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Intime conviction : Un bien utile exercice démocratique

La majorité et le gouvernement jubilent après le large rejet, le 18 juin 2014, de la motion de censure déposée par l’opposition parlementaire. Et pourtant, l’opposition n’a pas à rougir  de «cet échec» parce qu’elle a atteint son objectif : montrer les limites de l’action gouvernementale, attirer les regards sur la gouvernance du pays, amener la mouvance présidentielle à se découvrir dans sa connivence avec l’exécutif.

 

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Mieux qu’un «débat de rue», cette alerte a été un bien utile exercice démocratique qui a sans doute permis à l’opinion d’avoir matière à réflexion afin de se faire une idée des forces en présence à l’Hémicycle.

Le principal incriminé, a cru bon de régler ses comptes avec une opposition qui l’accable depuis sa prise de fonction. Il a cru intelligent de la remettre dans ses petits souliers par des propos dégradants. Et pourtant, il n’a pas forcément convaincu sur sa responsabilité dans la situation sécuritaire du nord du Mali, sur la crise de défiance entre le Mali et certains de ses partenaires techniques et financiers comme le Fonds Monétaire international (FMI) qui vient de différer des décaissements précieux pour le pays.

Au lieu d’apporter des éclaircissements, des apaisements… aux préoccupations exprimées par l’opposition, le Premier ministre est tombé dans l’orgueil, la vanité, l’arrogance et le dédain. Et cela parce qu’il était déjà assuré de la connivence de la mouvance présidentielle.

De la longue intervention du Chef du gouvernement, il n’a convaincu que sur le dossier de l’avion présidentiel. Et il se savait très attendu sur la question. Mais, pour le reste, ce n’était que pires incantations.

Pour la situation de Kidal, par exemple, il ne faut pas avoir peur des mots. La visite du Premier ministre a été l’élément déclencheur des affrontements entre les Forces armées maliennes (FAMA) et les groupes rebelles. Des combats qui ont eu des conséquences dramatiques sur le processus de reconquête du nord du Mali par l’administration nationale. Celle-ci a non seulement coûté la vie à beaucoup de soldats et agents de sécurité ainsi qu’à des administrateurs, mais aussi et surtout remis en cause la présence même de l’autorité.

Le constat, pour les observateurs, c’est que les acquis de la transition sont partis en fumés, consumés par l’entêtement qui a cru bon de s’exposer inutilement aux feux nourris de combats fratricides pour prouver sa bravoure et sa témérité à une nation, à une opinion internationale.

En réalité, il n’est pas plus «homme» (brave voire téméraire) qu’Oumar Tatam Ly qui avait eu la lucidité de renoncer au séjour kidalois pour ne pas attiser les braises, pour ne pas être cette étincelle pour déclencher des tragédies humaines comme nous venons de vivre suite à l’immaturité de son successeur. Hélas, les avancées par à rapport la réconciliation et à la reconstruction ont été dilapidées. Pis, en proie au doute avec sa déroute le 21 mai 2014, l’armée malienne est presque sous tutelle de la MINUSMA dans de nombreuses  localités stratégiques du septentrion malien.

La quiétude des populations est menacée avec le retour des Jihadistes en vagues de plus en plus fréquentes. Et le retour de nouvelles vagues de nos réfugiés compromis à jamais. Bref, c’est le retour à la case départ. Le mérite de Moussa Mara aurait été de le reconnaître et de promettre de réparer rapidement le préjudice par des mesures militaires, et surtout politiques courageuses.

 

Les tares d’une Révolution inachevée

Le Chef du gouvernement a évité d’aborder les questions qui gênent. Et il faut aussi dire que l’opposition lui a beaucoup facilité la tâche. Pas parce qu’elle n’est pas nombreuse à l’Hémicycle, donc dispose de peu de temps de parole par rapport à la majorité complaisante, mais parce que l’accusation a été légère, je dirais même superficielle.

Les préoccupations sont autant réelles que connues de tous parce qu’elles relèvent des tares démocratiques du Mali. Elles résultent du fait que la Révolution de mars 1991 est idéologiquement, socialement et culturellement restée inachevée. Les régimes se succèdent depuis 1991. Ceux qui avaient la conviction du vrai changement ont été submergés et finalement étouffés par les opportunistes, les frustrés sociopolitiques, les revanchards politiques.

Il n’y a donc rien de surprenant dans de la dégringolade des valeurs politiques traditionnellement imputées à une démocratie. Supposé mettre un terme aux fléaux engendrés par la dictature politique, ce système politique a été le tremplin de la corruption, de la délinquance financière, du népotisme, du favoritisme… Même ce que nous pouvions alors considérer comme des héritages positifs de la seconde République ont été dilapidés, plutôt sacrifiés sur l’autel des considérations politiques : l’école et l’armée ! L’avenir du Mali est compromis parce que l’école est contaminée par des tares qui hypothèquent tout développement. La République et la souveraineté sont compromises parce le pays a délaissé son armée considérée comme un monstre allergique à la démocratie.

