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Horloger : Un métier en voie de disparition ?

Cette profession vit des jours difficiles parce que les clients ne se bousculent pas aux portillons des horlogers. Ceux-ci doivent se réinventer pour ne pas disparaître

La situation actuelle des horlogers est plutôt préoccupante et renvoie à des interrogations légitimes sur la possibilité de survie de cette profession dans notre pays. Au Mali une vision restrictive ramène les horlogers à la simple réparation des montres et autres pendules. Alors que Le Petit Larousse définit l’horloger comme une personne qui fabrique, répare et vend des montres.

Aujourd’hui, ceux qui évoluent dans ce métier vivent des moments difficiles. Ils ont l’impression, selon l’expression consacrée, de pisser dans un violon. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour au Grand marché de Bamako. Ce jour de novembre, le marché grouille de monde. Le trafic est dense. Automobilistes, motocyclistes et autres usagers de la voie se disputent le moindre espace pour sortir rapidement de la nasse.

Les coups de klaxon des voitures se mêlent aux cris des personnes, notamment des vendeurs à la sauvette de différents articles. Le tout dans une ambiance indescriptible. Aux environs de la Grande mosquée de Bamako, des horlogers installés dans un coin, se tournent les pouces. Tous s’accordent sur des difficultés actuelles de leur profession. La faute à une clientèle qui se fait toujours désirer. Issa Sissoko, les cheveux grisonnants, est un horloger. Vêtu d’une chemise bleue et d’un pantalon assorti, ce professionnel de l’horlogerie nous accueille avec le sourire affiché sur un coin des lèvres dans son petit atelier, où il est censé exercer son art. Il accepte volontiers de répondre à certaines interrogations sur le métier d’horloger et sans faire dans la langue de bois.

Il explique être en capacité de réparer des montres et autres pendules. Mais faute de clientèle, il se concentre plutôt à la vente des montres et à échanger quelques fois les piles. «Je n’ai même plus l’outillage nécessaire, à part un tournevis, pour exercer mon art», explique-t-il désabusé. Il n’apprécie guère de vivre une situation pareille qui se résume à la débrouillardise.

à quelques encablures des lieux, un homme trapu, au teint d’ébène, visiblement du troisième âge, a installé son étal sur lequel, on retrouve pêle-mêle des pièces de montres, notamment des vis, des cadrans, des remontoirs, des trotteuses ou aiguilles qui marquent les secondes dans une montre, des montres dont les vitres sont cassées, mais aussi des pièces de radios, entre autres. Celui qu’on appelle affectueusement tonton Diarra explique exercer ce métier d’horloger depuis 42 ans. Il s’empresse de préciser qu’il continue de le pratiquer simplement par passion mais aussi parce qu’il n’a pas d’autre alternative, sinon il n’y gagne quasiment plus rien dans cette profession.

Précarité. Avec les importations de montres de la Chine et qui sont cédées à des prix accessibles à la bourse du Malien moyen, les choses se sont compliquées pour les horlogers. Nos compatriotes ne se donnent plus la peine, en tout cas globalement, de réparer les montres. Il faut exercer ce métier pour comprendre la situation précaire que nous vivons, explique tonton Diarra. «Je ne trouve même pas une seule montre à réparer par jour.

Alors qu’auparavant, c’était une niche et on pouvait repartir à la maison avec une recette journalière de 5.000 Fcfa», relève le vieil horloger. Il rappelle la menace réelle qui pèse sur la profession qui, selon lui, est en voie d’extinction. Il estime que les horlogers finiront par se compter sur les doigts d’une main puisque beaucoup de gens ont abandonné ce métier par manque de revenus alors qu’ils doivent faire face à des charges familiales. «J’avais des collègues dans les environs de la Grande mosquée de Bamako. Mais tous ont disparu des écrans radar parce qu’ils ont compris que c’est, désormais, une perte de temps et d’énergie que de vouloir vivre de cet art».

En ce moment précis de notre entretien tonton Diarra comme pour lui dire de garder un peu d’espoir, l’iman Alou Cissé se présente avec sa montre pour y changer le bracelet. L’homme de foi explique que pour lui, c’est une question d’habitude de porter une montre, sinon il ressent un grand vide. «Je porte la montre par routine mais aussi pour me situer sur les heures de prière. Si celle, dont je viens de changer le bracelet s’arrête, j’en paierai une nouvelle» pour ne pas me compliquer la tâche.
Souleymane Ouédraogo, un vieillard de 76 ans. Il est horloger de père en fils. Il exerce cette profession depuis plus de 50 ans dans l’enceinte de sa famille à Bagadadji. Il explique clairement que le téléphone portable a nui au métier. Parce que ce moyen de communication est équipé d’un système destiné à donner les indications du temps, notamment l’heure, la minute, voire la date.

Il souligne même que c’est pour ça que nos compatriotes, à l’exception des connaisseurs, ne paient plus des montres prisées. Le vieux Ouédraogo exprime sa peur de voir disparaître ce métier d’horloger dans les années à venir, peut-être même un peu avant. Personne ne peut lui reprocher de s’inquiéter pour l’avenir de sa profession. Il évoque comme facteur le désintérêt de la jeune génération pour ce métier qui, surtout ne rapporte plus.

Dans ce contexte, la menace de disparition de la profession se précise de plus en plus. Il exhorte la jeune génération à avoir du regain d’intérêt pour ce métier et à le moderniser pour sa survie mais aussi pour que les horlogers puissent vivre de leur «science».

Cheick Oumar Traoré, la vingtaine, explique que dans le contexte actuel de l’évolution du monde, porter une montre relève de la frime. Ceux qui portent une montre au bras sont très souvent bien vus, pense-t-il. C’est un argumentaire qui peut tenir la route, si la montre est d’une certaine qualité.

Même s’il reconnaît l’utilité de la montre à bien des égards, il la porte pour regarder l’heure parce qu’il estime avoir son téléphone pour çà. Pour lui, il est clair que c’est pour vraiment frimer.
Les horlogers sont dans une situation précaire et s’interrogent sur la survie de leur métier. De plus en plus.

Baya TRAORÉ

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