L’atmosphère de défiance qui existe entre le Président-directeur général de la Pharmacie populaire du Mali et une partie du personnel dont des cadres et responsables syndicaux relevés de leurs fonctions, trouve son fondement dans la gestion du Fonds social de cet établissement public. Le dossier est actuellement au niveau du Pôle économique et financier du tribunal de la commune III du district de Bamako, suite à un audit qui a relevé des fautes graves de gestion sur lesdits fonds.
En vertu des dispositions de l’article 5 de la loi 93-032 du 11/06/1993 érigeant la Pharmacie populaire du Mali en Etablissement public à caractère industriel et commercial (Epic) et de son décret d’application n°93-240, un fond social a été créé en son sein pour améliorer les conditions sociales des travailleurs et des membres de leurs familles en participant à toutes les actions sociales et économiques profitables aux travailleurs de l’Etablissement.
Ce fonds est alimenté par le prélèvement de 5% sur les bénéfices nets de l’exercice, en plus de toutes autres ressources provenant notamment des dons, legs, subventions, produits de manifestations, cotisations ; les loyers du jardin d’enfants loué aux tiers et les loyers de la cantine.
Mais pourquoi donc une initiative si noble poserait-elle autant de problèmes que ce qui se passe actuellement à la Pharmacie populaire du Mali ? La question vaut son pesant d’or.
Selon nos investigations, le Président-directeur général aurait refusé de signer une décision de prise en charge, à titre exceptionnel, de 11 membres du personnel pour le pèlerinage à la Mecque sous le prétexte qu’ils doivent aller à la retraite à la fin de l’année 2018. Depuis lors, les syndicalistes ont décidé d’aller en grève et ont greffé aux griefs l’annulation d’une décision les concernant parce qu’ils ont été relevés de leurs fonctions suite à un audit dudit fonds social, suivi d’une plainte de la Direction générale devant le Pôle économique et financier.
En d’autres termes, selon la plainte déposée par la Direction générale de la Ppm devant le Pôle économique et financier et dont « Le Sphinx » a copie, il est reproché aux gestionnaires du fond social d’avoir « enfreint , dans la gestion du fonds social de la Ppm, les dispositions légales et règlementaires, notamment le Décret numéro 148/ PG-RM fixant les modalités de gestion et de financement du fonds social des Entreprises nationales et le Règlement intérieur dudit fonds, entre autres par complicité et par incurie de nature à affecter la situation et le développement économique du Fonds social et de la Pharmacie populaire du Mali pour avoir, en tant que cogérants laissé les fonds sociaux, sans surveillance, à la disposition de l’un ou de l’autre, chargé de la gestion financière et détourné lesdits fonds à des fins contraires à l’intérêt du Fonds social et de la Pharmacie populaire du Mali ; notamment par défaut de consultation du Conseil d’administration du Fonds dans les dépenses pour lesquelles l’intervention de celui-ci est nécessaire ; le tout reposant sur les décisions secrètement personnelles de dépenses importantes sans concertation préalable avec le Conseil d’administration du Fonds social ».
Messieurs Bakary Tangara et Guédiouma Dao visés par une plainte
Cet audit, précisons-le, a concerné la gestion des dépenses sur le fonds social de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Les constats des auditeurs révèlent, entre autres, qu’ils n’ont trouvé aucun procès-verbal attestant une réunion du conseil d’administration du fonds social, le non-respect des conditions de prêt à accorder au personnel, le comité de gestion normalement élu pour trois ans avait dépassé son délai de validité de sept mois, aucun état financier n’est validé ou certifié par les commissaires aux comptes.
Plus grave, les prélèvements des précomptes doivent faire l’objet d’un virement automatique sur le compte du fonds social, alors que cette somme est prise directement au niveau de la caisse centrale de la Ppm et n’est pas reversée automatiquement dans le compte du fonds social, ce qui rend la traçabilité difficile.
Il a été aussi constaté que les ressources du fonds social sont utilisées à des fins autres que celles prévues par le règlement intérieur. Il s’agit des bons accordés à certains employés de la PPM dont le mode de remboursement échappe non seulement au comité de gestion, mais aussi au conseil d’administration ; le paiement des assurances au profit de certains cadres n’est pas aussi prévu par le règlement intérieur.
Par ailleurs, aucune procédure de décaissement n’est mise en place par les commissaires aux comptes. De ceci il résulte que les auditeurs n’ont pu reconstituer l’ensemble des opérations de la caisse faute de pièces probantes et surtout par manque de traçabilité des opérations.
Il faut préciser que pour l’année 2016, l’analyse des opérations a prouvé que 40% des dépenses du fonds social ne figurent pas dans le règlement intérieur. Il s’agit des honoraires payés à un avocat, de bons au profit du personnel, d’allocation de départ à la retraite et de prise en charge de pèlerinage.
Justement, au moment où la prise en charge illégale de pèlerinage est dénoncée par les auditeurs et que le dossier suit son cours au niveau du Pôle économique et financier saisi de ce dossier, on ne peut quand même reprocher au Président-directeur général de refuser de signer une décision de prise en charge de 11 personnes pour un pèlerinage à la Mecque au titre de l’année 2018.
Il faut rappeler que le Président-directeur général sortant avait fait de ce fonds social une tontine à ciel ouvert, en acceptant de se voir attribuer la somme de 3 millions de nos francs au titre du fonds social, sans pour autant effectuer ledit pèlerinage. Faut-il continuer à gérer nos fonds publics de la sorte ?
N.S.
Source: lesphinxmali