Deux mois après son passage à l’hémicycle pour s’expliquer sur le massacre d’Ogossagou, où au moins 157 villageois ont été assassinés, le gouvernement a été la cible d’une interpellation parlementaire toujours sur la même situation sécuritaire au centre. C’était le 13 juin 2019, dans la salle Aoua Keita, sous l’égide du président Issiaka Sidibé. Les honorables députés, de l’opposition comme de la majorité présidentielle, ont tenu à en savoir sur les tenants de la dégradation de la situation au centre ainsi que sur les mesures prises par le gouvernement pour endiguer le fléau. Qu’est ce qui n’a pas fonctionné dans le dispositif sécuritaire ? Ou sont passés les hélicos de combat et à quand des résultats après tant d’efforts financiers, le désarmement des milices, l’accord de défense avec la France, la situation de Kidal ? Ces questions ont résonné en leitmotiv à l’hémicycle où les députés ont exprimé leur étonnement que l’avènement de la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) et de son pendant de la sécurité (LPSI) n’aient pas aidé les Forces armées et de sécurité maliennes à sécuriser le Mali.
Du côté du groupe parlementaire d’opposition «Vigilance républicaine et démocratique», le ton a été donné par l’honorable Amadou Maïga de Douentza, qui a demandé des explications au ministre de la Sécurité et de la Protection Civile sur la spirale de violences, le désarmement des milices ainsi que la suite des enquêtes en rapport avec le massacre de Sobame Da. Cherchant de situer les responsabilités, le député dira que «la mauvaise lecture et la négligence de la situation sécuritaire par le gouvernement a conduit à l’exacerbation de l’insécurité au centre».
Alors que l’honorable Amadou Traoré, s’interroge sur les hélicos de combat et leur utilité, son collège Ousmane Kouyaté pose la problématique de la capacité des forces de défense et de sécurité à faire face à la menace en évoquant au passage la persistance des tueries malgré le déploiement des forces de défense et de sécurité au centre.
Pourtant, a rappelle l’honorable Abdine Koumaré, du groupe parlementaire ASMA et non moins président de la commission des Finances, «De 2015 à nos jours, plus de 250 milliards ont été injectés chaque année dans le secteur de la Défense et la sécurité intérieure». Qu’en est-il de ce programme et quel en a été le résultat ? Autant de questionnements soulevés par le président de la commission des finances en réclamant l’inventaire des biens matériels et des logistiques, en rappelant qu’un Officier Supérieur sur le terrain, lors de l’évènement survenu à Dioura et à Ogossagou, a estimé la perte matérielle à près de 27 milliards de FCFA
Pour sa part, l’honorable Moussa Diarra subodore «un génocide méthodiquement programmé en gestation» contre le Mali et demande au gouvernement d’en identifier les commanditaires. Parlant de conflit inter-communautaire entre peuls et dogons, l’élu de la commune IV soutiendra que ces deux communautés vivent ensemble depuis des millénaires et qu’aucun diablotin de la discorde ne peut les mettre dos à dos, même si le jeune député doute de la capacité des services du renseignement malien à déjouer le projet macabre d’ennemis invisibles. Et pour cause, dit-il, le Mali assiste en spectateur à la décimation de son peuple par des desperados qu’on ne parvient même pas à identifier
Quant à l’honorable Mamadou Diarrassouba de la majorité parlementaire, il s’est illustré par des propositions pour le retour de la paix au centre, en invitant notamment le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), à désigner des personnalités impartiales et qui fasse l’unanimité en vue d’instaurer le dialogue entre les différentes communautés du centre et les réconcilier. Le premier questeur souhaite par ailleurs l’adaptation des outils de guerre et de la formation des officiers supérieurs aux réalités de la guerre asymétrique.
Quant à son collègue non-inscrit, Bakary Diarra, il a réclamé la démission ni plus ni moins du ministre Salif Traoré dont il admet pourtant les efforts en estimant qu’il a fait de son mieux. «Si l’opposition et la majorité vous demande un bilan, moi en tant que non-inscrits, je vous demande de rendre le tablier», a martelé le député Diarra.
En réponse aux questions des députés, le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile a admis à son tour que la situation actuelle du centre est inacceptable et qu’aucun gouvernement ne peut s’en accommodé. Les Famas ne sont pas des simples spectateurs, a-t-il toutefois relevé, en mentionnant que du 1er mars au 31 mai 2019, les 82 interventions ont été effectués dont 46 sur la base de fausses alertes. L’opération militaire de Sobane Da, qui était toujours en cours, selon le ministre, a permis de neutraliser une trentaine de djihadistes jugés terroristes, d’interpeller plus de 50 personnes et de saisir nombre d’armes et de munitions. Et le ministre d’en déduire qu’aucune tranquillité n’est envisageable sans les FAMAs, dont il soutient mordicus leur montée en puissance due à la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire et son corollaire d’augmenter substantielle les effectifs. « Oui nous avons des insuffisances que nous allons parfaire, les moyens et surtout la volonté de faire face aux terroristes», a martelé le Général ministre de la sécurité.
Parlant du bilan de la LOPM, il dira que son homologue de Défense fait annuellement le point de la mise œuvre à la commission de Défense de l’hémicycle, de même que le ministre de la sécurité de la protection civile pour la loi de programmation sécuritaire». Et les rapports détaillés seraient disponibles au niveau de ladite commission parlementaire pour vérification.
Pas de négociation avec les terroristes, du moins le Mali n’ira pas chercher des terroristes pour négocier, même s’il est prêt au dialogue avec tous ses fils et filles, assure le ministre Traoré, par ailleurs.
Amidou Keita
Source: Le Témoin