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Horticulture en milieu urbain : Un trésor végétal en friche

Bamako, 08 janvier (AMAP) « Construire une maison sans plantes, c’est comme habiller une jeune femme sans bijoux. » Cette phrase ne sort pas d’un recueil de poèmes. Elle est de Daouda Sangaré qui nous décrit toute l’importance que revêt, à ses yeux, son métier d’horticulteur. Une blouse verte sur les épaules, cet amoureux des plantes passe beaucoup de temps dans son jardin. Un endroit idyllique, superbement décoré de fleurs multicolores, dont le parfum est une bonne bouffée d’oxygène en ces moments de pollution de plus en plus importante à Bamako. Ce matin de janvier, une brise provenant des berges du fleuve Niger balaie l’endroit, tel un havre de paix. Le courant d’air fait balancer les branches d’arbustes qui ornent le lieu. Sur l’écriteau de la devanture on peut lire « Inter Flora ». Le maître des lieux est vite reconnaissable à son activité et à ses échanges avec les clients. «J’exerce ce métier depuis 1974. A l’époque, j’étais gamin et était aux côtés de mon père », confie-t-il.

Pour Daouda Sangaré, sa profession est d’une grande importance dans le contexte actuel de changement climatique. Des signes avant-coureurs de l’avancée du désert vers la zone soudanienne du Mali sont là. Plusieurs espèces de végétaux sont proposées aux clients : plantes d’intérieur (plantes fleuries, plantes vertes), d’extérieur (arbustes d’ornement, arbres fruitiers) et des accessoires de jardinerie, notamment des pots.

En fait, plus d’un millier d’espèces végétales exotiques y sont exposées. Elles proviennent des quatre coins du monde : Europe, Asie, Amérique du Sud ou des pays du continent africain, comme Madagascar, Congo, etc. C’est une kyrielle de variétés, des arbres fruitiers (manguiers, citronnier, cocotier, cacaoyer, caféier), des espèces décoratives le plus souvent exotiques (les rosiers, les palmiers, les sapins).

La collection de cactus est la plus impressionnante. Il possède plus d’une quarantaine de variétés de cet arbre d’origine américaine. L’horticulteur explique que plusieurs espèces d’arbres florales, telles que « le Chapeau de Napoléon », les « Belles de nuit », « les belles de jour », ont été introduites au Mali à l’époque coloniale.

PASSIONNÉS DE BOTANIQUE – De nos jours, la demande en espèces étrangères est de plus en plus importante. Notre interlocuteur affirme être toujours en train de chercher de nouvelles plantes. Dans cette tâche, il est souvent aidé par des particuliers passionnés de botanique. « Je trouve, souvent, de nouvelles espèces chez certains clients qui ont la passion des arbres. Lors de leurs déplacements sur d’autres continents, ils nous apportent de nouvelles espèces ou même des graines qu’ils nous demandent de développer », explique Daouda Sangaré, tout en nous montrant sa toute dernière trouvaille : un Aglaonéma, une espèce d’arbre floral asiatique avec de belles formes de feuillage, allongées et aux couleurs panachées. « J’ai commencé à le développer, il y a six mois. D’un seul pied, j’en suis déjà à huit maintenant. Pour ne pas le vendre, je dis souvent aux clients qu’il coûte 50.000 Fcfa », plaisante-t-il, sourire aux lèvres.

Plusieurs espèces de plantes arrivent au Mali,  à travers certains pays voisins tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Gambie. Ces pays étant fournis par les navires venant d’autres continents, principalement d’Amérique du Sud.

Les prix des plants varient entre 50 Fcfa, 100 Fcfa et 250 Fcfa, selon différentes catégories et leur disponibilité sur le marché. Les espèces les plus prisées sur le marché sont les rosiers, « les épines du Christ » ou encore le « Lantana camara », des arbres décoratifs très demandés. Certaines variétés, parmi les plus rares sur le marché, peuvent valoir jusqu’à 100.000 ou 150.000 Fcfa. La « palme d’or », dans cette catégorie, est remportée par le « Cycas géant » qui coûte la bagatelle de 250.000 Fcfa. Cet arbre, utilisé pour la décoration, a la particularité d’être doté d’un tronc court et d’un beau feuillage brillant.

