Le Repère : Partagez-vous la façon dont les opérations de déguerpissement se déroulent dans le district de Bamako ?
Hama Abba Cissé : Par rapport à la situation que nous vivons actuellement, à savoir le déguerpissement des voies publiques, nous n’avons pas dit que nous sommes d’accord ou pas.
On a dit qu’on n’a pas été consulté. Jusqu’au jour d’aujourd’hui (vendredi dernier, ndlr), je n’ai pas encore rencontré le gouverneur, ni le maire encore moins une quelconque autorité. On a tenu une réunion au Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) au cours de laquelle, on a clairement dit qu’on n’a pas été consulté dans le cadre du déguerpissement.
Dans ce cas, on ne peut pas donner notre avis sur la question. Le déguerpissement a commencé sans que nous soyons avisés. Certains disent avoir été consultés, mais, moi personnellement non jusque-là.
Qu’est-ce que vous reprochez aux autorités ?
Nous reprochons aux autorités le manque de concertation. Dans toute chose d’intérêt public, il faut qu’on se concerte. C’est important pour l’intérêt supérieur de la nation.
Il y a certains commerçants qui demandent l’arrêt des opérations. Que dites-vous ? Evidement ! Il faut arrêter les opérations en attendant qu’on se concerte, qu’on trouve une formule. Parce qu’il y a des millions de gens qui sont sans abris et d’autres au chômage. Il y a des jeunes diplômés, des partants volontaires, des femmes…
Tout le monde est concerné par cette affaire de déguerpissement d’une manière ou d’une autre. Chaque famille malienne y perd quelque chose. Vraiment le déguerpissement a été très dur. Parce que chacun de ces victimes a une famille à prendre en charge qu’ils soient à Bamako, dans les villages ou dans les hameaux.
Avez-vous déjà fait l’inventaire des dégâts ?
Maintenant, il y a une commission qui a été mise en place pour recenser les victimes et évaluer les dégâts et surtout les pertes au niveau des six communes du District de Bamako. Cette commission a commencé à travailler depuis le jeudi dernier (11 Août, ndlr). Après, on verra ce qu’il y a lieu de faire.
Pouvez-vous nous donner une estimation chiffrée des dégâts causés par l’opération?
Je ne peux pas le dire pour le moment. Mais, ce sont des milliards en l’air… Ce sont des milliards perdus.
Est-ce qu’il y a déjà des initiatives en cours ?
Les initiatives, c’est la création des commissions qui ont pour mission de gérer cette crise. Ils sont au nombre de quatre : les commissions de communication, d’identification, des textes et de recensement et évaluation. Maintenant, le problème qui se pose, c’est que les gens sont impatients. Jusque-là, ils ne voient aucune issue. Nous n’avons pas de place pour héberger les déguerpis. Nous avons demandé à ce qu’on nous donne des bâtiments administratifs pour l’hébergement de certaines personnes. Mais, jusqu’à présent, rien comme réponse. On ne sait même plus où se trouvent certains commerçants déguerpis. Il faut que l’Etat nous donne au moins deux ou trois bâtiments pour calmer la situation afin de permettre aux victimes de continuer leurs travaux.
Il y a la fête de Tabaski qui va arriver bientôt, il faut que les gens puissent mener leurs activités quotidiennes pour subvenir à leurs besoins vitaux. Donc, il faut trouver une solution d’urgence pour héberger les victimes avant la fête. Cela pourrait au moins apaiser la situation avant de trouver une solution définitive à cette crise. C’est un problème très grave que l’Etat doit gérer avec beaucoup de responsabilités. Et nous aussi, de notre côté, nous prendrons toutes les dispositions pour que ça soit stable.
Avez-vous déjà pris des mesures à votre niveau ?
A notre niveau, nous sommes en train de voir avec les sous-commissions comment faire face à la situation. C’est dans ce sens qu’on a été au niveau du CNPM. Et le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) a fait appel à tous les groupements et associations de se joindre à lui pour voir ensemble quelle issue trouver à ce problème dans le cadre du dialogue et la réconciliation. C’est pour cette raison que tout le monde est revenu ici. Toutes les associations se sont regroupées au sein de cette commission qui se trouve actuellement à la CCIM.
Que pensez-vous des victimes qui voudraient saisir la justice ?
Je crois que c’est leur droit le plus absolu d’intenter une action en justice. S’ils se sentent lésés dans leurs droits, ils devraient attaquer l’Etat en justice pour être dédommagés. Je suis vraiment pour cela.
Et si vos revendications ne sont pas satisfaites ?
On est obligé de retourner à la base pour dire que nos revendications n’ont pas été satisfaites. Et c’est à la base de décider par la suite les actions à entreprendre. Mais, nous préférons que ce soit dans la concertation et le dialogue. Le bras de fer n’arrange personne, ni l’Etat, ni les commerçants encore moins les populations.
Réalisée par Ahamadou Touré
Source: Le repère