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IBK et la justice : L’accolade de judas

Dans la posture institutionnelle de sa double casquette de Chef du pouvoir exécutif et de Président du Conseil supérieur de la magistrature, IBK aurait sans doute gagné à faire profil bas lors de la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux du 18 novembre 2019. Pas seulement parce que cette rencontre solennelle boudée par les magistrats absents, dégageait la tristesse d’une pitoyable cérémonie de deuil au sein du corps de la magistrature. Pas non plus parce que, chose impensable dans une démocratie vraie, la rentrée des cours et tribunaux se fait par une petite porte plutôt dérobée du fait de l’exemplarité vivement contestée des deux premiers responsables des deux plus hautes institutions judiciaires du pays. Mais sans doute et surtout, parce qu’un Chef du pouvoir exécutif comme IBK, dont les Maliennes connaissent si bien les pratiques du régime, paraît presque ridicule lorsque dans le déni total de l’instrumentalisation évidente à laquelle il soumet régulièrement la justice, se vante quand même de préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire « indépendant des pouvoirs exécutif et législatif ». Mais rien à faire. Dans la pseudo démocratie du Mali, le ridicule ne tue pas le faux-semblant institutionnel.

Au contraire comme à son habitude, IBK a fait de la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux du 18 novembre 2019, un espace d’exhibitionnisme verbal envoûtant qu’il adore tant, avec son effet délirant sur des thuriféraires qui ont vite fait de qualifier la sortie présidentielle provocatrice et moqueuse de « bouffée d’oxygène pour la famille judiciaire ». Ce fut plutôt un composé asphyxiant pour la famille judiciaire et l’indépendance de la justice. Quelle lapalissade que d’entendre que le Chef de l’Etat réaffirme son soutien à l’indépendance de la justice, puisque la Constitution ne lui offre de toute façon aucune une autre alternative.

Le pouvoir judiciaire étant constitutionnellement indépendant des pouvoirs exécutif et législatif, la justice n’a pas besoin d’une quelconque réaffirmation de soutien du Président de la République

Les gages d’indépendance que le Chef du pouvoir exécutif IBK s’est mis depuis ces derniers temps à faire pleuvoir sur le pouvoir judiciaire se révèlent en fait un déluge mortel pour son indépendance. Il n’appartient pas au Chef du pouvoir exécutif IBK de donner une quelconque « entière carte blanche » à un quelconque ministre de la Justice pour soi-disant « requalifier notre justice ». Il n’est pas non plus du ressort du Chef du pouvoir exécutif IBK de donner une quelconque « liberté absolue » ni aucune « confiance totale » à un quelconque ministre de la Justice.

L’« entière carte blanche », la « liberté absolue », la « confiance totale » ou autres brevets d’indépendance, la justice et le pouvoir judiciaire indépendant du pouvoir exécutif les tiennent d’office de la Constitution et des lois de la République. Ils ne procèdent d’une quelconque humeur présidentielle. De la même manière, la justice indépendante doit pouvoir se moquer de tout « soutien des plus hautes autorités du pays » dont elle n’a que faire, si nous voulons construire une démocratie qui ne soit pas que de façade. Car si c’est l’humeur versatile des calculs politiciens du Président IBK qui fixe le tempo de la justice qui peut s’endormir par faute de « soutien des plus hautes autorités du pays », autant dire que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne peut être qu’une indépendance deux poids deux mesures à géométrie variable.

Autant dire, pour coller à l’actualité brûlante, que la croisade judiciaire contre la corruption paraît déjà vouée à l’échec. Quelle assurance avons-nous que l’« entière carte blanche », la « liberté absolue », la « confiance totale » du Président IBK résisteront encore si demain par hasard, lui-même et sa proximité clanique immédiate devaient répondre d’éventuelles infractions financières ? Quelle assurance avons-nous que l’« entière carte blanche », la « liberté absolue », la « confiance totale » du Président IBK ne sont pas autant d’instruments de conditionnement d’une justice dont on attendrait en retour une certaine compréhension? Qu’adviendra-t-il si le Président IBK devenant moins généreux, se contentait d’une « semi carte blanche », d’une « liberté relative » et d’une « confiance limitée » ? Les assurances verbales données par le Président IBK à la justice pourraient s’avérer une accolade de la mort. L’accolade de Judas.

Hamadi

 

Source: L’Aube

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