un beau discours à l’université d’Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, devant 800 étudiants, créant un incident diplomatique. lien C’est sous Mitterrand que Thomas Sankarra, père de la révolution burkinabé, âgé de 38 ans, avait probablement payé de sa vie ses attaques contre les « fonctionnaires pourris », assassinat pour lequel certains ont voulu voir la main de la France et de la CIA… mais aussi celle d’un certain Kadhafi. vidéo C’était le 15 octobre 1987, et Sankarra a été abattu froidement par « un commando militaire », alors qu’il avait les mains levées. lien N’oublions pas les interventions plus ou moins heureuses de Sarközi, surtout qu’il avait déclaré, le 26 juillet 2007 : « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Quand à Hollande, quelle crédibilité apporter à son discours de Dakar, lorsqu’il s’était prononcé pour « la fin de la Françafrique » surtout quand l’on constate les nombreuses interventions de l’armée française, destinées probablement à protéger les intérêts français, notamment dans l’activité nucléaire d’Areva, au Niger. Personne n’a oublié qu’Hollande avait déclaré, après les attentats qui visaient la mine d’uranium d’Arlit, « nous protégerons aussi nos intérêts ». lien Dans une région grande comme deux fois l’Auvergne, le groupe nucléaire français exploite depuis 40 ans, des mines d’uranium provoquant, dans cette fragile et précieuse région, l’apparition d’une poubelle nucléaire, avec son lot de cancers, et autres leucémies, pour ceux qui voisinent cette immense mine, pour le plus grand profit de la France, et quelques maigres retombées financières pour le pouvoir nigérien… avec son lot de probables corruptions. Rappelons que le Niger est l’un des états les plus pauvres au monde, et que la Somair, et la Cominak, les 2 filiales d’Areva, bénéficient d’avantages fiscaux considérables : exemptions de droits de douane, exonérations de TVA, de taxes sur les carburants, mettant de côté 20% de leurs bénéfices, qui échappent ainsi à l’impôt sur les sociétés. L’exportation des 114 346 tonnes d’uranium extraites pour la seule année 2010 représente plus de 3,5 milliards d’euros, et alors qu’une ampoule électrique sur 3 nous éclaire enFrance grâce à cet uranium, près de 90% de la population nigérienne n’a pas accès à l’électricité. lien Mais les intérêts français en Afrique ne se limitent pas au nucléaire : et s’étendent à de nombreux domaines, un mélange d’exploitation de matières premières et de reste d’économie coloniale liée à des régimes souvent corrompus. Total, par exemple, tire 21% de sa production du continent africain, grâce à ses gisements en Algérie, Angola, Gabon, Nigéria, ce qui avait permis à Christophe de Margerie, son ex-PDG (mort par accident ?) de dire : « nous sommes non seulement la première entreprise de France, mais aussi, et surtout, le premier investisseur français en Afrique », (lien) battant en brèche l’affirmation de Sarkösi : « il faut cesser de répéter que la France est présente en Afrique pour piller ses ressources (…) la France n’a pas besoin de l’Afrique ». lien Mais revenons à Bolloré… C’est par l’intermédiaire de sa filiale Bolloré Africa Logistics, que le groupe fait vivre un réseau de 250 filiales et de près de 25 000 collaborateurs dans 55 pays dont 45 en Afrique. On comprend mieux son intérêt de posséder le plus grand nombre de concessions de terminaux à conteneurs, et au-delà de ceux de Lomé, et de Conakry, il y a aussi ceux d’Abidjan, de Douala, au Cameroun, de Tema, au Ghana, de Lagos-Tincan, au Nigéria, de Libreville Owendo, au Gabon, de Pointe-Noire au Congo, de Cotonou au Bénin, de Freetown, en Sierra Leone, de Misrata en Libye, et de Moroni aux Comores. lien Selon un blog passionnant, imagiter.fr, sans l’Afrique, la France serait un pays pauvre, et, au-delà de l’image convenue qui tente de nous faire croire que l’Afrique serait dans un état de pauvreté latente, elle est en réalité, avec 6 pays sur 10 parmi les plus florissants du monde, un continent très riche. Mais voilà, grâce un vieux pacte colonial, 14 pays africains sont obligés de mettre 85% de leurs réserves à la Banque centrale de France, et ceux qui refusent doivent s’attendre à être victimes d’un coup d’état, voire à une mort violente. Finalement, l’Afrique est maintenue dans une forme d’esclavage, puisqu’avec sa monnaie libre, elle deviendrait le continent le plus riche du monde. Si l’on prend l’or comme exemple, elle se doit de donner 5000 unités de sa monnaie pour n’en recevoir qu’une seule des pays occidentaux. Cette injustice si dissymétrique des changes maintient l’Afrique en infériorité permanente. Les champions de la com. nous affirment que nous ne cessons d’aider l’Afrique, et s’il est vrai que le FMI et la Banque mondiale ont décidé d’alléger les dettes de certains pays pauvres du monde, en réalité, seuls 10% de la dette totale ont été annulés. Alors qu’il est estimé que la France gère 500 milliards d’argent africain, les 10 milliardsd’aides qu’elle verse à toute l’Afrique restent finalement très modestes. De plus, l’Afrique ne peut gérer librement ses richesses, imposée qu’elle est par des traités de non échanges économiques, comme si elle était finalement mise sous tutelle juridique et comme l’a déclaré Mallence Bart Williams : « la prétendue charité mode occidentale, c’est de la porn charity » lien (page 7) Les pays occidentaux viennent se servir en Afrique comme dans un libre-service, une sorte de pillage organisé, ce que l’on peut découvrir dans le détail dans l’ouvrage de Tom Burgis, journaliste au Financial Times : « the looting machine » (la machine à piller). lien Dans son livre on découvre les mécanismes de cette « machine » : comment, par exemple, 56 milliards d’euros de flux financiers illicites quittent chaque année l’Afrique…d’autant plus facilement que la Banque Mondiale et le FMI détournent pudiquement les yeux, cautionnant des dispositions fiscales injustes, comme par exemple dans l’industrie de l’or au Ghana. Cuivre, zinc, cobalt, manganèse, coton, cacao, gaz, pétrole, diamant, aluminium, uranium…, sans oublier les métaux rares qui nous permettent d’avoir de beaux IPhone, tout cela est dû aux richesses du continent africain, et comme le rappelle Tom Burgis, « chaque consommateur est complice ». lien On le voit la Françafrique a encore de beaux jours devant elle, d’autant que le CIAN (Conseil français des Investisseurs en Afrique) estime la présence française à « 1000 établissements et 80 000 collaborateurs sur place », des chiffres incomplets puisque les sociétés adhérentes au CIAN ne représentent que 75% de la présence française sur place. lien Il ne reste plus qu’à attendre la réponse de la justice, concernant Bolloré et ses assistants, mais qu’elle que soit cette décision, la corruption, la misère, et son lot de maladies, ne sont pas prêtes de quitter ce continent, pourtant si riche. Comme dit mon vieil ami africain : « celui qui t’enseigne vaut mieux que celui qui te donne ». Le dessin illustrant l’article est de Glel Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

 

Source: centpapiers

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