Ces faits ne sont pas imputables au gouvernement de Moussa Mara. Mais, il doit redonner l’espoir de redressement par un discours objectif et non démagogique. Le gouvernement et sa majorité de connivence sont tombés dans le jeu de l’opposition en se perdant dans l’autosatisfaction : Le Mali est sur les rails et ce qui se passe de mal n’est pas de notre faute ! Tel peut être le résumé de leurs discours ce 18 juin au Parlement national.

Pour eux, les Maliens peuvent être heureux parce qu’ils vivent dans le pays où les produits de première nécessité sont les moins chèr de la sous-région. Ils semblent ignorer que l’interpellation des opposants, ce n’était pas le prix sur le marché, mais le pouvoir d’achat. Oui, la capacité financière à satisfaire ses besoins élémentaires. Même si le kilogramme du riz était aujourd’hui vendu à 150 F CFA, combien de ménages du pays peuvent décemment l’acheter ?

Par ailleurs, ce même kilo peut être acheté plus cher et sans inquiétudes par des Ivoiriens, des Sénégalais, des Togolais, des Nigériens parce que leur pouvoir d’achat n’a aucune commune mesure avec le notre. C’est là où se trouve l’injustice sociale.

En tant que citoyen, nous aurions aimé que les élus demandent au Premier ministre qu’est-ce que son gouvernement compte faire plus que les précédents pour assurer au Mali la sécurité alimentaire, pour que le prix d’achat des céréales ne soit plus tributaire des cours mondiaux, pour que le coût de production ne soit plus une entrave à la compétitivité nationale et régionale de nos filières agricoles ? Que compte-t-il entreprendre pour réduire la dépendance de notre agriculture des aléas climatiques ? Qu’envisage-t-il pour mettre nos paysans à l’abri de ces opérateurs économiques véreux qui continuent à leur vendre des intrants subventionnés au tarif taxé ?

Des élus se sont cru utiles de rappeler, à ce sujet, que le président Ibrahim Boubacar Kéïta  a annoncé que le sac d’engrais de 50 kg sera désormais cédé au paysan au prix subventionné de 11.000 F CFA (contre 12.500 F CFA actuellement) sur toute l’étendue du territoire national.

Mais, ils n’ont pas eu le courage politique de dire qu’il s’agit d’un processus enclenché par «L’Initiative Riz» initié par le gouvernement d’un homme qui est aujourd’hui l’un des principaux animateurs de l’opposition politique diabolisée. Ce n’est pas grave parce que l’Etat est une continuité. Ce qui doit alors amener ceux qui gèrent aujourd’hui le pays à aussi assumer l’héritage du passé, la gestion de leurs prédécesseurs.

Le Premier ministre est encore fier de dire que les relations sont au beau fixe avec le Fonds monétaire international (archi faux). La fierté aurait été de dire que le Mali se passe aujourd’hui des Institutions financières de Bretton Woods.

Comment ne pas être d’accord avec le jeune confrère Adama Diarra qui, récemment sur son blog, écrivait «on a des terres arables à perte de vue. De l’eau partout. Du soleil qui brille fort. Malgré tout, on court derrière la Banque Mondiale et le FMI…On arrêtera de mendier, le jour où l’on exploitera l’Office du Niger».

Nous sommes d’accord qu’il est prématuré de juger l’action gouvernementale. Mais, il faut aussi reconnaître que son équipe n’a rien démontré encore en trois mois. Ce ne sont que des déclarations d’intention. L’attelage est lourd avec des Départements qui se chevauchent dans leurs missions. Les conflits de compétence sont réels.

Alors pourquoi la majorité lui a renouvelé sa confiance ? Primo parce qu’elle pense qu’il est trop tôt de juger une équipe à qui elle a accordée sa confiance il y a à peine deux mois. Secundo, le vote de la motion de censure aurait pu plonger le pays dans une grave crise politique qui aurait pu emporter le parlement à son tour. Elu à une très forte majorité, «Ibrim» Boubacar Kéïta peut se permettre de dissoudre le parlement s’il est convaincu que cela peut sauver la mise.

Tertio, il ne faut pas cracher dans la soupe alors qu’on figure parmi les convives. Mais à notre avis, certes le gouvernement de Moussa Mara a échappé à la motion de censure. Mais, il n’échappera pas à l’usure du temps s’il ne se reprend pas à temps.

                    Hamady Tamba

 

SOURCE: Le Matin

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