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Kayes-Bamako : Un trajet, mille découvertes

La route Kayes-Bamako, en passant par Bafoulabé, Mahina ou encore Manantali, offre un dépaysement qui vaut le détour

 

Nous sommes à Kayes. Les véhicules de transport en commun qui partent pour Bafoulabé sont stationnés à un jet de pierre de la gare ferroviaire. Du moins ce qui reste de cette gare qui servait de point de convergence pour voyageurs et vendeurs ambulants. À cause de l’arrêt du trafic ferroviaire, l’édifice, un gigantesque bâtiment colonial, offre aux visiteurs une atmosphère nostalgique et dégoûtante.

Sur la grande horloge du quai, le temps reste figé comme les vieilles locomotives rendues méconnaissables par la rouille.
Comme le train n’assure plus le transport, les petites voitures de 7 places, communément appelées «7-7» ont pris le relais pour soulager les passagers en partance vers Bafoulabé et Mahina.

Ces voitures qui sont censées accueillir sept passagers en plus du chauffeur, ont une triste réputation : elles ne refusent jamais du monde et peuvent accueillir trois personnes de plus, au détriment de la sécurité des passagers.

Comme dans les Sotrama à Bamako, il y a toujours une place de plus dans un véhicule «7-7». C’est ainsi qu’au départ pour Bafoulabé, nous sommes littéralement coincés dans cette voiture. Cette façon d’entasser les passagers déclenche des disputes entre voyageurs et transporteurs. «C’est inacceptable ! Nous sommes trop serrés, on ne peut même pas bouger. Les transporteurs s’obstinent toujours à faire des surcharges», peste une dame, prise en « sandwich » entre deux autres femmes d’un gabarit imposant. Sa voisine, plus âgée, relativise la situation et l’invite à prendre son mal en patience. « Ma fille, ce sont les aléas du voyage. Certainement nous ne nous reverrons plus après ce trajet», tempère la vieille, comme pour rassurer sa voisine.

UN MUSÉE À CIEL OUVERT- Le trajet entre Kayes et Bafoulabé, long de 200 km, laisse découvrir de grandes merveilles sur les vestiges de l’ancien Royaume du Khasso. Douze kilomètres séparent Kayes et Médine, mais l’état de la route laisse à désirer. Arrivée à Médine, on aperçoit de loin le Fort, perché sur les hauteurs d’une petite colline. C’est l’un des plus importants sites touristiques de la 1ère Région administrative du Mali. Le Fort a été bâti en 1855 par le général français Louis Faidherbe.

Il a résisté aux assauts répétés sur Médine des redoutables guerriers d’El hadj Omar Tall. Les canons de défense du Fort, la célèbre École des otages, la tombe de la princesse issue d’une union entre un colon blanc et une fille du roi du Royaume du Khasso, ou encore le marché aux esclaves restent les témoins encore prégnants des prémices de la pénétration coloniale dans notre pays. Ce musée à ciel ouvert paraît encore peu exploité pour l’épanouissement du tourisme local.

«Nous recevons des visiteurs maliens et quelques expatriés. Des élèves des écoles de Kayes viennent visiter les lieux», m’expliquait, la veille, le guide des lieux, Bréhima Sissoko. Il souhaite vivement une meilleure mise en valeur du Fort pour attirer encore plus de visiteurs.

SYMPATHIQUE VILLAGE- Le trajet Kayes-Bafoulabé permet aux voyageurs d’admirer le paysage. La végétation est sahélienne à Kayes. Mais dans sa partie septentrionale, elle est plutôt dense, avec de grands arbres. Logo-Sabouciré dévoile, à 25 km, le visage d’un village attrayant. On y aperçoit des enfants en train de jouer, des animaux errant à la recherche d’herbes. Ce village laisse les passants admirer le Monument de Niamodi Sissoko, roi de Sabouciré et résistant à la pénétration coloniale.

Le monument «Taboulé», Tambours, date de 2010, et montre trois hommes, dont deux en tenue traditionnelle et un autre au milieu, torse nu qui joue un tambour géant. Après Sabouciré, on découvre les villages de Diamou, Farako, Sélinkégni, Madibahia avant d’arriver à Bafoulabé. Entre-temps, la voiture se décharge du surplus de passagers. Ce qui fait le bonheur de ceux qui continuent le trajet.

L’EMBLÈME DE BAFOULABÉ- Aux portes de Bafoulabé, la traversée du fleuve se fait par le bac et par les pirogues. Personnes, animaux et engins, tout le monde embarque. La traversée par le bac offre une vue imprenable sur le Bafing et le Bakoye. Ces deux cours d’eau de couleurs différentes (bleu pour le Bafing et clair pour le Bakoye) s’entremêlent, aux dires d’un piroguier, pour donner naissance au fleuve Sénégal. Leur embouchure se situe en un point triangulaire formé par un îlot où la végétation est touffue.

