La coopération diplomatique et (de plus en plus) économique entre la République du Mali et le Royaume du Maroc est suffisamment vantée et assez connue du milieu intellectuel et, désormais, de la société. Mais, ce qui l’est moins du grand public, c’est ce grand élan humanitaire et de solidarité à l’endroit de personnalités et citoyens maliens de la part du Souverain chérifien, le roi Mohammed VI, notamment dans le domaine des évacuations sanitaires. Je suis un témoin privilégié de ces actions spontanées de cœur de Sa Majesté, saisie des faits et sollicitée par ses Ambassadeurs au Mali. En effet, je suis un rescapé à l’amputation. Voici le récit :
« Jeudi 12 août 2010, 1er jour de ramadan, peu après la rupture du jeûne, je quitte la ville pour aller remettre le matériel de travail à mon rédacteur en chef, Idrissa Abocar Maïga, à son domicile, avant dernière maison avant le rondpoint de Sabalibougou sur l’autoroute de l’Aéroport de Bamako. Et pour cause : je devais rester en permanence au chevet de ma chère mère, plongée dans un coma profond suite à un AVC survenu le 08 août et dont le pronostic vital était engagé (je tais le verdict du personnel médical des CHU Gabriel Touré, puis Point G).
Au bord de la route, je sors de ma voiture, câble le chef, qui me rejoint. Je lui fais part de l’objet de cette visite inopinée et lui remets le dictaphone et l’appareil photo. Ensuite, nous engageons les bénédictions d’usage sur l’état de santé de la maman et les discussions sur l’avenir du journal. On était entre 19h et 20h. Puis, plus rien. Tous les deux, nous nous reveillons aux services des urgences de l’hôpital Gabriel Touré. Que s’est-il passé ? Nous avons tout simplement été mortellement fauchés par une voiture de marque Toyota RAV dont le contrôle avait échappé à sa conductrice, la fille d’une ministre de la République en activité à l’époque et d’un ancien ministre.
Au CHU Gabriel Touré, le double verdict des imageries est sans appel : « traumatisme crânien » pour Idrissa Abocar Maïga et « fracture fermée du tiers inférieur de la diaphyse fémorale gauche » pour moi-même. En français facile, mon fémur gauche avait été broyé.
Vu la gravité de la fracture, j’ai décidé d’être transféré à l’hôpital de Kati, réputé être mieux équipé en matière de traumatisme. Mais, au bout de près d’un mois, mon pied était toujours suspendu en l’air sous le poids de l’attelle installée. La raison ? Pas de plateau, ni de matériel adéquats et nécessaires pour procéder à l’opération. Solution : l’amputation ou l’évacuation.
Alors, j’en informe mon patron, Cheickna Hamalah Sylla, directeur de publication du journal L’Aube. L’homme connait la générosité, le sens de l’entraide et la magnanimité du souverain le roi Mohammed VI. Alors, il sollicite son concours par l’intermédiaire de Son Excellence Moulay Driss Fadhil, Ambassadeur au Mali de Sa Majesté le roi. La réquête est acceptée et le dossier confié à l’Agence marocaine de Coopération internationale (AMCI).
Après 29 jours d’hospitalisation à Kati sans espoir d’éviter l’amputation, SM le roi Mohamed VI, le commandeur des croyants (Amir Al Mouminine), arrive en sauveur.
Le jeudi 09 septembre 2010, à 06h00, je voyage « en immobilisation provisoire et en position allongée sur civière » à bord du vol AT 524 de Royal Air Maroc. Douze places assises à l’arrière de l’avion sont pliées pour suspendre mon lit royal. A 09h00, à l’Aéroport de Casablanca, le peloton d’accueil est royal. Je suis transféré dans une ambulance médicalisée, direction Rabat. A 12h, je suis admis au prestigieux Hôpital militaire d’instruction Mohamed V de Rabat. Après un premier diagnostic rapide, il s’avère que ma situation, telle que décrite sur les documents médicaux transmis aux responsables du service Traumatologie par mon médecin accompagnant, Dr Ousmane Diakité, ne nécessite pas le plateau d’urgence. Au contraire, à cause d’un médicament que je prenais tous les jours au Mali, j’étais interdit d’être opéré entre 38 et 10 jours.
Le lundi 20 septembre, le Pr. Zakariaa Raissouni, traumatologue-orthopédiste, en charge de mon dossier, et son équipe, procèdent à l’opération de mon pied, qui, rappelons-le, avait déjà des séquelles de poliomyélite. J’ai suivi l’opération de bout en bout pendant 3 heures d’horloge sur anesthésie locale. Un moment, j’ai dû dire « aux bouchers » de placer l’aluminium entre ma tête et le reste du corps. Passionnant, impressionnant, admiratif, mais difficile à regarder pour les âmes sensibles ! Au bout du compte, un franc succès ! Dès le lendemain, j’ai commencé la rééducation.
Dans la nuit du vendredi 1er au samedi 02 octobre, j’étais à l’Aéroport international de Bamako Sénou (actuel Aéroport international Modibo Kéïta Sénou) et parmi les miens une heure plus tard.
Voilà comment j’ai pu éviter le pire et, Dieu MERCI, je marche toujours sur mes deux plantes de pied. Grâce au Tout puissant et à Sa Majesté le roi Mohammed VI, le responsable du domaine religieux.
Selon des sources dignes de foi, depuis son arrivée au Mali en janvier 2012, Hassan Naciri, actuel Ambassadeur de SA Majesté, œuvre beaucoup et en toute discrétion dans ce genre d’actions humanitaire et de solidarité.
Après cette épreuve douloureuse, dont je continue à gérer malgré tout les séquelles, je trouve ici l’occasion de remercier particulièrement certaines personnes, en plus de celles dont les noms sont déjà cités plus haut. Il s’agit, pêle-mêle, de Hamady Tamboura dit Samba, Habib Sissoko, Dramane Doumbia, Alou Badra Haïdara, Amadou Toumani Touré, Pr Sékou Sidibé, Pr Aly Guindo, Pr Zakaria Raïssouni, Mahamadou Samaké dit Sam, Boukary Sidibé dit Kolon, Seydou Nantoumé et Arouna Modibo Touré. A elle, s’ajoute ma famille, notamment mes enfants. Chacun se reconnaîtra dans le geste qu’il a fait ou sacrifice qu’il a consenti.
Enfin, je rends grâce à Allah d’avoir retrouvé à sa maison ma mère dont « la mort n’a plus eu lieu ». Pour la petite histoire, son réveil du coma (pronostiqué fatal) m’a été annoncé quelques minutes seulement après la bonne nouvelle venue du Maroc. »
SEKOU TAMBOURA
Source: Le Combat