Une analyse pointue de l’adresse présidentielle à l’ occasion du nouvel an prouve que l’on est encore loin du compte.
A la veille du nouvel an, le président de la République s’est adressé aux Maliens. L’occasion pour Ibrahim Boubacar Keita de jeter un regard rétrospectif sur l’année écoulée et de se projeter sur celle qui vient de commencer. Le chef de l’Etat a non seulement fait part de ses ambitions mais aussi de ses déceptions, notamment la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation signé en mai et juin 2015. Par rapport à ce dernier point, l’on a semblé écouter un IBK fataliste, qui a toutefois annoncé de nouvelles mesures dans le cadre du processus de paix et de réconciliation. Dans l’ensemble, le message du premier responsable de la nation est à l’image de l’impasse dans laquelle se trouve le deal scellé entre les protagonistes de la crise du Nord-Mali. Le chef de l’Etat a l’air de vouloir persévérer sur une voie presque sans issue. Les « chantiers » qu’il a annoncés ne seront que le prolongement de ce que les Maliens ont vécu pendant ces dernières années. Cela est d’autant plus vrai qu’aucune œuvre humaine n’est possible qu’avec des fondements solides. Il serait difficile d’imaginer IBK concrétiser ses « vœux » sans surmonter les difficultés du moment.
La présumée signature d’un accord de réadmission entre le Mali et l’Union européenne (UE) a suscité un tollé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Acculé par différents mouvements de contestations, le président de la République a lancé un message clair à nos compatriotes vivant à l’étranger. « J’ai entendu votre message, je comprends vos attentes et j’ai pris la mesure de vos frustrations, je vous donne l’assurance que j’en tirerais très bientôt toutes les conséquences », a promis IBK dans son discours à la nation. La promesse présidentielle est de taille. Il faudrait, cependant, la prendre avec des pincettes. Par le passé et dans des circonstances identiques, IBK s’était engagé à sévir contre les fossoyeurs de la République, mais rien n’y fit. Comme pour encourager la médiocrité, certains parmi ceux-ci ont même été promus à d’autres postes de responsabilité.
Incertitudes
C’est pourquoi, la promesse présidentielle de réagir à la polémique née du supposé accord de réadmission avec l’UE n’a pas convaincu grand monde, particulièrement les Maliens vivant en Europe. Ceux-ci croient fermement qu’une mauvaise politique de communication du gouvernement est à l’origine de cette crise de confiance alors que quelques mois seulement après son investiture, IBK avait assuré que le déficit de communication au sommet de l’Etat ne serait qu’un mauvais souvenir.
Au delà du supposé deal de réadmission entre le Mali et l’UE, la question de la sécurité cristallise toutes les attentions. Le président IBK ne pouvait pas s’empêcher de l’évoquer dans son adresse à la nation. Le chef suprême des armées a assuré que « notre sécurité se fortifiera » et que « la nation malienne ne lésinera pas sur les moyens à mettre à la disposition » de nos forces armées et de sécurité. Malgré les garanties du chef de l’Etat, l’insécurité gagne du terrain. Le centre et le sud du pays n’ont plus rien à envier au nord en proie à des scènes de violence récurrentes. Pour renverser cette mauvaise tendance, IBK a dit pouvoir compter sur nos forces de défense et de sécurité. Toutefois, il faudrait que ces dernières soient mises dans les conditions d’accomplissement de leurs missions. Après des années d’inaction, les autorités ont mis à la disposition de l’Armée de l’air seulement « deux avions de transport et deux hélicoptères de manœuvre » tandis que sous d’autres cieux et dans de pareilles circonstances, la grande muette serait beaucoup mieux équipée. Un signe qu’il y a un grand fossé entre la réalité et les discours, du moins en ce qui concerne l’armée. Le régime devra faire plus pour assurer la sécurité des Maliens.
IBK devra être plus tranchant pour concrétiser ses projets de révision constitutionnelle et d’organisation d’une conférence d’entente nationale. Ses plans présidentiels paraissent compliqués pour qui sait que le dialogue est le talon d’Achille du pouvoir. L’opposition politique et les mouvements armés du septentrion devront être associés à ces deux projets afin d’assurer leur succès. Le président de la République devra donner plus de détails sur ses vraies intentions. Lui qui a déjà été accusé par l’opposition politique et l’ex-rébellion de faire cavalier seul et de tenter d’écarter à la course à la présidentielle de 2018 des concurrents potentiellement dangereux.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
Source: lesechos