Cette prolifération des espèces végétales a entrainé la multiplication des pépinières qui poussent comme des champignons en plusieurs endroits de Bamako. Les horticulteurs et les pépiniéristes sont estimés, actuellement, à près de 300 producteurs dans notre capitale, selon Lassina Diarra, le président pour la Commune III de l’Union régionale des sociétés coopératives des horticulteurs et pépiniéristes de Bamako.

Sékou Coulibaly et Salif Dembélé sont aussi membres de cette association. En 2000, ils ont fondé la pépinière « Ba Djoliba ». Les deux hommes emploient plusieurs jeunes apprentis, qui sont affairés à remplir les sachets en plastique usés de terre, pour contenir les plantes. Ici, en plus des arbres exotiques adaptés au climat du Mali, on propose aussi des espèces aux vertus médicinales. En effet, certaines variétés, telles que les « Aloe vera », les « feuilles glacées », le « Moringa » sont très prisées pour soigner ou prévenir certaines maladies.

Cependant, les ventes de plants d’espèces fruitières représentent le gros du chiffre d’affaire des producteurs. Ce marché est, particulièrement, boosté pendant l’hivernage. « A cette période de l’année, certaines personnes peuvent nous acheter un millier de plants de citronniers ou de manguiers, d’un trait, pour leur plantation », confie Sékou Coulibaly.

A l’analyse des chiffres avancés, on se rend compte que ce secteur peut être extrêmement porteur pour le Mali. « Nous étions à une prévision 80.000 plants, en 2019, pour la filière mangue au compte des producteurs de Bamako », relève Lassina Diarra. Il souligne que compte tenu de ce potentiel, notre pays exporte, chaque année, une grande quantité de plants de mangues vers d’autres pays comme le Sénégal, le Mozambique, le Gabon, etc.

INSTALLATION PRECAIRE – Malgré ce fort potentiel de productivité, les horticulteurs déplorent certaines difficultés majeures qui minent leur domaine d’activité. Notamment, la disparition de certaines espèces d’arbres, pourtant très présentes, il y a quelques années, du fait du changement climatique ou de la non qualification des jardiniers pour les entretenir. Il s’agit, entre autres, selon Daouda Sangaré, des espèces comme les « Acalyphas », les « Chapeaux de Napoléon » ou les « Queues de singe ». Le manque de valorisation et le caractère précaire et informel du métier sont aussi décriés par les horticulteurs. Et Salif Dembélé de déplorer la vision de certaines personnes qui pensent que « la vente de plants d’arbres est un métier encore peu valorisé ». « Souvent, elles nous prennent pour des errants ou des vagabonds », dit-il.

Toutefois, tous se réjouissent des formations dont ils ont bénéficié de la part des services étatiques et des partenaires étrangers. « Ces formations nous ont aidés à comprendre les techniques d’aménagement des espaces verts, la conversion des plantes, la reproduction de certaines espèces suivant les saisons », argumente Daouda Sangaré. Cependant, il regrette un manque de formation sur la réglementation du marché, l’hygiène et la sécurité dans la pratique.

A entendre ces pépiniéristes, la plus grosse épine dans leur pied reste la question de l’emplacement pour les plantes. Ils sont obligés de combiner la production et la vente sur les mêmes sites. Et la plupart d’entre eux sont exposés au déguerpissement, car, occupant des espaces publics.

« Les espèces d’arbres sur lesquelles nous travaillons sont tellement nombreuses que l’espace ne nous suffit pas. Notre plus grande préoccupation est de pouvoir bénéficier d’espaces aménagés pour faire notre métier », explique Sékou Coulibaly.

Il indique qu’en 2010, un projet du gouvernement, prévoyant des terrains vers l’aéroport pour en faire des sites de production, n’a pu se concrétiser à cause de la crise de 2012. « Aujourd’hui, nous menons notre activité, avec la peur du lendemain. A tout moment, les autorités ou les propriétaires des terrains peuvent nous faire déguerpir », s’inquiète l’horticulteur qui garde tout de même un grain d’optimisme : « nous rêvons qu’un jour, les décideurs nous donneront, à chacun, un hectare pour développer nos plantes. Ainsi, nous pourrons importer d’autres espèces et élargir le potentiel en espèces végétales de notre pays ».

MT/MD (AMAP)

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