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La Charte de Kuru Kan Fuga dans le Mali nouveau

J’ai la honte de révéler que c’est au Canada que j’ai appris l’existence de la Charte de Kuru Kan Fuga. C’était en 2008 et, tenez-vous bien, j’avais 60 ans. Un jour, en fin d’aprèsmidi, ma fille Yassa s’assoit à mes côtés et me dit: « Papa, notre professeur nous a dit ce matin en classe que la première charte des droits de l’homme à été élaborée au Mali. »

Je fus d’abord sceptique. Et ma fille, par le regard qu’elle a porté sur moi, comprit cela. Elle me conseilla alors de vérifier auprès de mes amis à Bamako.

Après plusieurs contacts, j’en ai eu la confirmation par un camarade du Lycée Askia Mohamed devenu Professeur d’histoire. Cette charte a bel et bien existé et remonte à la même période que la Charte anglaise. Kurun kan fougan est un petit village du Mandé situé près de Kangaba, à 80kms au Sud de Bamako Ce fut donc une fabuleuse découverte pour moi. J’ouvre une parenthèse pour dire que le mot FABULEUX ravive mes souvenirs. Il me rappelle un homme, un grand frère, un chef qui aimait répéter ce mot : Ibrahim Boubacar Keita. Il a été généreux et formidable à mon endroit. Je reviens pour dire que ma satisfaction fut encore plus intense deux ans plus tard lorsque la Charte à été célébrée sur le site originel, dans le terroir de Kuru Kan Fuga, au Mandé.

Cet événement a constitué une des activités phares de la commémoration du 50e Anniversaire de l’Indépendance du Mali, en 2010, et auxquelles le Président Amadou Toumani Toure a donné un éclat tout particulier. Si la Charte est sortie des ténèbres où elle était confinée depuis le 13e siècle, sa promotion n’a pas été à la hauteur de ce fantastique acquis social des peuples du Mande. Les  »Niama Kala », système vasculaire de la société mandingue, ont assuré l’intégrité de la Charte, l’ont conservée intacte au fil des ans, depuis le 13è siècle jusqu’à nos jours. Cette partition n’a pas reçu d’écho retentissant auprès d’une importante frange de notre génération qui est fascinée par les valeurs occidentales. Il s’agit de ceux-là qui ont toujours privilégié l’histoire des chasses racontée par les chasseurs en occultant superbement la version des fauves.

Au carrefour de la Tradition orale et de la Parole figée par l’écriture, nous voilà engagés dans une dynamique qui devra nous hisser sur les remparts pour dire de nouveau à Nicolas Sarkozy, notre illustre « Cousin gaulois » que l’Afrique s’est inscrite dans l’histoire bien avant la Gaule. C’est dans le strict respect des principes édictés dans la Charte de Kuru Kan Fuga que nos sociétés ont implanté les fondations de notre vivre ensemble, du Désert à la Forêt, des Montagnes aux Côtes. La Charte devra faire l’objet d’une appropriation commune, afin d’intégrer ses aspects essentiels au sein du code de conduite qu’est la Constitution,… la nouvelle Constitution qui doit être réécrite et soumise à la sanction du peuple.

Cet exercice est à notre portée, il consistera à réadapter la Charte aux valeurs et réalités de notre temps. Il s’agira de réaliser la possible harmonie entre les deux textes fondamentaux. Je propose qu’une équipe, composée d’éminents juristes, historiens, sociologues et politiques au Mali et de la diaspora, soit constituée sous la direction d’un éminent historien.

Ce sera une première phase qui consistera à relire la Charte en y apportant des amendements pour l’améliorer et le réactualiser. La deuxième étape consistera à insérer ses aspects fondamentaux dans la Constitution en vigueur qui, elle aussi, aura été réécrite auparavant. Une équipe pluridisciplinaire pren en charge ce deuxième volet de relecture et de fusion de la Charte et de l’acte fondamental. Faisons-le pour que le Mali nouveau triomphe enfin et enterre dans les profondeurs, les vœux pieux et les slogans creux que notre génération porte et véhicule depuis soixante ans. Bâtir un pays où ce peuple mérite de vivre mieux, doit être notre seule et unique exaltation.

Je rappellerai encore ces mots magiques de l’ancienne Gouverneur Générale du Canada, Mme Michaëlle Jean, lors de sa visite au Mali: « le Mali jouit d’une réputation dans le monde dont seuls les Maliens n’ont pas conscience « .

Un an auparavant, le Premier ministre Canadien, Paul Martin, dans son message, lors du banquet offert en l’honneur du Président Amadou Toumani Toure, en visite d’Etat, a déclaré :  » Le Mali a affiché avec éclat son rayonnement dans le monde quand beaucoup d’autres pays étaient encore plongés dans la barbarie ». Comme le disait Ahmed Sékou Touré  » la route infinie de l’histoire est parsemée de gloire et d’épreuves. Les premiers peuvent être les derniers et les derniers devenir les premiers ». Faisons du travail la première religion, car l’immense œuvre de Rédemption nous impose de construire un coin, le Mali, qui fera régner la joie et la paix dans ses demeures.

* Journaliste Ancien Ambassadeur

Source : l’Indépendant

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