Au sortir de la grave crise socio-politique et sécuritaire, consécutive au coup d’Etat de mars 2012, le Mali devrait s’atteler à des tâches prioritaires afin de rebondir. Parmi ces tâches, il y avait trois prioritaires : l’élection d’un président de la République, la mise en place des institutions et surtout la réconciliation nationale.
Si un président de la République a été élu suite à l’élection présidentielle de juillet 2013, la mise en place d’une Assemblée nationale est intervenue pour boucler un processus électoral qui s’est déroulé sans incident majeur. Dès lors, les Maliens, dans leur grande majorité, caressaient le secret espoir de se retrouver, de se rassembler et de se réconcilier. Au-delà, le peuple n’avait qu’un seul désir : tourner définitivement cette sombre page de l’histoire du Mali. Mais surprise. Le président élu Ibrahim Boubacar Keïta, dès l’entame de son mandat, posa des actes dont il se serait bien passé qui n’étaient nullement de nature à réconcilier les Maliens. Dans le lot, un a surtout retenu l’attention des observateurs nationaux et internationaux. En effet, lors de son investiture (bis) du 19 septembre 2013, seul l’ancien dictateur Moussa Traoré était présent, contrairement à d’autres anciens chefs d’Etat du Mali… Dès lors, des questions légitimes étaient posées sur la volonté de IBK à prendre des décisions sous forme d’actes de grandeur et qui vont dans le sens de la réconciliation nationale. L’opinion s’interrogeait fort justement : le nouveau chef de l’Etat était-il capable de surmonter son égo personnel pour réconcilier les Maliens ? Pourquoi l’absence à cette cérémonie, des présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré ?
IBK doit beaucoup à ces deux hommes. Konaré et ATT ont largement contribué à faire de lui ce qu’il fut et ce qu’il est aujourd’hui. Il a été conseiller, ministre et premier ministre de Konaré. Ailleurs, président de l’Assemblée nationale, sous ATT, IBK et son parti, le Rpm, ont participé, de 2002 à 2011, à « son » consensus, avec participation au gouvernement. Même si aujourd’hui, ils ont les dents dures contre ATT.
Dommage qu’au Mali, des divergences politiques peuvent facilement se transformer en haine entre responsables politiques, au détriment du pays. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la marche des affaires de l’Etat. En tournant le dos à Konaré et à ATT, IBK incitait les citoyens maliens à entretenir un sentiment d’hostilité, voire de haine à l’encontre de ces deux anciens présidents de la République, dont nul ne conteste le patriotisme et le bilan à la tête de l’Etat. Le président Keïta, par la même occasion, envoyait un signal fort (celui de l’exclusion) à une grande partie de la population malienne qui reste attacher aux deux hommes. Avec eux, c’est l’histoire de 20 longues années du Mali qui s’affiche avec ses nombreuses réalisations. Peut-on facilement mettre une croix sur cette histoire riche en acquis sur les plans socio-économiques et politiques ?
En réalité, IBK, contrairement à ses discours, ne semble ni dans une dynamique de rassembler, encore moins de réconcilier les Maliens. A y voir clair, Ibrahim Boubacar Keïta n’est pas un rassembleur ! Les Maliens, depuis son accession au pouvoir, découvrent en réalité que le président Keïta a d’autres priorités que la réconciliation des Maliens (Achat d’avion, voyages de prestige…). Au même moment, le fossé ne cesse de s’élargir davantage entre les fils du Mali. Sous IBK, il existe désormais un Mali coupé en deux, entre le nord et le sud. Aussi, à Bamako, il y a désormais des citoyens étiquetés «Hachidis » ou égoïstes et ceux qui ne le sont pas. Il y a des bons citoyens et des mauvais citoyens. Les seconds sont constitués par ceux qui osent émettre la moindre critique sur les dérives d’une mal gouvernance qui précipite le Mali dans le gouffre. Tandis que, les premiers sont constitués par les membres de la famille, leurs affidés et courtisans. Ils ont infiltré tous les rouages de l’administration et du circuit financier avec les bénédictions du pouvoir… Ils sont les « enfants gâtés » de la République. En attendant, leur retour sur terre, la réconciliation nationale est tout simplement en panne.
C.H. Sylla