Le fleuve abrite encore des hippopotames. Le géant herbivore est l’emblème de Bafoulabé et du Mali. Qui n’a pas entendu parler de la légende de Mali-Sadio, l’hippopotame fétiche de la localité ? La tombe du pachyderme féérique est à une dizaine de mètres des berges du fleuve. «Ici repose Mali-Sadio 1888», renseigne l’écriteau sur la tombe. «Les hippopotames sont dans le fleuve mais s’approchent rarement des berges. Même ce matin, j’en ai vu un», dit notre ami piroguier.

La vue des berges du fleuve de Bafoulabé est magnifique. On aperçoit des jeunes filles qui font la lessive et la vaisselle. Les garçons rodent autour. Un parking de pirogues décore les lieux. Leurs propriétaires attendent les riverains pour les faire traverser le fleuve.

Le bac stationné sert de lieu de jeux pour les enfants. La pêche à la ligne permet aux gamins de faire des prises souvent étonnantes. Les plus acrobates rivalisent dans les concours de plongée des hauteurs du bac. Un étranger s’inquiéterait pour la sécurité des mômes. «Ce sont des enfants du fleuve, même les tout-petits apprennent à nager. Tant qu’ils restent sur les berges ils ne risquent pas grand danger», murmure-t-on.

LA «VILLE» DES RAILS- Mahina est situé à 6 km de Bafoulabé. Mais au fil du temps, les habitats et les périmètres maraîchers ont poussé comme des champignons sur l’espace compris entre le village et son chef-lieu de cercle à tel point qu’il est difficile pour l’étranger de situer les limites géographiques.

À l’image de Kayes, la gare ferroviaire de Mahina est un bâtiment colonial de couleurs rose et verte et la toiture triangulaire est en tôles. La sortie de Mahina tombe sur un pont sur le Bafing. Un des plus anciens du Mali (il fut réalisé lors de la construction du chemin de fer Bamako-Niger), il relie les deux bouts du village : Mahina et Mahina N’di. Sa chaussée en fer porte les stigmates du temps. Quand les motos le traversent, on entend du bruit des parquets de ferraille qui se fracassent les uns contre les autres.

Des bus assurent le trajet de Mahina à Bamako. En sortant de Mahina, la voie est parallèle aux rails et au fleuve. Dans les villages, les habitats sont généralement des cases coiffées de chaumières triangulaires. La végétation aussi diffère de celle de Kayes. Dans les alentours de Mahina, la végétation est abondante. On peut apercevoir des forêts avec de grands arbres autour du fleuve. Les villages longent le fleuve sur les deux rives, les activités économiques étant évidemment liées à cette mère nourricière. Parallèlement au fleuve, une chaîne de montagnes, couvertes de forêts, cache le soleil.

LES VILLAGES 2.0- Force est de reconnaître que les villages ont évolué au fil du temps, en changeant de physionomie. On est surpris, en voyant de loin une antenne satellitaire sur une case en banco, avec les facilités qu’offrent les batteries chargeables aux panneaux solaires, même dans des coins supposés reculés comme Tinko. Les villageois ont accès aux joies du numérique. En cette période de compétition de football, n’hésitez pas à discuter des exploits des stars du football avec les villageois. Vous serez surpris de leurs connaissances du football au niveau mondial. Ils sont bien informés et savent beaucoup de choses sur les stars, les équipes et leurs systèmes de jeu. La révolution énergétique a atteint le monde rural.

C’est le début de l’hivernage. Les paysans affûtent leurs dabas et leurs charrues. Les enclos sont bien rafistolés pour ceux qui préparent le terrain aux activités de maraîchage. Une activité prisée par les femmes qui y trouvent de quoi faire de la sauce au grand bonheur des enfants. «Chez nous, on ne donne pas de prix de condiment comme vous le faites dans les grandes villes.

Les hommes remplissent le grenier de céréales pour toute l’année. Ils achètent un ou des sacs de sel, de la viande ou du poisson. Et les femmes ont la lourde tâche de faire bouillir la marmite chaque jour. Il leur suffit de sortir hors du village ou d’aller dans les jardins pour qu’elles puissent avoir des condiments (feuilles d’arbre, produits de cueillette). On trouve tout dans la nature», m’avait soufflé un jeune dans un village situé à quelques encablures de Kayes. «C’est la tradition. Nous avons trouvé les choses ainsi», avait-il poursuivi.

