Comme chaque année, à l’approche de Noël, les crimes – souvent violents – augmentent à Nairobi, capitale africaine symbole d’insécurité et d’inégalités criantes.
En temps normal, la capitale kényane est déjà surnommée « Nai-robbery » – jeu de mots avec « robbery », vol en anglais – en raison de son important niveau de criminalité.
Mais « depuis plus ou moins dix ans, chaque année, il y a un pic de crimes en novembre et début décembre, puis une baisse en janvier », explique Rocky Hitchcock, consultant chez KK Security, une des principales entreprises privées de sécurité, dont une trentaine sont actives au Kenya.
Cette « augmentation de la criminalité, c’est ce qu’on appelle +les courses de Noël+. Même les criminels ont des mamans », ironise-t-il, soulignant qu’à « la période des Fêtes, les Kényans retournent dans leurs villages familiaux, à la campagne, où on attend d’eux qu’ils offrent des cadeaux. C’est une tradition culturelle africaine. On vous offre l’hospitalité donc vous devez offrir quelque chose ».
Une partie de la petite criminalité habituelle s’explique par l’augmentation du coût de la vie, aggravée par une récente hausse de la TVA sur les denrées alimentaires de base.
« Les gens ont de plus en plus faim », explique Mwalimu Mati, militant anticorruption, assurant avoir reçu des informations sur une hausse des vols de nourriture dans les magasins à travers le pays.
« A Noël, les gens riches voyagent et donc il y a des cambriolages », poursuit-il, soulignant que le quartier excentré où il vit a été le théâtre récent de plusieurs agressions violentes à domicile.
La police en cause
A Nairobi, se côtoient d’immenses villas aux jardins gigantesques et arborés, entourées de clôtures électrifiées, gardées par des vigiles et dotées d’alarmes, et des bidonvilles sordides, cabanes de bric et de broc, aux toits de tôle, dépourvues d’eau courante et d’électricité.
Gardien d’une maison privée dans un agréable et vert quartier résidentiel de Nairobi, John Ogembo vit à plusieurs kilomètres de là, dans le bidonville surpeuplé de Kangemi, aux rues boueuses. « Tout le monde veut avoir de la chèvre grillée et à boire à Noël et les gens des bidonvilles ont aussi des enfants », glisse-t-il.
« Il y a des types vraiment dangereux, qui semblent n’avoir pas peur de la police, adeptes des braquages de voitures ou des intrusions violentes de domicile, mais il y a aussi des petits criminels qui cherchent un endroit où s’introduire en douce pour dérober ce qu’ils peuvent, de l’argent, du matériel électronique, voire une jolie paire de chaussures », poursuit-il.
Rocky Hitchcock estime que la criminalité globale est la même que les autres années à la même époque mais constate une hausse des attaques armées, selon lui « partiellement dues aux frontières poreuses avec la Somalie qui permet le passage d’armes ».
Le quartier de Karen, banlieue chic aux airs campagnards où de hautes haies dissimulent des maisons de l’époque coloniale, a été particulièrement visé récemment. Les maisons d’une rue entière y ont été attaquées en une nuit, à l’exception du domicile du vice-président William Ruto, gardé par une unité spéciale de la police.
Plusieurs expatriés ont également été tués dans des agressions violentes chez eux, que les experts estiment sans rapport entre elles.
Selon le chef de la police de Nairobi, Benson Kibue, une partie des agresseurs portaient des uniformes de police et des experts en matière de sécurité au Kenya estiment que des membres des forces de sécurité – en activité, renvoyés ou à la retraite – sont de plus en plus impliqués dans les crimes violents.
Prendre part à des cambriolages est bien plus lucratif pour un policier que de chercher à les empêcher ou que de mener l’enquête.
La réforme de la police a été l’un des points importants de la nouvelle Constitution adoptée en 2010, après les violences post-électorales de fin 2007 durant lesquelles un millier de personnes ont été tuées, pour une grande partie lors de violences policières.
Mais les analystes estiment que l’implication de la police dans la criminalité n’est pas prête de disparaître: les policiers sont sous-payés, mal formés et la hiérarchie policière est en conflit ouvert avec l’organe civil chargé de superviser les forces de l’ordre.