Ce sont les fonds qui manquent le plus, dit-on. Et l’image de la capitale qui s’en trouve altérée
On n’est pas très loin de la quadrature du cercle. La gestion des espaces publics à Bamako constitue en effet l’un de ces casse-têtes dont tout le monde dit se préoccuper, mais auxquels personne n’arrive à trouver une solution durable. Eléments déterminants dans l’offre d’un cadre de vie agréable, ces espaces souffrent aujourd’hui d’un manque criard d’entretien. Régulièrement soulevée par les médias, la question de leur réhabilitation ne voit guère son traitement progresser au niveau des décideurs de la mairie du District. Pourtant le spectacle qui résulte de ce délaissement est des plus désolants. Il suffit pour s’en convaincre d’aller jeter un coup d’œil au jardin public situé au pied de la colline de Badalabougou et éloquemment dénommé « Jardin des mariés ». Aujourd’hui, les lieux ne méritent plus l’étiquette flatteuse qui leur avait été accolée. Ils se trouvent dans un état de délabrement très avancé.
Notre équipe de reportage s’est trouvée par le plus grand des hasards témoin d’un épisode symptomatique du traitement désormais réservé à ce jardin. Notre arrivée a coïncidé avec la venue d’un jeune d’une vingtaine d’années ans environ, du nom de Abdoulaye Cissé. Sorti des magasins se trouvant en face du jardin, il avait traversé la rue avec deux petits seaux à la main, s’était tranquillement accroupi près du robinet installé dans le jardin et avait commencé à faire sa vaisselle. Ici, l’eau coule à flots puisque que la tête du robinet ne commande plus et que personne ne s’inquiète de l’incroyable gaspillage qui en résulte. Abdoulaye Cissé nous apprend que cela fait plus de six mois que le jardin ne bénéficie d’aucun entretien. On le croit sans peine devant le spectacle de désolation qu’offrent les lieux. Un nombre incroyable de sachets en plastique est accroché dans les branches des arbres, des détritus de tous genres jonchent le sol, la végétation qui ne bénéficie plus d’aucune taille déborde hors des grilles de clôture.
Il faut rappeler que la rénovation de cet emplacement avait coûté à l’Etat la bagatelle de 40 millions de F CFA. L’opération faisait partie des actions entreprises dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de notre pays en 2010. Elle entrait à l’époque dans le plan d’embellissement général de la ville de Bamako. Après les festivités, la gestion du jardin tout comme celle d’autres espaces publics et monuments avait été transférée à la mairie du district. Pendant plus de deux ans, celle-ci à travers les services des prestataires privés s’en est bien occupée. Puis elle s’est relâchée jusqu’en arriver à cette situation de quasi démission.
PROMIS, MAIS PAS TENU. L’entretien de ces espaces publics est assez contraignant puisqu’il implique en plus de l’aménagement et la protection des lieux, l’arrosage, l’entretien et le renouvellement périodique des espèces qui s’y trouvent. Les jardins publics de Bamako nécessitent pour toutes ces opérations une dotation de 300 millions par an. A quel niveau se trouve le blocage ? Les autorités de la mairie du district indiquent qu’elles ne subissent pas de gaieté de cœur une telle situation. La mairie invoque un manque de moyens financiers pour assurer un entretien régulier. La Cellule technique d’appui aux communes du district (CTAC), organe chargé de gérer les questions d’assainissement, sous-traite la gestion des jardins avec les prestataires de services privés.
Son directeur, Oumar Konaté, confirme que la mairie n’a plus les moyens d’assumer cette charge et que sa structure escomptait un accompagnement de l’Etat qui malheureusement n’est jamais venu. Alors que, selon lui, l’engagement pour un appui avait été fait lors de la cession de la gestion de ces espaces. Au-delà de cet engagement, le statut particulier du District prévoit une subvention de l’Etat qui, elle non plus, n’est jamais venue. Konaté s’en désole et prend en comparaison la ville de Dakar qui, d’après lui, reçoit une ligne budgétaire de 15 milliards de la part de l’Etat pour uniquement l’assainissement de la capitale sénégalaise. Mais la mairie de Bamako s’est-elle vraiment impliquée pour trouver des ressources propres afin de faire face à ce problème ?
Notre interlocuteur répond que oui. Mais les responsables, explique-t-il, se sont heurtés au mur de la faiblesse des recettes. La crise que notre pays a traversée avec ses fâcheuses incidences sur l’économie a empêché de nombreux contribuables de s’acquitter convenablement de leurs taxes. Pour notre interlocuteur, la solution passera par une triple action : un paiement régulier des taxes par les citoyens, l’octroi de l’appui promis par l’Etat et une mobilisation des mécènes venus du secteur privé pour donner à notre capitale tout son lustre. Comme la période est encore aux vœux, espérons que ceux-ci s’accompliront. Ne serait-ce que partiellement.
Lougaye ALMOULOUD
SOURCE / ESSOR