La classe politique est en émoi depuis qu’une date limite a été fixée pour la tenue des élections. Au niveau des différents états-majors politiques, on s’active pour le choix du candidat à la présidentielle, chose qui n’est pas aisée chez tous.
Depuis que le président de la République par intérim a promis, sous la pression et la contrainte, des élections générales, notamment la présidentielle, avant le 31 juillet, la classe politique est en effervescence. Il s’agit, pour les partis politiques, de désigner leur candidat à l’élection présidentielle. D’où les luttes d’influence, les révolutions de palais et les intrigues avec leur corollaire de coups bas. Avec plus de cent vingt partis politiques, plusieurs observateurs avaient cru effectivement à la nécessité de créer des regroupements, de former des plateformes ou, simplement de fusionner certaines formations politiques. C’est ce qui a été fait au lendemain du coup d’Etat du 22 mars, avec la recomposition du paysage politique par la constitution de plusieurs regroupements sociopolitiques. Il s’agit, essentiellement, du Fdr (Front de sauvegarde de la démocratie et de la république), opposé à la junte militaire et favorable au retour à une vie constitutionnelle normale, comptant en son sein les deux plus grands poids lourds du ring politique, le Pasj et l’Urd et de la Copam (Coordination des organisations patriotiques du Mali), favorable au coup d’Etat et animé essentiellement par les partis Sadi et Bara. Entre ces deux adversaires résolus se trouvent trois autres regroupements : l’Adps (Alliance des démocrates patriotes pour la sortie de crise) dominée par le parti Cnas ; la Csm (Convergence pour sauver le Mali) comprenant essentiellement la Codem , le Cnid et Yelema ; IBK-Mali-2012 animé par le Rpm et l’Um-Rda.
En ce qui concerne le Fdr, l’éclatement était prévisible, ses deux principales composantes, le Pasj et l’Urd, deux partis issus de la famille Adema, aspirant toutes deux à prendre les commandes. Les choses sont très claires au sein de l’Urd, malgré une très timide contestation et des prétentions non étalées au grand jour, le choix de la majorité est porté sur Soumaïla Cissé, fondateur et président d’honneur du parti. Au niveau du Pasj, c’est loin d’être le cas, les prétentieux seront contraints, comme pour la présidentielle de 2002 et celle avortée de 2012, de recourir aux primaires. Celui qui a gagné les dernières ne peut plus se présenter étant le président de la République par intérim, interdit de concourir.
Selon, plusieurs observateurs et fins connaisseurs de la politique, les primaires constituent un signe de démocratie interne mettant plusieurs candidats à la candidature de leur parti sur le même pied d’égalité. Dans un paysage politique dominé par les partis unipersonnels à responsabilité limitée, au sein desquels le président fondateur est le seul à décider ou à ordonner, le Pasj se distingue par un manque de réel leadership en son sein. Tous ceux qui ont tenté d’acquérir cette supériorité sur les autres membres du directoire après Alpha Oumar Konaré ont échoué, et quitté le Pasj pour fonder leur parti où ils sont désormais le maître absolu. Ceux qui sont restés sont donc obligés de pratiquer des primaires.
L’autre grand regroupement ne connait pas les mêmes remous. En effet, si la Copam parvient à retrouver son unité, son choix se portera majoritairement sur le candidat de la Sadi, autrement dit sur Oumar Mariko, secrétaire général de ce parti
A IBK-Mali-2012, si à sa création les choses semblaient assez claires, ce n’est plus le cas depuis que ce regroupement a commencé à flirter avec la Copam, en participant à des actions (marches, sit-in, meetings, etc.) que certains ont qualifié de subversives. Son principal animateur, le Rpm, dont le président Ibrahim Boubacar Kéita apparaissait comme le candidat naturel, connaitrait des contestations de cette candidature et des démissions, notamment celle du secrétaire général de sa section en France. De plus, au niveau de son principal soutien, l’Um-Rda, le torchon brûle entre certains responsables sur la désignation d’IBK.
Dans la Csm, même problème qu’au niveau du Pasj, même si Hamadoun Amion Guindo parait se poser comme le candidat logique du regroupement, en raison de la forte représentativité de son parti, la Codem, à l’Assemblée nationale et dans les autres organes élus, en raison également de son implantation territoriale, il est très peu probable qu’il ait, du moins au premier tour, l’accompagnement du Cnid dont le président, Mountaga Tall, rêve de s’installer à Koulouba depuis 1992, ou de Yelema dont le président Moussa Mara croit d’années en années en son destin présidentiel. Notamment depuis qu’il a eu raison d’une coalition de partis politiques dans la conquête de la Mairie de la commune IV.
Tout comme au sein de l’Urd, les jeux sont faits dans l’Adps, le candidat du regroupement ne pourrait être que celui de la Cnas, à savoir Soumana Sako.
En dehors de ces regroupements, d’autres formations politiques et des regroupements indépendants vont certainement se présenter. Modibo Sidibé, qui serait en train de faire les yeux doux au Pasj, va bientôt être adoubé par un parti qui vient d’être fondé pour la cause. Il s’agit du Fare qui est animé par des transfuges de l’Adema, comme Soumana Mory Coulibaly, et une belle brochette d’anciens hauts responsables de l’Etat.
Au sein de la jeune génération, incapable de se fédérer pour présenter une candidature unique, l’on s’impatiente également, croyant que l’heure est enfin venue de procéder au renouvellement de la classe politique. Ainsi, Madani Tall, président du parti Adm (Avenir et développement du Mali), est en train de tout mettre en œuvre pour implanter encore plus solidement sa formation sur l’ensemble du territoire national. Adoubé par la jeunesse, muni d’un véritable projet de société clairement expliqué au peuple, disposant d’un épais carnet d’adresses, il pourrait créer la surprise.
Mais en attendant que l’agitation cesse dans les états-majors politiques, les éventuels électeurs attendent impatiemment de connaitre les promesses des uns et des autres, avec l’assurance que la présidentielle ait lieu comme prévu avant le 31 juillet ou qu’elle soit reportée, le paysage politique et la pratique de la politique ne seront plus ce qu’ils ont été au cours de ces vingt dernières années.
Cheick Tandina