BARRAGE HYDROÉLECTRIQUE- Manantali est à 80 km après Mahina. Les gendarmes effectuent le contrôle des cartes d’identité. Ceux qui ont leurs pièces, cartes Nina ou carte d’identité les présentent fièrement. Les autres sont vite invités par l’agent dans sa pièce. La procédure est simple : sans pièce, il faut payer pour passer.

Un débat s’installe dans le bus. «Je me demande comment les gens peuvent voyager sans leur carte Nina», questionne une dame. «On peut confectionner une carte avec moins de 5.000 Fcfa de nos jours, mais des gens s’obstinent à voyager sans pièce et à payer de l’argent», renchérit une autre. Les voyageurs prennent d’assaut la table d’une vendeuse de brochettes. Les négociations vont bon train, chacun veut être servi le premier. Les petites filles vendeuses d’eau proposent leur marchandise.

Pendant que les talibés récitent quelques versets du Coran en guise de bénédictions dans le but d’avoir de l’argent. Samba, un petit garçon, tout souriant derrière son maillot jaune du Borussia Dortmund qui paraît large sur les épaules. «Mon village est jusqu’en Mauritanie. Je ne suis jamais allé à l’école. Depuis mon enfance, mon père a décidé de m’envoyer à l’école coranique. J’ai fait le voyage en voiture puis à moto pour venir ici. Mon père m’a confié à mon maître avec qui je suis avec mes amis», relate le jeune garçon. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ?

Le barrage est coincé entre deux montagnes. Les installations et les bureaux de la centrale sont installés sur la rive. Une route serpentée permet aux usagers (piétons, motos et autos) de gravir la montagne. Les moteurs de la voiture fournissent un effort décisif. Du haut de la montagne, on peut apercevoir d’autres monts verdoyants à l’horizon. L’énergie du barrage, à travers les hautes tensions, survolent les villages pour alimenter les grandes villes.

TAMBAGA ET SES LAITIÈRES- Tambaga, localité située à 104 km de Manantali, s’impose comme carrefour où se croisent les deux voies. Le sud-ouest mène vers Kénièba et ses nombreux sites d’orpaillage. Beaucoup en prennent direction pendant que notre bus continue vers Bamako. Le lait frais ou caillé est abondant à Tambaga. Le litre est proposé à 500 Fcfa par les vendeuses.

«Le lait est abondant ici comme dans les villages voisins. Puisque c’est l’hivernage, nous nous ravitaillons chez les producteurs à raison de 300 Fcfa le litre. Après, nous le fermentons pour le vendre aux voyageurs. Comme ça, on arrive à le conserver, d’ici la fin de la journée j’écoule mon stock», explique une vendeuse, bébé sur le flanc.

À Kita, on est marqué par les chantiers qui sortent de terre. Les installations de haute tension à l’entrée de la ville ne laissent personne indifférent. Les grandes montagnes entourent également la ville : un relief manding. La forêt est visible de loin, depuis la ville. La Cité de l’arachide reste l’un des poumons verts de notre pays avec un climat pré-guinéen, où les pluies sont abondantes. Désormais capitale régionale, Kita fait sa mue et se prépare à être l’un des pôles économiques du Mali.

LA MÉSAVENTURE DES VENDEUSES- À un arrêt dans le village de Néguéla, trois adolescentes et une jeune femme avec son bébé, se faufilent dans le bus pour proposer du lait aux passagers. Le chauffeur démarre avec les vendeuses en guise de punition. Malgré les interventions des passagers, le conducteur refuse de s’arrêter. Oumou (17 ans), Binta (15 ans) et Awa (14 ans), toutes élèves en 8è année, vendent du lait au bord de la route pendant les week-ends. Elles commencent à s’inquiéter. Le sourire cède la place à l’angoisse sur le visage des écolières. «Je vends du lait samedi et dimanche pour ma mère», glisse innocemment la petite Binta.

Après une dizaine de kilomètres de trajet, le chauffeur consent à laisser les jeunes filles descendre, au milieu de nulle part, dans une forêt. Un pas dehors, et les jeunes vendeuses de lait embarquent de nouveau dans le bus. Ce qui crée le courroux chez certains passagers, qui s’opposent à cette initiative du conducteur.
Face à la pression, le chauffeur cède et continue avec les jeunes filles et dépose les au village prochain. Elles devront chercher un autre bus pour retourner chez elles, avant la tombée de la nuit. La suite de la route nous amène à traverser les villages de Dio-Gare, Diago avant de longer les montages sur les flancs de Kati. La Cité des Trois caïmans est le point d’arrivée de ce marathon, riche en découvertes.

Mohamed TOURÉ

Source : L’ESSOR

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