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Indemnités des membres du CNT : Faux-débat sur un vrai problème

La Cour constitutionnelle du Mali, par son Arrêt rendu le 18 avril 2024, relatif à la requête du Président de la transition aux fins de contrôle de conformité à la constitution de la loi organique N°2023-058/CNT-RM fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de transition (CNT) a ainsi informé le public de l’existence de cette loi passée jusque-là inaperçue. Elle octroie aux membres du CNT ces indemnités jugées colossales par nombre de Maliens. Depuis lors, la polémique enfle.

La Cour constitutionnelle n’a pas dit niet à cette loi organique du CNT, comme beaucoup le pensaient. Elle avait simplement demandé des corrections. En d’autres termes, elle avait demandé de changer des mots et des expressions pour être dans l’esprit de la Constitution. Ce qui a été d’ailleurs vite fait par le CNT et nul doute que la Cour constitutionnelle donnera finalement son quitus à cette loi organique.

Depuis lors, l’actualité est dominée par cette affaire des indemnités des membres du CNT. C’est le tollé généralisé ! Les Maliens qui tirent le diable par la queue -d’ailleurs s’ils le voient encore – ont pu découvrir qu’on les appelle tous les jours à se scarifier et servir la Transition pour qu’elle réussisse, pendant qu’un groupe de privilégiés demande à se servir. Les membres du CNT, au plan financier, sont traités comme des députés. Ce qui est pourtant contraire à une disposition d’un Arrêt de la Cour constitutionnelle. Ils ne sont donc pas des députés parce qu’ils ne sont pas élus mais désignés. Précision faite par la Cour constitutionnelle dans son Arrêt n°2020-07/CC du 18 décembre 2020 relatif à la requête aux fins de contrôle de conformité à la Constitution du Règlement intérieur du Conseil National de Transition (CNT).

Dans cet Arrêt, on peut lire : “Considérant que les membres du Conseil national de Transition ont été nommés par décret du Président de la Transition ; que dès lors, même si le Conseil national de Transition est, au regard de l’article 13 de la Charte de la Transition, l’organe législatif de la Transition, ses membres ne sauraient porter le titre de Députés ;” avant d’ajouter : “Qu’au surplus, la Charte qui crée le Conseil national de Transition n’attribue pas la qualité de député, mais plutôt l’appellation de “membres du Conseil national de Transition”.

Par conséquent, il convient de remplacer dans le Règlement Intérieur, l’appellation “Député de la Transition” par “membres du Conseil national de Transition”, précisait le même Arrêt.

Le débat est donc clos depuis lors. Les membres du CNT ne sont pas des députés et ne doivent prétendre être traités comme tels. Malgré cela, depuis leur installation, ils perçoivent les indemnités prévues par le Règlement Intérieur de la défunte Assemblée nationale. Comprenez donc qu’ils ne sont donc pas des députés, mais au plan financier il faut les traiter comme tels. Et le CNT n’a pas attendu de voter une loi organique, comme celle proposée au contrôle de conformité de la Cour constitutionnelle, pour servir grassement ses membres. Cette loi, au contraire, vient comme une sorte de régularisation d’indemnités payées sans aucune base légale, mais simplement calquées sur les indemnités que percevaient les députés. D’ailleurs, peut-elle être rétroactive sur les lois des finances des années écoulées ?

Voilà le vrai problème que cache mal un faux-débat sur les pratiques financières au Parlement avant la Transition. De toute façon, se faire les gorges chaudes en rappelant que les députés des Législatures passées percevaient ceci ou cela, n’a rien d’un bon argumentaire. Comparaison n’est pas raison, ici. C’est pourquoi, les membres du CNT qui se sont exprimés pour tenter de faire une comparaison avec les pratiques parlementaires de la défunte assemblée nationale ont raté leurs sorties.

Qu’on se le tienne pour dit : membre du CNT n’est pas député et, en plus, vouloir calquer des pratiques financières du passé comme justification ne participe pas de la refondation du Mali, laquelle exige un changement positif, comme promis aux populations.

