La capitale centrafricaine Bangui, sous couvre-feu, vit toujours dans la crainte de violences inter-religieuses, dans l’attente d’une résolution de l’ONU pour tenter de mettre fin au chaos dans le pays.
Les mesures de sécurité ont été renforcées à Bangui au cours du week-end. Les habitants de la capitale centrafricaine redoutent de voir la capitale s’embraser après les violences qui ont secoué le nord-ouest du pays ces dernières semaines, des rumeurs faisant état de l’infiltration de groupes armés chrétiens décidés à s’en prendre à la communauté musulmane, dont est issu le nouveau président Michel Djotodia.
L’ONU, qui s’inquiète de voir la Centrafrique devenir le « théâtre d’un génocide », doit entamer lundi des discussions consacrées à la crise, après l’appel de son secrétaire général Ban Ki-moon à envoyer 6.000 Casques bleus, et ceux de Paris et de Washington pressant la communauté internationale d’intervenir sans délai.
Il y a quelques mois, la fracture entre chrétiens, largement majoritaires, et musulmans n’existait pas encore dans un pays où les deux communautés ont toujours vécu en bonne intelligence. Mais les exactions à répétition de l’ex-rébellion Séléka, à majorité musulmane, qui a porté Michel Djotodia au pouvoir en mars, ont rapidement généré des tensions, poussant des populations chrétiennes à former des « groupes d’autodéfense » pour s’en prendre aux musulmans.
Début septembre, les attaques de ces milices paysannes surnommées « anti-balakas » (anti-machettes) jusqu’alors inconnues, avaient fait près de 100 morts dans la région de Bossangoa (nord-ouest). Fin octobre, de nouveaux affrontements ont fait une quarantaine de morts à Bouar (ouest), entraînant un cycle de représailles et de contre-représailles meurtrier.
« A Bangui, de plus en plus de gens craignent que des anti-balakas ne soient infiltrés dans la ville pour s’en prendre aux musulmans. On ne peut pas affirmer que cela soit vrai mais des dérapages comme à Bossangoa sont possibles », a expliqué à l’AFP depuis Bangui Roland Marchal, chercheur au CNRS et spécialiste des conflits en Afrique centrale.
« Situation pré-génocidaire »
Il y a une semaine, Ban Ki-moon a évoqué « un niveau alarmant de violence inter-communautaire », disant craindre un « conflit religieux et ethnique à l’échelle du pays ».
Dans la foulée, le département d’Etat américain a fait état d’une situation « pré-génocidaire », et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a aussitôt renchéri en affirmant que le pays était « au bord du génocide »… Des mots forts qui veulent justifier l’appui à la Mission internationale de soutien en Centrafrique (Misca).
« On ne peut parler de génocide d’un groupe ethnique ou d’un groupe social », a pour sa part réagi samedi la ministre des Affaires étrangères centrafricaine Léonie Banga Bothy sur les ondes de la radio locale Ndeke Luka.
« Parler de pré-génocide ou de génocide, je pense que cela aura des effets pervers sur la quiétude la population qui a déjà beaucoup souffert et qui n’a pas besoin d’une psychose supplémentaire », a souligné la ministre.
« Le Congrès américain est sommé de faire quelque chose, si la situation se dégrade, ils seront comptables de cela », analyse Roland Marchal, pour lequel « l’usage de superlatifs » sert à promouvoir une intervention rapide et « nécessaire ».
L’intervention se justifie par la nécessité de « remettre en place l’ordre et la loi dans un pays qui ne connaît ni l’un ni l’autre depuis plus de huit mois », note M. Marchal, pour qui « une simple intervention de maintien de la paix ne peut pas suffire, il faudra intervenir politiquement pour redonner une crédibilité à l’Etat centrafricain qui doit garantir l’ordre ».
Selon le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU devrait rapidement permettre « aux forces africaines (des pays voisins), à l’Union africaine et également à la France » d’intervenir. La France serait dans ce cas « à l’appui des Africains », a-t-il souligné.
« L’insécurité a contraint des dizaines de milliers de personnes à se réfugier en brousse, où leur vie et les conditions d’hygiène sont déplorables », s’est alarmé lundi le chef du Comité international de la Croix-Rouge en Centrafrique, Georgios Georgantas, dans un communiqué.