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Insultes racistes contre Taubira : le parquet ouvre une enquête

Christiane Taubira

La Une de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute – qui titre « Maligne comme un singe » à propos de Christiane Taubira – provoque de nombreuses réactions indignées en France. Le Premier ministre a décidé de saisir la justice. Mardi soir, Manuel Valls a affirmé que le gouvernement étudie actuellement « les moyens d’agir contre la diffusion » de l’hebdomadaire.

« Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ». Les mots à la une de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, qui surfe explicitement sur les dernières attaques racistes dont a été victime la garde des Sceaux dans les dernières semaines, a provoqué un véritable tollé en France.

Mercredi après-midi, le parquet de Paris, saisi la veille au soir par Matignon, a ouvert une enquête pour injure publique à caractère racial.

Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, envisage pour sa part d’agir contre la diffusion du journal, qui paraît mercredi. « Nous ne pouvons pas laisser passer cela », a-t-il déclaré en marge d’un colloque à l’Assemblée nationale sur les réponses à apporter face à la montée du Front national. Mais pour Jérémie Assous, avocat au barreau de Paris, un retrait de l’hebdomadaire des kiosques apparaît peu probable. « Je doute que les juridictions françaises estiment que l’atteinte soit suffisamment grave pour qu’elle puisse justifier le retrait de cet hebdomadaire des kiosques, a-t-il estimé au micro de RFI. On peut rappeler la jurisprudence des caricatures de Mahomet. Un très grand nombre de personnes sollicitaient l’interdiction des publications et tout le monde a trouvé normal que la liberté d’expression prime et l’emporte sur l’atteinte que cela pouvait porter aux principes de la religion musulmane. »

Si la gauche a unanimement condamné ces nouvelles injures racistes visant la ministre de la Justice, des réactions se sont aussi fait entendre à droite. Le député UMP Eric Ciotti dénonce ainsi une « outrance ». Alain Juppé, maire UMP de Bordeaux et ex-ministre de Nicolas Sarkozy, a qualifié la couverture de Minute de « degrès absolu de l’abjection », appelant lui aussi à une réponse pénale.

Plus tôt dans la journée, Christiane Taubira avait préféré de pas réagir publiquement à ces nouvelles insultes et ne souhaitait pas engager de poursuites. Ce n’est pas la première fois que la ministre de la Justice est comparée à un singe. Mi-octobre, une candidate FN aux municipales avait défendu un photomontage de la ministre avec un bébé singe sur sa page Facebook en déclarant à la télévision : « Je préfère la voir dans les arbres après les branches que dans le gouvernement ». Quelques jours plus tard, Christiane Taubira était insultée par des enfants aux mots de « la guenon mange ta banane », en marge d’une manifestation contre le mariage homosexuel.

La garde des Sceaux avait dénoncé la semaine dernière une « attaque au cœur
de la République »
, tout en déplorant le manque de réactions publiques, provoquant en retour une vague de soutiens dans la classe politique et au sommet de l’Etat.

ANALYSE : L’extrême-droite ragaillardie par le débat autour du mariage pour tous

C’était le mois dernier lors de la venue à Angers de la ministre de la Justice. Des enfants accompagnés de leurs parents manifestant contre la loi autorisant le mariage homosexuel avaient agité des bananes en traitant Christiane Taubira de « guenon ». Il avait alors fallu plusieurs jours pour que le gouvernement lui apporte son soutien. Mardi 11 novembre, la réaction du gouvernement a été beaucoup plus rapide, les condamnations de la classe politique et appels à la justice de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls tombant dans les heures suivant la publication de cette Une sur Internet, alors que le journal n’est pas encore paru. Une démonstration de fermeté sur ce sujet, ce qui n’a pas toujours été le cas.

A l’Elysée, on a longtemps hésité sur l’attitude à adopter face à ce genre de propos racistes. Condamner, en parler, n’est-ce pas faire monter le Front national ? Un débat désormais tranché. Pour le 11 novembre avant-hier, le président de la République François Hollande a réaffirmé haut et fort que « la République ne devait jamais rien laisser passer face à la haine et au racisme ».

Une parole raciste libérée 

Depuis l’élection de François Hollande, on entend beaucoup l’extrême droite. Un paradoxe pour un Président qui voulait apaiser la République après cinq ans de sarkozysme. Mais le débat autour du mariage pour tous a réveillé l’extrême droite, lui a donné de la visibilité et lui a permis de se mobiliser, de s’organiser. Une loi précisément portée et incarnée par Christiane Taubira. Aujourd’hui ces réseaux d’extrême droite continuent d’occuper le terrain sur le thème « François Hollande n’est pas mon président ». On l’a vu le 11 novembre avec les sifflets sur lors des célébrations de l’armistice. A l’Elysée, fataliste, on sait bien que ce genre de manifestations est sifflé comme cette parole raciste libérée au plus fort des années 30. Et tout porte à croire que ce sera le cas jusqu’à la fin du quinquennat de François Hollande, même si le populaire ministre de l’Intérieur Manuel Valls appelle la gauche à se ressaisir face au racisme et à se resserrer autour du président et de son Premier ministre.

 

Source : RFI

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