Alors que la contestation des résultats de l’élection présidentielle bat son plein au sein de l’opposition, qui multiplie les marches, meetings et conférences de presse, on se serait attendu à ce que le nouvel élu, IBK, prenne des mesures pour calmer la tension. Mais il y a loin des rêves à la réalité.
STRATÉGIE DE L’USURE
En effet, comme si de rien n’était, le gouvernement a convoqué le collège électoral pour octobre prochain. Mieux, aucune discussion n’a été engagée en vue d’intégrer des proches de Soumaila Cissé dans la future équipe gouvernementale.
Ce double constat indique que le chef de l’Etat entend désormais ignorer les contestataires. Il opte donc pour la stratégie du pourrissement avec, pour objectif, de gagner l’opposition à l’usure jusqu’à ce qu’elle s’essouffle et meure de sa belle mort. Comme en 1997 quand, Premier Ministre, il avait doucement mais fermement conduit au tombeau le fameux Collectif des partis politiques de l’opposition (Coppo).
Au soutien de sin choix et pour parvenir à ses fins, le pouvoir, dont nous avons rencontré quelques tenants, tient le raisonnement suivant:
ouvrir le gouvernement à Soumaila Cissé, c’est remettre en cause la légitimité du président IBK que le leader de l’opposition accuse de fraude électorale; si Cissé veut négocier, il lui appartient de reconnaître l’élection d’IBK et de demander audience car le président qui lui a déjà tendu la main;
il sera difficile pour Soumaila Cissé de continuer à mobiliser la rue sans objectif réaliste; ses soutiens financiers et politiques percevront de moins en moins l’utilité de cette mobilisation permanente alors que le président IBK a déjà prêté serment et a été adoubé par la communauté internationale;
au fil du temps, le pouvoir se fera fort de débaucher les alliés et militants de l’opposition dans un contexte où les ambitions personnelles foisonnent et les convictions politiques se raréfient; déjà, le vide se fait autour de Soumaila Cissé qui, sur les 17 ex-candidats qui s’étaient regroupés autour de lui après le premier tour de la présidentielle, n’en compte plus que cinq à ses côtés: Choguel Maiga, Dramane Dembele, Mountaga Tall, Moussa Sinko Coulibaly et, dans une certaine mesure, Oumar Mariko;
la convocation des législatives est, par ailleurs, une vraie bombe lancée dans la mare des opposants : la plupart des hauts responsables nationaux et régionaux de l’opposition rêvent de devenir députés et, en cas de boycott de ce scrutin par leurs partis, risquent de migrer vers d’autres cieux. « Un boycott aurait, au demeurant, pour effet de nous permettre de gagner au moins deux tiers des députés (de quoi réviser la Constitution); de marginaliser les partis de l’opposition dans l’arène institutionnelle et de compromettre leurs chances aux élections suivantes », nous confie un baron du régime;
plus le temps avance, plus le discours post-électoral de l’opposition paraîtra démodé car nul ne verra la moindre possibilité de donner à Soumaila Cissé la victoire électorale qu’il revendique…
LES PLANS DE L’OPPOSITION
Pour leur part, les stratèges de Soumaila Cissé semblent bien conscients du danger qui guette leur camp.
Ils font d’emblée remarquer que la stratégie de l’usure fait les affaires du Premier Ministre qui, à les en croire, espère garder son fauteuil tant que durera la crise et en profiter pour bâtir son propre projet de conquête du pouvoir.
« L’usure convient parfaitement aux autres hiérarques du régime qui craignent de perdre leurs postes en cas de négociations réussies avec l’opposition », analysent nos interlocuteurs.
Ces derniers se disent, de surcroît, convaincus qu’IBK n’est pas de nature à négocier quoi que ce soit, mais plutôt à plier devant les rapports de force car, selon eux, le chef de l’Etat s’est depuis toujours habitué à n’évoluer que dans un paysage où il détient tous les leviers et dicte royalement sa loi.
Mais que fera l’opposition pour contrecarrer les plans de l’adversaire ? De hauts dirigeants de l’opposition que nous avons rencontrés disent ne pas croire à la tenue des législatives à la date prévue et refusent, dans l’immédiat, de se prononcer sur un éventuel boycott de cette élection.
De plus, nous annonce-t-on, une marche sera déclenchée le 22 septembre, date à laquelle IBK prévoit une cérémonie d’investiture grandiose couplée aux festivités de l’indépendance. Commentaire d’un de nos interlocuteurs : « Les chefs d’État invités à Bamako verront de leurs yeux le peuple debout contre IBK et l’obligeront à changer de politique envers ses opposants car s’il doit y avoir des négociations entre IBK et nous, elles doivent avoir pour garante la communauté internationale. Et si IBK essaie de réprimer la marche, il aura mis le feu aux poudres ».
« En tout état de cause, ajoutent nos interlocuteurs, ce pouvoir est incapable de résoudre les problèmes quotidiens des Maliens comme l’attestent les grèves dans de multiples secteurs; nous avons assez de ressources pour réchauffer la rue jusqu’à ce que nous y soyons rejoints par les syndicats et d’autres mécontents, surtout quand IBK aura décidé de ressortir son vieux projet de révision constitutionnelle ».
Dans cette guerre des tranchées, qui l’emportera ? Nul n’en sait rien.
Tiekorobani
Le procès verbal