Après le succès de la manifestation du 05 Juin 2020 et la magistrale démonstration de force auquel elle a donné lieu, le Mali se trouve désormais dans une phase aiguë d’ingouvernabilité et d’incertitudes fortement préjudiciable à la stabilité du pays et de la région sahélo-saharienne. Tout peut arriver, tant le régime en place est incapable de forger une solution raisonnable et acceptable de sortie de crise, tant il est honni, vomi et rejeté par l’immense majorité des couches socioprofessionnelles du pays.
Le diagnostic est connu :
1- Corruption abyssale scandaleuse marquée par la rapacité dans le pillage des deniers publics avec des détournements sans précédents dans l’histoire du pays au cours des six décennies écoulées. Ironie du sort, au moment où le pays se trouve en guerre et affronte des défis sécuritaires gigantesques, les détournements des fonds publics concernent, principalement, les fonds destinés à l’équipement des FAMas : marchés de fournitures et d’équipement de l’Armée, achat de l’avion présidentiel, hélicoptères d’occasion cloués au sol, Super-Tucano dépourvus d’instruments de viseur, blindés en « carton » etc…
2- Clochardisation grandissante de l’immense majorité de la population et paupérisation des classes moyennes (enseignants, médecins, magistrats…);
3- Incapacité à fournir les services sociaux de base (Éducation, Santé, Eau, Electricité…) même dans la capitale du pays, a fortiori, dans les régions et les zones les plus reculées où les gens font souvent deux semaines sans électricité et eau… Il y a désormais des manifestations populaires récurrentes dans les différents quartiers de Bamako contre les coupures d’électricité et d’eau ;
4- Violation persistante des libertés publiques et individuelles avec la multiplication des arrestations arbitraires (Professeur Clément Dembélé, Nouhoum Sarr… entre autres, pour les cas les plus récents…) et l’intimidation de toutes voix discordantes (Utilisation des forces anti-terroristes contre les manifestants de Sikasso réclamant le respect du verdict des urnes après le deuxième tour du scrutin législatif qui s’est déroulé le 19 avril) ;
5- Gestion calamiteuse de la pandémie du Covid-19 avec des détournements des aides destinées aux plus démunies par des agents de l’État associés à des commerçants véreux ;
6- Absence de l’État dans les régions du Nord où chaque jour les groupes mafieux s’adonnent à des trafics multiformes (drogue, armes, êtres humains, extraction illégale de l’or et autres matières premières…) affectant la stabilité globale des États de la région.
7- Incapacité à respecter les engagements internationaux (blocage de la mise en œuvre de l’Accord issu du Processus d’Alger…) etc…
La crise irrémédiable du leadership : La crise multidimensionnelle affectant le pays s’aggrave chaque jour davantage du fait d’un leadership hasardeux, erratique, capricieux, tâtonnant, habitué aux mensonges à deux sous et aux promesses jamais tenues. Par-dessus tout, le leadership est gangrené par le népotisme le plus primaire avec la domination d’un clan familial glouton insensible à la détresse populaire. Sorte d’ironie du sort, celui qui prônait l’excellence et la probité dans la gestion des affaires publiques, est devenu le Pape de la médiocrité, en instaurant le règne des divers groupes mafieux, des voleurs patentés, des courtisanes offrant des prestations tarifées au sein même des palais de la République (confère l’assassinat non élucidé d’une jeune standardiste par son fiancé dans l’enceinte même de la Présidence …). Le Chef s’enquiquine avec des individus méchants, des griots spécialisés dans les louanges du Prince et prêts à toutes sortes de compromissions pour accompagner celui-ci dans ses incessants voyages et ses errements quotidiens. Comble de la pitrerie, le Chef est aux anges lorsqu’il se pavane avec une brigade d’applaudisseurs, payée grassement sur les fonds publics pour déclamer ses louanges en tant que « Champion de l’Union Africaine pour les Arts et les Lettres » alors que le Peuple est meurtri quotidiennement par les attaques incessantes des groupes terroristes et que les pauvres soldats tués sur le champ d’honneur sont enterrés subrepticement parce que les aéronefs achetés à prix d’or sont cloués au sol!