Les commentaires et réactions des citoyens ont poussé des membres du CNT à s’exprimer. La vidéo devenue virale de Amadou Gilbert Maïga est la plus en vue. Mais erreur ! Il y a des occasions où le silence est d’or. Il a raté, une fois de plus, l’occasion de se taire, surtout que, de ses explications, disons même de ses justifications, au lieu de convaincre, il a davantage semé le doute dans l’esprit des Maliens. C’est l’occasion de rappeler la nécessité d’instaurer une certaine discipline à des membres du CNT dont en première ligne Nouhoum Sarr, Amadou Gilbert Maïga, qui doivent parler moins car dans ce monde actuel, en paraphrasant un écrivain qui l’enseignait dès le 18è siècle : “Il n’est point besoin de se considérer comme l’instituteur du peuple car le peuple n’a pas besoin de maître pour douter”.

Tout le monde sait qu’Amadou G. Maïga tentait de répondre à la réaction de l’Ancien Premier ministre, Moussa Mara, qui fut un député de la 6è législature. Malheureusement, en voulant charger Mara vaille que vaille, il s’est planté à plusieurs niveaux.

En effet, en tant que membre du CNT, Amadou Gilbert Maïga pouvait mener des investigations, comme nous l’avons fait, pour obtenir les bons renseignements. Il se serait rappelé que les députés de cette 6è Législature, qui n’ont siégé que trois mois avant le coup d’état, n’ont reçu que 2,5 millions chacun sur les 10 millions FCFA prévus à titre d’installation par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Selon l’esprit de cette loi organique (le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale en étant une) cette disposition permet aux députés, dont la majorité ne vient pas de Bamako, de pouvoir trouver un pied-à-terre dans la capitale malienne où leur présence régulière est imposée par les besoins de la charge de parlementaire. La tradition était que le paiement de ce pécule pouvait se faire soit globalement soit par tranche, c’était laissé à la convenance du député. Depuis la diffusion de la vidéo de ce membre loquace et va-t-en-guerre du CNT, c’est le branle-bas de combat au niveau des députés de cette Législature. Ils veulent bien savoir comment on a pu leur attribuer une somme de 10 millions de FCFA qu’ils n’ont pas reçu, alors qu’installée au mois de mai, cette 6è législature, dans le cadre de la continuité de la Législature présidée par Isaac Sidibé, ne pouvait que continuer l’exécution du budget de la Loi de finances 2020. C’est dire que rien n’était possible en termes de changements et autres aménagements pour ce qui était du budget. Il fallait attendre le vote de la Loi de finances de l’année suivante, qui se fait au mois d’octobre, pour pouvoir apporter des modifications.

Reprocher aux députés de cette Législature de n’avoir pas changé cette disposition ne peut prospérer puisqu’elle n’a même pas eu le temps de s’installer convenablement, a fortiori pouvoir travailler correctement. Entre le fait de prendre connaissance des dossiers, chercher de nouveaux bureaux (les locaux de l’Assemblée nationale étant incendiés) équiper les nouveaux bureaux, s’y installer, les trois mois se sont écoulés.

En attendant la réhabilitation du siège de l’Assemblée nationale, les députés squattaient le CICB et l’aménagement a donc pris du temps. Le coup d’état ayant renversé le régime du président IBK étant intervenu le 18 août 2020, les députés de cette 6è Législature ont dû percevoir le salaire de ce mois d’août 2020, grâce à la bienveillance des Autorités de la Transition parce que les salaires n’étaient pas positionnés au moment où l’Assemblée nationale était dissoute.

Comme pour dire que, s’il y a eu des décaissements et autres opérations de dépenses au titre de l’exécution du budget 2020 de l’Assemblée nationale, notamment concernant les mois de septembre, octobre et novembre 2020 (le CNT ayant démarré son fonctionnement en décembre 2020), il y a lieu de clarifications pour savoir comment fut-ce possible et qui en est vraiment responsable, l’Assemblée nationale n’existant plus.

Les membres du CNT n’étant pas élus comme les députés, ont-ils droit à une indemnité de représentation ? Ils n’ont pas la même redevabilité que les députés élus, ont-ils droit à une indemnité de restitution ? Et restitution à destination de qui ? Autant de questions qui constituent le vrai débat, pour remettre les choses dans la logique de transparence de gestion des biens publics prônée par la Transition.

Chez notre voisin de l’AES, notamment le Burkina Faso, le président de la Transition, le capitaine Ibrahima Traoré, a tranché cette question en laissant aux membres du CNT seulement le nécessaire pour fonctionner car il s’agit beaucoup plus de faire preuve de patriotisme pour le Refondation de l’Etat que de chercher à être traité comme un élu d’un régime en plein ordre constitutionnel. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! L’exemple doit commencer par les structures de gestion de la transition.

Amadou DIARRA

 

Source: Aujourd’hui-Mali
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