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Justice : LA COUR SUPRÊME ANNULE LE DECRET SUR LES DROITS D’AUTEUR ET LES DROITS VOISINS

Petit coup de tonnerre hier à la Cour suprême qui annule le décret N°2014-0407/P-RM du 6 juin 2014 fixant notamment les modalités de perception et de répartition des redevances de droits d’auteur. Quelques heures après l’audience, c’est la greffière seule qui se présente, accompagnée cependant de policiers, pour annoncer la sentence.

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Dans la matinée, le président de la section administrative de la Cour suprême, Baïla Ba, avait, lui, à l’issue d’une audience de rabat, statué sur le litige qui opposait le Conseil national du patronat du Mali (CNPM) à l’Etat malien à propos de ce décret signé voilà seulement huit mois.
Le CNPM était représenté par son président Mamadou Sidibé et son conseil Me Kassoum Tapo, tandis que l’Etat était représenté par le commissaire du Gouvernement Amadoun Goro et des membres de la direction générale du contentieux de l’Etat (DGCE). De nombreux artistes qui avaient effectué le déplacement, ont accueilli le verdict avec déception et, pour certains, avec une colère qu’ils dirigèrent contre Me Tapo, accusé d’avoir été à l’encontre de leurs intérêts.
Le décret jugé conditionne en effet une partie des revenus des artistes. Le texte fixe ainsi les modalités de perception et de répartition des redevances de droits d’auteur et des droits voisins de la loi N° 08-024 du 23 juillet 2008 fixant le régime de la propriété littéraire et artistique au Mali. Le décret annulé était sensé adapter le dispositif règlementaire de la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins à l’environnement juridique national et international, économique et technologique. Aux yeux des artistes, il blindait leurs positions face à une piraterie largement répandue et leur garantissait des revenus substantiels. Maintenant, il faut repartir de zéro car plus aucun recours n’est possible après la décision de la plus haute instance judiciaire du pays. Le ministère de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme, maitre d’œuvre du texte, doit donc le remettre sur le métier.
En attendant de disposer des détails de l’arrêt d’annulation du décret pour savoir les points précis qui ont causé la perte du texte, on peut rappeler les griefs formulés par le requérant qu’est le CNPM. Le patronat reproche au décret d’avoir été trop gourmand en modifiant le champ d’application de la loi du 23 juillet 2008 ; en créant des redevances assimilables à des impôts et contributions générales qui relèvent du domaine exclusif de la loi en application de la Loi fondamentale ; en créant des redevances forfaitaires sans aucun lien avec les droits protégés des auteurs et des droits voisins ; enfin en violant les principes d’égalité des citoyens devant les charges publiques et de liberté d’entreprise, garantis par la Loi fondamentale.
Le directeur du Bureau malien des droits d’auteurs (BUMDA), un des piliers du camp adverse, évoque, lui, des allégations erronées et assure que la redevance pour copie privée n’est pas une création du décret qui n’en précise que les modalités pratiques de perception. Il est clair, de son point de vue, que le décret n’a violé aucune disposition légale, ni modifié le champ d’application de la loi fixant le régime des propriétés.
La redevance, explique-t-il, s’entend de droits versés périodiquement à l’auteur en contrepartie de l’utilisation de son œuvre par autrui. Elle découle du droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous reconnu à tout auteur d’une œuvre de l’esprit se traduisant par son droit de tirer un profit pécuniaire de toute exploitation de cette œuvre, tel qu’il ressort de la loi de 2008. Elle n’est donc ni un impôt, ni une taxe qui sont des prélèvements institués par voie d’autorité au profit du budget de l’Etat et des collectivités publiques. Elle est plutôt la juste rémunération de l’auteur en contrepartie de l’utilisation de son œuvre par autrui.
Autre sujet majeur de controverse : la redevance à la charge des cybercafés, des entreprises de téléphonie et des sites de téléchargement. Les entreprises de téléphonie, par exemple, n’ont pas vocation première à exploiter des œuvres littéraires et artistiques mais leur utilisation et le développement de leur business vont de pair avec un usage massif, anarchique de ces œuvres. Les œuvres musicales sont utilisées pour la sonnerie, la musique d’attente, de pré-écoute, ^la musique et la vidéo sont vendues à travers les services à valeur ajoutées (SVA), sans autorisation et sans payer la redevance de droit d’auteur. La question n’est pas propre à notre pays et donne lieu à des débats houleux pour une matière complexifiée par les énormes progrès du numérique et de l’internet et difficile à figer dans un texte.
Les promoteurs du décret ambitionnaient de restreindre ce qu’ils considéraient comme des violations massives et organisées du droit d’auteur occasionnant la mort programmée de l’industrie culturelle malienne matérialisée par la faillite et la fermeture des entreprises.
Le décret annulé par la section administrative de la Cour suprême avait été élaboré au terme de large consultations aussi bien des ministères concernés, des représentants du secteur privé que des organisations de la société civile. Le Conseil national du patronat du Mali (CNPM) et nombre de ses groupements professionnels affiliés avaient participé à plusieurs réunions de concertation organisées dans le cadre de ces consultations. Avant de se raviser.
Y. DOUMBIA

source : L Essor

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