Les partisans de Ladji Bourama ont beau scruter le lointain horizon, ils ne voient pas venir leur part de gâteau. De dépit, ils commencent à oublier jusqu’au programme de la coalition « Mali D’abord, Inch Allah », de la première à la dernière ligne.
Ladji Bourama ne cesse de surprendre ses amis politiques depuis qu’il s’est installé sous les lambris dorés et les frondaisons épaisses du palais. Les amis croyaient qu’il s’amusait lorsqu’il déclarait, au lendemain de sa triomphale élection, qu’il n’y aurait pas de gâteau à partager et que pour les places à la table, il ne choisirait que les convives les plusq qualifiés. Les amis mettaient ces étranges propos sur le compte des salades que tout élu sert au bon peuple pour l’endormir et festoyer en paix. Erreur: quand Ladji Bourama dit quelque chose, il le fait, inch Allah !
Les premiers à apprendre, à leurs dépens, que Ladji Bourama ne blaguait pas furent les responsables du RPM.
Certes, le parti a pu placer une dizaine de ses animateurs, généralement des seconds couteaux, dans le gouvernement; mais il reste du beau monde dans la salle d’attente…du gâteau. De la vice-présidente du parti, Kéita Rokiatou Ndiaye, au président des Jeunes, Moussa Tembiné, en passant par la présidente des Femmes, Aissata Touré, et les chefs de sections, on commence à trouver le temps long. On a beau, à l’aide des meilleures lunettes, scruter le lointain horizon, on ne voit pas venir la moindre miette de gâteau. Et l’on se demande avec angoisse si le camarade socialiste Ladji Bourama osera tout manger et tout boire sans ses vieux compagnons de route. Les faits ne viennent d’ailleurs pas apaiser les craintes.
Voyez-vous, la primature est revenue, non à un cacique du RPM, mais à Oumar Tatam Ly, un banquier inconnu tout droit venu de Dakar où nul ne peut jurer qu’il ne prenait pas, les soirs, le thé avec le « Vieux Commando » en exil.
La primature, chacun le sait, constitue la partie du gâteau surmontée de cérise, de chocolat et de beurre. Oumar Tatam Ly ramasse donc le pompon. Or nul ne peut compter sur l’esprit de partage d’un banquier car un banquier, par définition, épargne tout et ne dépense rien. Je parie que quand notre bon monsieur Ly se promène en ville, il ne garde que des paperasses en poche afin de ne rien avoir à distribuer aux griots, transhumants et autres mendiants politiques qui, par les temps qui courent, se comptent par dizaines de milliers au centimètre carré !
Le ministère des Finances, deuxième plus gros gigot de la marmite, atterrit dans les mains de madame Bouaré Fily Sissoko, qui, sauf erreur ou omission (pour utiliser le jargon des financiers), n’a jamais mis les pieds dans une salle de réunion du parti. On peut comprendre que Ladji Bourama se soucie de promouvoir la gent féminine mais pourquoi ne pas avoir remis à Madame Bouaré le ministère de l’Enfant ou celui de la Couture au lieu de ce morceau dégoulinant de graisse et beaucoup mieux adapté à l’appétit des messieurs ?
Le ministère de la Réconciliation Nationale et du Développement du Nord ne tombe pas, non plus, dans l’escarcelle du RPM: il est raflé par Cheick Oumar Diarrah, haut cadre de la défunte US-RDA, une formation qui, à moins que je ne me trompe, ne détient pas le même récépissé que celui des Tisserands. Du coup, le RPM verra filer sous son nez les 3 milliards d’euros promis par les Oreilles Rouges et dont la majeure partie transitera par le super-ministre Diarrah.
Le ministère du Commerce, où il y a plein d’os à ronger, tombe dans la cagnotte d’un certain Empereur. Là au moins, Ladji Bourama doit de franches explications à ses partisans: que vient faire à la table un douanier dont le doux surnom d’Empereur signifie qu’il est déjà rassasié et n’a besoin de rien ? Le roi, pardon!, l’Empereur en question est, de plus, un dignitaire du FDR, le camp adverse! Mais passons…
Pour faciliter son implantation à l’étranger, le RPM espérait mettre la main sur le département des Affaires Etrangères. Il se retrouve à nouveau le bec dans l’eau, ce département étant attribué à Zahabi Ould Ag machin, vétéran de la rébellion des années 1990. Il va falloir désormais porter le turban et savoir conduire un chameau pour devenir ambassadeur !