Aucun problème du pays ne fait l’objet d’une attention particulière de la part de ce leadership dépassé par l’ampleur des défis et des tâches à affronter.
Au bout de sept années, cette gestion calamiteuse, chaotique, cahoteuse, a abouti à la coalition de tous les mécontentements, à la convergence de toutes les forces et organisations désireuses de mettre fin à la dérive inexorable du pays vers un abîme plus profond que celui dans lequel il se trouvait en 2012.
Aujourd’hui, une coalition multiforme comprenant toutes les catégories socioprofessionnelles et tous les démunis du pays s’est formée pour mettre un terme au règne d’un clan familial glouton et ignare aveuglé uniquement par les ors et les délices du pouvoir. La détestation de ce clan familial cupide et stupide a atteint un point paroxystique tel que le régime ne dispose d’aucune capacité à sortir de l’impasse dans laquelle il s’est lui-même enfermé.
Le pays ne veut plus de ce régime corrompu et incapable qui, depuis sept ans, bafoue son droit à une existence tant soit peu « normale ». La révolte populaire gronde. Elle est générale et elle est prête à exploser et embrasser le pays entier. Dans tous les coins et recoins du territoire national, il y a un sentiment partagé de ras-le-bol. Toutes les colères populaires et les frustrations sociales sont coagulées et convergent désormais pour donner lieu à une explosion finale. Une étincelle peut mettre le feu à la poudre.
La Faute : La Faute irrémédiable, le déclencheur de l’explosion populaire généralisée : le truquage de l’élection législative du 30 mars et 19 avril 2020 :
Aveuglé par de jeunes apprentis sorciers, mené par son propre fils-le Grand Manitou de la République-, entouré par une génération spontanée de politiciens sans éducation morale ni sociale, sans formation ni expérience politique et dépourvus de tous scrupules, le Chef de l’État a cautionné et accepté la tenue d’élections législatives opaques, inéquitables qui ont décrédibilisées le processus électoral comme moyen d’opérer le changement politique dans le pays. A l’arrivée, la Cour Constitutionnelle a tripatouillé les résultats sortis des urnes, bafoué l’expression du suffrage populaire, en proclamant vainqueurs les candidats choisis par le Clan familial au détriment des députés réellement élus dans les différentes circonscriptions électorales du pays. Il s’agissait-là de la goutte d’eau qui fit déborder le vase et entraîner une défiance irrémédiable à l’égard du régime en place. Deux raisons principales expliquent le changement de perspective des populations à l’égard du système actuel. Premièrement, le truquage éhonté, sans vergogne et à ciel ouvert, des résultats de l’élection législative du 30 mars et du 19 avril 2020, a constitué pour tous un signal d’alerte. En effet, en « nommant » députés des candidats battus dans les urnes selon les résultats proclamés par le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, la Cour Constitutionnelle a donné un avant-goût de ce que sera l’élection présidentielle de 2023 au cours de laquelle le Chef de l’État aura tout loisir de porter à la tête du pays ; soit son propre fils, qui assume de facto les fonctions de vice-président de la République et de Commandant en Chef des Forces armées et de sécurité ; soit une marionnette qui servira les desseins du clan familial et la protégera contre d’éventuelles poursuites judiciaires pour les multiples malversations financières et les crimes perpétrés au cours des sept années écoulées (confère la disparition non élucidée de notre confrère Birama Touré).
