La décision ordonnant une enquête indépendante sur les allégations de favoritisme et de clientélisme portées contre le président de la BAD ne passe visiblement pas. , le 26 Mai 2020, du bureau du Conseil des gouverneurs de la BAD.
Le Nigeria, dont le ressortissant est visé par cette enquête décidée le 26 Mai dernier par le Bureau du Conseil des Gouverneurs, a lancé une contre-offensive pour sauver le poste et laver l’honneur de son compatriote, candidat à sa propre succession. Selon mes sources, le dossier est géré directement par le président muhammadu buhari en personne, mais c’est un de ses prédécesseurs –le très influent Olusegun Obasanjo dont on vante la qualité du réseau d’influence en Afrique- qui est le deus ex machina, le maître à penser, de toute la stratégie nigériane.
Cette stratégie est clairement définie et les éléments de langage bien travaillé. Il s’agit pour les Nigérians de d’attiser la fibre africaine : « Les puissants pays occidentaux veulent nous imposer leur diktat dans une institution Africaine ». L’enquête indépendante a en effet été demandée par les USA appuyé par les pays nordiques. Pour ce qui est des éléments de langage, il s’agit de répéter sans cesse le caractère non-statutaire de « l’audit indépendant », un outil qui n’est pas prévu par les textes de la BAD, martèlent les Nigérians.
Le personnel de la Banque Africaine est divisé en pro-Adesina et en anti-Adesina. Personne n’ose évoquer cette affaire dans les locaux de la BAD où je me suis rendu la semaine dernière. Certains vont même jusqu’à imaginer que le président incriminé, Akinwumi Adesina, ait mis toutes leurs communications sur écoute et truffé les locaux de micros.
Les critiques sur la gestion et les suspicions de favoritisme à l’égard du président de la BAD ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà, dans une note confidentielle adressée aux administrateurs le 11 Mai 2018, Moussa Dosso, alors administrateur représentant la Côte d’Ivoire, relevait de sérieux de manquements dans la gestion du Nigérian. M. Dosso, expert-comptable et actuel ministre des ressources animales et halieutiques de la Côte d’Ivoire citait, pour illustrer des pratiques de favoritisme, le cas de Mme Akin OLUGBADE qui, outre d’être Nigériane, appartient à la même ethnie Yoruba que le président de la BAD. Bombardée directrice régionale avec un salaire colossal alors qu’elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir le poste, la Nigériane n’a jamais rejoint son lieu d’affectation à Abidjan. Et pendant deux ans, elle a travaillé depuis le Nigeria, avec de très onéreuses missions en Côte d’Ivoire, aux frais de l’institution. L’actuel ministre ivoirien relevait aussi des attributions de plusieurs marchés de gré à gré portant sur plusieurs millions de dollars, en violation des règlements de la Banque.
En quelques jours d’investigation et malgré les entraves rencontrées, j’ai pu rassembler plus de 230 pages de documents confidentiels et notes internes qui conduisent, parfois, à des conclusions contradictoires sur les mêmes faits. C’est la preuve de la complexité du dossier, ou plutôt de techniques de brouillage de pistes bien pensées. Je ne voudrais tirer aucune conclusion à ce stade de mon investigation, mais on peut tout de même s’interroger sur la stratégie du Nigeria dont l’objectif avouer est d’empêcher l’enquête indépendante contre son compatriote. La logique voudrait pourtant plutôt qu’elle soutienne un audit indépendant qui laverait son compatriote de président de tout soupçon de mauvaise gestion et de malversations. D’où la question en Une d’un journal Ivoirien ce mardi : Qui a peur de l’enquête privée ? Je publierai les résultats de mon enquête la semaine prochaine, insh’Allah…
Ce qui est vrai, est vrai !
Nota : La BAD compte dans son actionnariat 81 pays, dont 54 Africains et 27 non-Africains. L’Afrique représente 58,78% des actions de la Banque. Elle dispose d’un effectif de 2000 employés répartis entre le siège à Abidjan et les représentations extérieures, en Afrique et ailleurs dans le monde.