Le ministère de la Défense, juteux comme une papaye mûre, tombe dans le pot de Soumeylou Boubèye Maiga. Il est vrai que cet homme, quoiqu’ancien bourreau du RPM, a du mérite à revendre: c’est un devin doublé d’un météorologue qui, longtemps avant tout le monde, a lu dans les cauris la direction des vents porteurs de soupe. Sans rien dire à personne (un ancien maître espion ne vend pas ses secrets, n’est-ce pas ?), il est venu, dès l’aube, à l’heure où Ladji Bourama lui-même n’avait pas fini d’égrener son chapelet, étaler sa natte de nomade à Sébénicoro. Résultat des courses : Soumeyl:ou Boubèye Maiga est le seul nomade à s’en tirer à bon compte dans le nouveauLadjibourama-land.Ses autres confrères nomades sortent totalement brédouilles de la loterie, bien qu’ils aient lu quantité de communiqués de soutien à la radio et à la télé. En tout cas, jusqu’à hier à minuit, ils n’avaient toujours pas vu l’ombre d’un décret de nomination, pardon, de convocation au festin.
En somme, la faim et la soif sévissent de plus en plus cruellement dans les rangs du RPM. Au-delà de ce malheureux parti, toute la coalition « Mali D’abord, Inch Allah » grelotte de froid et si vous voyez quelqu’un dans cet état, c’est qu’il n’a pas mangé à sa faim. Les responsables les plus engagés de la coalition risquent bientôt, si rien n’est fait, d’oublier de la dernière à la dernière ligne du programme politique de l’hôte de Koulouba. Ventre vide se souvient-il de quoi que ce soit ?
Pour calmer les appétits, des proches de Ladji Bourama font courir le bruit que le gouvernement actuel est provisoire et que le gâteau national sera mieux partagé après les législatives. Moi, je ne crois pas un mot de ces histoires habilement véhiculées par ceux-là qui ont déjà trouvé de quoi se mettre sopus la dent. S’il y avait un grain de vérité là-dedans, pourquoi Ladji Bourama permettrait-il à des « ministres provisoires » de changer, chaque mercredi, les membres de leur cabinet, y compris les secrétaires généraux, mémoire des départements ? Au contraire, je crois que le gouvernement actuel s’inscrit dans la durée: ceux qui n’y figurent pas feraient bien de ne pas dresser des plans sur la comète et de se préparer aux prochaines législatives. S’ils ratent ce tournant qui, peut-être, conduit à un gâteau-miniature, ils couleront définitivement dans le lac.
Problème : Ladji Bourama restant hors de vue et de téléphone, nul ne peut compter sur son aide pour gagner une circonscription électorale. Pis, il a ouvertement déclaré à ses amis : » Je ne me mêlerai pas des législatives. Faites les listes comme vous voulez; moi, je composerai avec les députés que les Maliens éliront, quel que soit leur bord politique. Je suis le président de tous les Maliens ! ». Le propos ne manque pas beauté mais il ne laisse pas espérer une victoire aux candidats à la députation. Or s’il faut laisser le RPM affronter tout seul des lions blessés comme l’Adema et l’URD, il risque de se faire dévorer proprement. Le RPM sait fort bien qu’un scrutin présidentiel n’a rien à voir avec un scrutin législatif: dans le premier, c’est la personnalité du candidat qui détermine le résultat; dans le second, ce sont les intérêts locaux qui l’emportent. Avec, actuellement, 11 députés contre 52 pour l’Adema et 34 pour l’URD, comment les Tisserands renverseront-ils la vapeur ? Des âmes charitables proposent de solliciter les bénédictions de Ladji Bourama. C’est peut-être une bonne idée. Ayant fait le pèlerinage et connu pour ses amitiés avec les saints de Nioro, les bénédictions de Ladji Bourama peuvent porter chance. A condition qu’elles s’accompagnent d’offrandes, c’est-à-dire d’appuis sonnants et trébuchants auyx candidats du parti. Or ça, il ne faut guère y compter puisque Ladji Bourama l’assimile également à un partage du gâteau ! Pauvre RPM ! Pauvres alliés !
Tiékorobani