Ministre de l’Économie numérique et de la Prospective, après avoir été la plus jeune ministre à la tête de la diplomatie malienne, Kamissa Camara a ouvert mardi 18 février la première édition des BDD (Bamako Digital Days) organisée en partenariat avec l’Agence Yelenah. Entretien exclusif avec une ministre bien décidée à faire entrer de plain pied le Mali dans l’ère du digital.
C’est un grand jour pour le Mali ?
Kamissa Camara – Cette première édition des Bamako Digital Days (BDD) constitue en effet une grande première au Mali et s’inscrit dans le cadre de la « Stratégie Mali numérique 2020 », pour laquelle nous avons déjà installé quelque 9 000 km de fibre optique dans le pays. « Stimuler sa productivité par le digital », c’est le thème retenu pour ces deux journées de travaux réunissant dans notre capitale la fine fleur du digital et de nombreux acteurs de toute l’Afrique.
Au ministère de l’Economie numérique et de la Prospective, nous avons engagé de nombreuses initiatives qui mettent en avant les efforts d’innovateurs maliens, surtout de jeunes start-up qui s’aventurent à proposer des solutions au quotidien des Maliens.
Avec les BDD, nous avons pensé qu’il était important de permettre à ces jeunes innovateurs maliens d’avoir accès à une plateforme internationale leur permettant d’apprendre de pays de la sous-région, mais également du Continent, les meilleures pratiques et les dernières inventions dans le domaine du numérique. Il était donc important pour nous de marquer cet évènement et nous sommes très fiers d’accueillir cette première édition ouverte ce mardi matin en présence du Dr Boubou Cissé, Premier ministre, chef du gouvernement et ministre de l’Économie et des Finances.
Avez-vous des exemples précis d’applications, utiles à la vie quotidienne, déjà lancées au Mali ?
Kamissa Camara – Nombre de ces applications sont déjà en marche car nous avons initié notamment ce que l’on appelle les « Vendredis Tech ». Chaque dernier vendredi du mois, nous organisons une compétition entre start-up maliennes pour qu’elles puissent venir exposer leurs solutions avec un « pitch » après avoir été incubées grâce à plusieurs incubateurs qui font une première sélection en amont pour retenir les meilleures qui vont venir concourir.
C’est dans ce vivier que nous piochons les trois meilleurs plans d’affaires, les trois idées les plus innovantes et les plus originales pour les accompagner par la suite. Nous les encourageons à continuer de travailler avec les incubateurs et nous avons différentes agences comme l’AGETIC (Agence de gestion des Télécommunications) pour leur permettre de rendre leurs idées effectives et – pourquoi pas – de créer leurs entreprises.
Je pourrais vous en donner de multiples exemples, mais pour ne pas faire de jaloux je dirai simplement que nous avons entendu des jeunes et ainsi vu des solutions relatives au transport pour éviter les embouteillages, avec des sortes de « uber » maliens, des livreurs de repas à votre bureau quand vous avez une journée bien chargée… Nous avons aussi des solutions très originales pour la santé ou encore le cadastre, qui reste un gros problème au Mali.
Avec des projets parfois très concrets…
Kamissa Camara – Je me souviens d’un projet présenté lors d’un de ces « Vendredis Tech » par un jeune aveugle qui, grâce à un bâton digital, pouvait repérer les objets et obstacles sur son chemin, pour ne pas se blesser et progresser en toute sécurité. C’est ainsi souvent très concret. Nous avons tous les jours des solutions inventées par de jeunes Maliens et l’idée, c’est vraiment de leur donner une plateforme de niveau national et international. Pour eux, et pour permettre aussi aux investisseurs de les identifier, d’investir dans leurs idées et, surtout, que celles-ci soient employées quotidiennement pour changer la vie quotidienne du pays.
Peut-on parler d’un « big bang » numérique au Mali ?
Kamissa Camara – Pas encore ! mais nous sommes en train de donner une forte impulsion dans ce domaine stratégique du numérique et nous espérons atteindre le « big bang » très bientôt !
Le Mali a-t-il l’ambition d’être en pointe dans ce secteur clé ?
Kamissa Camara – De très bons exemples nous ont déjà été donnés par des pays africains comme le Rwanda qui est, selon moi, un des pays très en avance dans le domaine du numérique, avec par exemple « Smart Africa », dont je tiens à souligner que le Mali est aussi un des membres fondateurs. Nous nous inspirons donc de ces pays qui ont réussi à faire du numérique un vecteur de leur développement et nous voulons que le Mali devienne un « hub » sous-régional, puis continental, du numérique.
Le numérique est certainement l’un des secteurs les plus transversaux qui existent aujourd’hui, car il touche aussi bien aux domaines des transports, de la santé, de l’électricité, de l’eau… Mais il s’agit d’en faire un bon usage. Et n’oubliez pas que mon Ministère s’occupe également de la Prospective, car il convient de placer l’avenir du Mali au cœur de la « Révolution numérique » que nous voulons pour notre pays.
Quels sont précisément les grands projets du Mali pour demain ?
Kamissa Camara – Le fait même de rattacher le numérique à la prospective, c’est un message. Cela veut dire que le numérique doit être au cœur de toutes les solutions et de tous les scénarios que nous développons et imaginons pour le Mali dans dix ou vingt ans.
La « Révolution numérique », c’est une révolution que nous ne pouvons pas éviter. Dans un secteur qui avance à une très grande vitesse, il s’agit pour nous de rattraper ceux qui sont à la pointe dans ce domaine et de ne pas se cantonner à Bamako, la capitale, mais d’apporter le numérique au service de ceux qui en ont le plus besoin dans bien d’autres villes du Mali. C’est notre objectif.
Propos recueillis à Bamako par Bruno FANUCCHI, AfricaPresse.