La démocratie offre un cadre organisé de compétition pour la conquête et l’exercice du pouvoir d’État. Les acteurs qui acceptent les règles s’y engagent en proposant au vote des citoyens des projets ou des programmes de gouvernance pour leur bien-être. Le système démocratique est organisé de manière à ce qu’il n’y ait pas de gagnant permanent ni de perdant permanent. Ce ne sont pas les opinions et les idées qui manquent dans notre pays ! Toutefois, nous constatons de plus en plus que la politique se réduit à une scène d’odieuses batailles de places au sein des institutions de la République et un domaine d’enrichissement pour les « agiles du micro ». Créer un parti politique ou une alliance de partis politiques devient une garantie pour s’asseoir dans les diverses institutions de la République, sans autre mérite. En démocratie, si la vie politique s’enrichit de la libre concurrence entre de véritables projets politiques, par contre elle s’appauvrit par les simples rivalités d’ambitions personnelles qui la disqualifient aux yeux de l’opinion publique nationale.
Le pluralisme politique est inhérent à la démocratie, et l’acceptation par le pouvoir de la contestation (de rue, sur réseaux sociaux) ou de l’opposition politique est un prérequis du fonctionnement démocratique des institutions républicaines. Selon Raymond Aron, philosophe et politologue français, « les démocraties sont des régimes dans lesquels existe une organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l’exercice du pouvoir ».
Les concessions faites à l’opposition dans le cadre du libre exercice de ses activités politiques définissent le caractère démocratique des institutions et au-delà̀ l’équilibre majeur du système politique pluraliste. En effet, cet équilibre s’organise moins entre gouvernement et parlement – suivant la conception de séparation des pouvoirs associés à un système de freins et de contrepoids – puisqu’ils sont liés au sein d’un même parti ou d’une coalition majoritaire, mais davantage entre majorité́ et opposition.
La démocratie implique donc un exercice d’équilibre délicat entre une majorité́ – le vainqueur des élections qui doit être en mesure de gouverner, mais sans accaparer tout le pouvoir – et une opposition qui a vocation à s’opposer au gouvernement, et doit être en mesure de participer au processus politique de manière effective et responsable.
Trouver donc un équilibre entre majorité́ et opposition revient à mettre en place les contrepoids nécessaires susceptibles de contrebalancer la prépondérance que la majorité́ exerce sur le plan législatif par la reconnaissance de droits à l’opposition. Pour autant cette reconnaissance juridique de l’opposition est insuffisante à elle seule à garantir l’effectivité́ du dialogue politique et, partant, la stabilité́ démocratique à long terme. D’où la nécessité d’associer la société civile au débat sur les questions existentielles nationales, en vue de sortir le pays des seules analyses politiciennes.
On s’accorde donc à designer par opposition l’ensemble des partis politiques ou des mouvements qui n’appartiennent pas à la majorité́ parlementaire ou à la coalition au pouvoir, qui expriment leurs divergences et leurs points de vue critiques par rapport à l’action du gouvernement, et sont en compétition pour l’accession légale au pouvoir et son exercice pacifique. L’opposition politique n’est pas nécessairement parlementaire même si elle trouve dans l’institution délibérante le moyen privilégié́ de sa reconnaissance et de son expression.
Si l’opposition se définit comme « un parti ou un groupe de partis unis dans la perspective de conquête du pouvoir politique », la majorité peut se définir comme « le parti ou le groupement de partis politiques conquérant du pouvoir d’État et gestionnaire de ce pouvoir ». Les élections, seule voie d’accession au pouvoir dans une démocratie, a départagé les compétiteurs dans notre pays pour l’exercice effectif du pouvoir d’Etat et la gestion des affaires publiques pour un contrat à durée limitée. Après le choix définitif du peuple souverain malien au soir du 12 août 2018, chacun doit accepter le verdict et jouer pleinement son rôle dans l’intérêt supérieur de la nation.
L’opposition exprime ses divergences et la majorité gère le pouvoir d’État
L’opposition malienne sortie des urnes, le 12 août 2018, doit représenter la possibilité́ d’une alternance politique par les voies démocratiques. De par son existence même, elle participe d’un pluralisme politique véritable, et de par sa participation effective à la vie parlementaire à l’Assemblée nationale, ses actions et ses déclarations, permettent d’offrir aux citoyens un choix véritable et éclairé́ lors des choix aux prochaines élections.
Pour ce faire, il lui revient, entre autres, de critiquer le programme, les décisions et les actes du gouvernement, en examinant attentivement les projets de loi et de budget du gouvernement ; d’offrir des alternatives politiques, en développant ses propres programmes, et en proposant des solutions alternatives aux décisions projetées par le gouvernement et les représentants de la majorité́ ; de surveiller et contrôler l’activité́ du gouvernement et de l’administration. En tant que démocrates, bénéficiant des avantages et privilèges liés à leur statut juridique, ils se doivent de renforcer la stabilité́, la légitimité́ des institutions de la République. Toute autre posture relève de la sorcellerie politique, du funambulisme….
Toute opposition démocratique a vocation naturelle à devenir la majorité́ de demain. C’est pourquoi nous attendons de notre opposition politique qu’elle assure une responsabilité́ conjointe dans la bonne gouvernance de l’Etat, la continuité́ et le renforcement des institutions de la République, dans le respect de l’intérêt général. Bref, une opposition constructive, responsable, qui fait preuve de maturité́, et non qui cherche à entraver systématiquement l’action de la majorité́, ou au contraire qui soit passive voire « décorative ».
Nous encourageons vivement les partis politiques de l’opposition à nouer un dialogue constructif avec le gouvernement afin de contribuer au bon fonctionnement de notre système politique, dans l’intérêt général. Il ne faut pas qu’ils se bornent à critiquer le gouvernement ; ils doivent au contraire présenter des contre-propositions et des politiques crédibles différentes afin de se préparer à assumer des responsabilités gouvernementales futures. L’obstructionnisme actuel ou le sabotage systématique des actions gouvernementales doit être une mesure exceptionnelle, à n’utiliser qu’en dernier ressort, si les impératifs l’imposent.
Qu’ils soient de la majorité pour soutenir le gouvernement ou de l’opposition pour critiquer, les partis politiques ont une responsabilité́ commune, celle de renforcer la confiance des citoyens maliens dans le système politique national et les institutions démocratiques, d’assurer le bon fonctionnement de ces dernières et d’offrir aux citoyens la possibilité́ de choisir en toute connaissance de cause.
Le jeu démocratique ne saurait se faire à l’humeur et aux convenances personnelles ! Il obéit à des principes et des valeurs universels.
Comme quoi, mon pays fait face aux multiples appétits de ceux qui, depuis quelques mois refaçonnent la carte socio-économique et politique du Mali en fonction de leurs propres intérêts. Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent faire.
Les dérives de la pratique politique sournoise sont en train de s’infiltrer dans notre démocratie au risque de détruire la confiance entre le peuple et ses représentants. Prenons-en garde.
Oumar Sy, Enseignant à la retraite
Militant Adema-PASJ
Quartier Sans-fil
Commune I – Bamako