“Vieux pédé”, “sale gay”… Entre gêne et provocation, les élèves tapent dans le mille quand Louis, homo et membre d’une association anti-homophobie venu témoigner devant leur classe de première, ouvre le débat en parlant du poids des mots.
“Mais… quand je dis pédé, c’est pas homophobe!”, assure Alexandre, élève dans ce lycée du centre de Paris, qui feint l’incompréhension tout en rigolant à l’idée de “parler à une tapette”.
Sans protester face aux mauvaises blagues, ricanements et autres embardées homophobes de la vingtaine d’adolescents présents, le bénévole de l’association Contact les interrompt de temps en temps pour questionner leurs préjugés, puis il les encourage à poursuivre sans mâcher leurs mots.
“Un couple, c’est un homme et une femme: Roméo et Juliette, tu connais?”, lui lance sur un ton bravache Samia, en jean et basket sous une longue jupe. “L’homosexualité, c’est une maladie dans le cerveau!”
Depuis cinq ans qu’il va dans les collèges et les lycées pour sensibiliser “la société de demain” contre l’homophobie, Louis dit percevoir une “régression des mentalités”. Selon lui, “les jeunes sont plein d’idées reçues, souvent en lien avec leur origine ethnique et la question religieuse”. “Mais même s’il n’y en a qu’un qui comprend le message, ça vaut le coup”, estime-t-il.
Devant les élèves, il explique: “être homosexuel, ce n’est pas une maladie, ça ne se guérit pas”. “Ce n’est pas un choix, c’est comme être gaucher”, tente-t-il d’illustrer.
“Bah alors, ils peuvent s’entraîner! C’est comme au foot, si on s’entraîne à tirer du pied gauche, on tire aussi bien que du pied droit”, en déduit rapidement Mohamed.
“Les jeunes ont besoin de ces débats pour se rendre compte que dans la réalité, les choses ne sont pas si simples et que leur vision de la société est extrêmement stéréotypée”, soutient l’infirmière scolaire.
– “Je ne devrais pas exister” –
Et si un de leurs amis leur révélait son homosexualité?
“Je lui dirais +va-t’en!+”, tranche Armand. “Ce serait dur à accepter parce que j’aurais l’impression de ne pas le connaître, mais je ne pourrais pas le bannir juste comme ça”, tempère Mélina.
En retrait sur son siège, enveloppée dans son manteau, Mathilde reste soigneusement à l’écart du débat. A tout juste 16 ans, elle vient de vivre ses premières expériences homosexuelles et d’essuyer les premières attaques homophobes de ses camarades.
“Ils m’ont dit que je ne devrais pas exister”, confie-t-elle en aparté, à la fin de l’intervention.
Pour mettre fin aux rumeurs et aux pressions des autres élèves, elle a décidé de mentir. Elle s’est inventée une vie “comme tout le monde”, qu’elle rend crédible en l’affichant sur les réseaux sociaux.
“Quand j’ai mis sur mon profil que j’avais un copain, les gens de ma classe sont revenus me parler. C’est mieux comme ça. Je ne veux juste pas que ça recommence”, dit-elle avant de rejoindre le reste du groupe.
Selon le Mouvement d’affirmation des jeunes gais (MAG Jeunes LGBT), 80% des élèves qui ont participé à une intervention de sensibilisation de ce genre en milieu scolaire ont compris la différence entre genre et orientation sexuelle. “Mais depuis la rumeur sur la théorie du genre, nous avons eu pas mal d’annulations”, regrette Marine Souffrin, responsable éducation de cette association.
Accusées d’aller dans les écoles pour encourager l’homosexualité, les associations LGBT ont été prises à partie dans la polémique lancée par des mouvements d’extrême droite, opposés aux opérations de lutte contre les stéréotypes filles-garçons à l’école, sur l’introduction d’une prétendue théorie du genre dans l’enseignement.
“Depuis, les chefs d’établissement ne veulent pas faire de vagues et les parents d’élèves font pression, mais nous ne baissons pas les bras”, dit Marine Souffrin.
© 2014 AFP