L’Arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 30 avril change les résultats des législatives maliennes dans plusieurs localités, comme à Bougouni, à Sikasso, à Kati, ou encore en communes 1, 5 et 6 de Bamako.
Cette décision ne m’étonne guère car la Cour est coutumière du fait. Ainsi :
* En avril 1997, elle a annulé l’ensemble des législatives pour absence de fichier électoral. Or, deux petits mois plus tard, elle a validé les résultats de l’élection présidentielle du 11 mai 1997 alors qu’un fichier fiable ne pouvait être matériellement confectionné dans cet intervalle de temps. Résultat : le pays a plongé dans une très grave crise politique.
* À la présidentielle de 2002, la Cour a annulé 400 000 voix en commune 4 de Bamako pour pouvoir empêcher le candidat IBK d’accéder au second tour. À l’occasion, le Mali est passé tout près d’une guerre civile.
* La même année (2002), alors que le parti ADEMA avait gagné 57 députés et s’était classé en tête des législatives, la Cour lui a ôté une trentaine d’élus pour affecter une relative majorité parlementaire au RPM d’IBK.
Si la Cour se permet de changer à sa guise le verdict des urnes, c’est parce que la Constitution du Mali lui en donne tous les pouvoirs : non seulement elle a le pouvoir d’annuler ou de réajuster des voix à son gré, mais en outre, ses décisions sont sans recours.
Il ne faut pas oublier, de surcroît, que 6 des 9 juges de la Cour sont nommés par le pouvoir en place : 3 par le président de la République et 3 par le président de l’Assemblée nationale.Dès lors, lesdits magistrats sont beaucoup plus sensibles aux intérêts du pouvoir qu’à autre chose.
Enfin, la procédure devant la Cour ne donne pas l’occasion aux acteurs de défendre contradictoirement leur cause, ni à la cour le temps de bien examiner les recours, toutes choses qui conduisent souvent la haute juridiction à de mauvaises appréciations.
Ce qui vaut pour les élections vaut en d’autres matières. On se souvient, à cet égard, que la Cour, pour rendre possible la révision constitutionnelle, a nié toute atteinte à l’intégrité territoriale du Mali alors que le commun des Maliens sait que l’État malien est chassé de nombreuses localités comme Kidal. La décision de la Cour a d’ailleurs été tournée en dérision par les manifestants du collectif « Ante Abana » qui finit par obtenir l’interruption de la révision constitutionnelle.
En définitive, j’estime que les pouvoirs exorbitants de la Cour doivent être réduits en cas de changement de la Constitution. Je ne peux comprendre que les suffrages du peuple souverain soient placés sous les pieds d’une juridiction pour qu’elle en fasse ce que bon lui semble.
Me Cheick Oumar Konaré