La grossièreté des tripatouillages effectués par la Cour constitutionnelle a eu pour effet d’ouvrir grandement les yeux de l’immense majorité des Maliens. Deuxièmement, en s’octroyant indûment une large majorité au sein de l’hémicycle, contrairement aux résultats sortis des urnes, le régime a affiché clairement sa volonté de procéder à une révision constitutionnelle à sa guise en y intégrant les clauses secrètes de l’Accord d’Alger qui consacrent, aux yeux de l’immense majorité des Maliens, la partition du pays. De plus, pour de nombreuses personnes, la création d’une seconde Assemblée (Sénat) permettant au Chef de l’État de nommer des personnes de son choix, constitue également une opportunité pour « placer » ses affidés au cœur des Institutions afin de couvrir ses arrières au terme de son mandat. Là, également, les desseins inavoués du Chef de l’État ont été démasqués du fait du hold-up électoral gigantesque et grossier perpétré par une Cour Constitutionnelle sans dignité, ignorant et piétinant le droit pour satisfaire les caprices d’un clan familial, victime de sa propre stupidité au point d’insulter l’intelligence collective de vingt millions de citoyens maliens.
Les options du régime en place :
D’ores et déjà, il convient de noter qu’il n’existe pas de solution constitutionnelle idoine permettant de sortir de la crise actuelle. Plus qu’une crise politique, il s’agit d’un rejet sentimental, psychologique, d’une rupture entre le Peuple et le Chef. Après l’adulation (confère le quasi-plébiscite de juillet-août 2013), c’est la haine aujourd’hui (2020). Sept années de mariage se terminent par un divorce fracassant ! Il n’y a pas de remède politique ni constitutionnel à un rejet sentimental. Quand l’amour s’affadît après les multiples et incessantes infidélités, cela devient purement et simplement de la haine ! De plus, les tenants de l’appareil d’État ont tellement bafoués et malmenés la Constitution du 25 Février 1992 que celle-ci ne peut plus être opposable à ceux qui exigent la démission immédiate du Chef de l’État.
La fragilité politique du Chef de l’État est telle qu’il ne lui reste plus d’options robustes permettant de satisfaire les revendications portées par ceux qui forment aujourd’hui le Mouvement du 05 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques. La dissolution de l’Assemblée nationale, tout comme, la destitution du Premier ministre actuel apparaissent à l’heure actuelle comme des pis-aller dérisoires face à l’amplitude et la profondeur du mécontentement populaire. Il ne s’agirait-là que de donner une aspirine à un malade en phase terminale ou appliquer un cautère sur jambe de bois !
La démission du Chef de l’État est désormais impérative et incontournable. Tout autre rafistolage politico-institutionnelle sera éphémère et n’aboutira qu’à l’aggravation de la crise et l’exacerbation du mécontentement populaire.
La formation d’un gouvernement de transition pour le Salut Public pour réaliser une Transition Pactée.
Restaurer la crédibilité de l’État aux yeux des populations apparaît comme la condition sine qua none pour enclencher le processus de reconstruction politique, économique, diplomatique et sociale du pays. Sans la confiance du Peuple, nul ne pourra plus gouverner le pays qui plongera, dès lors, dans un chaos indescriptible
Au rythme où l’État se délite, où le Chef de l’État manque d’imagination dans la gestion des évènements, où il cafouille en permanence, il faut se faire à l’idée que les dés sont jetés, les jeux faits. Le Roi est nu. Il est impotent. Il n’est plus qu’un histrion burlesque, un vieillard cacochyme, déboussolé, esseulé, avachi, victime de ses propres échecs et de ses propres turpitudes. Plus personne ne le croit, à commencer par le Clan familial qui est aux commandes pour sauver les meubles. Tout ce que le Chef de l’État a entrepris depuis sept années s’est soldé par un échec lamentable. Désormais, il n’est plus en mesure d’agir ni de prendre des décisions pouvant être bénéfiques pour le Mali. Son rôle historique est achevé. Ceux qui pensent que l’État de l’État est en mesure de s’amender et d’enclencher une nouvelle dynamique conforme aux aspirations politiques du Mouvement du 05 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques sont, soit des naïfs sincères, soit des idiots au sens scientifique du terme, soit des stupides invétérés ou les trois à la fois.
Le Peuple malien est sorti de sa torpeur. Sa colère ne s’estompera pas tant qu’une nouvelle direction politique ne sera pas aux commandes du pays. Nul ne pourra empêcher le triomphe inexorable des forces patriotiques maliennes. En avant pour la victoire finale ! Hasta la victoria siempre !
Source : le Poing