Le cinquième round des négociations n’a pu fléchir la position des syndicats, en dépit des six points d’accord qu’ils ont pu obtenir de l’Etat
« En tant qu’ancien leader syndical, je n’aurais jamais imaginé, dans la lutte syndicale, qu’un syndicat peut obtenir six points de revendication, sur un total de dix, et ne pas considérer cela, comme une avancée significative pour, ne serait-ce que donner plus de chance au dialogue social de se perpétuer, suspendre son mot d’ordre de grève ». Ce cri de cœur lancé par le président de la Commission de médiation gouvernement-syndicats d’enseignants, signataires du 15 octobre 2016, en dit long sur l’amertume d’une bonne partie des acteurs ayant participé à ces dures et longues négociations, interminables, entre les deux partis, et qui se sont déroulées pendant plus de huit heures d’horloge, du matin, de ce vendredi 8 mars, jusqu’aux environs de 19 heures.
C’est donc peu dire que les discussions ont été houleuses sur les trois points de désaccord qui sont revenus sur la table de négociation, à la ferveur de ce sixième round d’observation, avec la participation de deux membres du gouvernement; Mme le ministre du Travail, de la Fonction publique, chargé des rélations avec les Institutions, Racky Talla Diarra, maitre d’œuvre de ces négociations, et son homologue de l’Education nationale, Abinou Témé. Lesquels ont dû déployer un trésor d’énergie, en compagnie de leurs collaborateurs respectifs, pour convaincre les grévistes à suspendre leur mot d’ordre. Pour permettre le retour de l’accalmie dans l’espace scolaire, après près d’un mois d’arrêts incessants de cours, synonyme, de ce fait, d’un ultime sauvetage de l’année scolaire.
Ils n’étaient pas les seuls à appeler à l’accalmie: les membres de la commission : parents d’élèves et anciens syndicalistes reconnus, se sont eux-aussi débattus, comme des beaux diables auprès des syndicats grévistes pour qu’ils entendent raison. Dans le seul souci de ne pas contrarier la scolarité de milliers d’enfants du pays, sevrés du droit d’éducation, depuis plusieurs semaines, à la suite d’arrêts répétés et prolongés de cours.
Et pourtant, à l’issue de ces négociations, les syndicats ont eu gain de cause sur six points de leurs revendications, sur un total de dix. C’est le cinquième round de négociation qui vient ainsi de s’achever, entre les deux parties, sous le regard bienveillant d’une commission de conciliation qui a multiplié, sans succès, auprès des représentants syndicaux des initiatives, visant à les faire ramener à de meilleurs sentiments avec l’argument de taille comme quoi l’école, compte tenu de la sensibilité et la complexité des défis, ne peut s’accommoder d’une revendication jusqu’auboutiste.
A y regarder de près, l’attitude des grévistes, selon plusieurs sources, est assimilable à « un pas en avant et deux pas en arrière », comme on le dit dans une négociation qui ne bouge pas. En fait, compte tenu du caractère historique de la prime de documentation qui n’existait pas, et qui vient d’être accordée, les syndicats d’enseignants avaient clairement annoncé qu’ils abandonnaient la prime de logement et même celle des examens s’ils obtenaient par bonheur cette fameuse prime de documentation.
La suite, on la connait: il fallait l’octroi de la prime de documentation, qui va de 60. 000 FCFA, à 15.000, en passant par 50.000 et 40.000, selon les catégories, pour voir les syndicats grévistes revenir sur leurs propres promesses sur les points à abandonner, comme rien n’avait été fait. Il n’en fallait pas plus d’ailleurs pour que de nombreux observateurs voient dans le comportement des syndicalistes une intransigeance jusqu’auboutiste qui risque de casser le système éducatif en mille morceaux.
Dans la salle des négociations, l’un des membres de la commission s’est même écrié, face à cette intransigeance des grévistes, pour dire que le syndicat, au-delà de son caractère revendicatif, en tant que pilier du système éducatif, doit s’évertuer à ne pas le briser. Il y a mille chances à ce qu’il ne soit pas entendu par les grévistes qui ont continué à ne pas bouger sur les trois points de désaccord.
Au cours de ces discussions, il a été clairement annoncé, selon des sources proches de ces négociations, que l’Etat ne saurait aller autrement au-delà de qui est aujourd’hui appliqué, s’agissant des points de désaccord, à cause de leur forte incidence financière, au risque de perturber le paiement régulier et correcte des salaires. Pour la prime de logement, depuis 2014, un décret accorde à tous les agents publics une augmentation substantielle. Le fait que les syndicats ont refusé toute autre proposition de l’Etat, comme la facilitation des parcelles à usage d’habitation et du crédit bancaire y afférent, pour ne viser que de la liquilité, a été un point de blocage insurmontable. Et cela, dans l’étonnement général des médiateurs qui ont eux-mêmes initié ces mesures alternatives, sur lesquelles l’Etat s’était bien engagé à les examiner dans l’intérêt exclusif des enseignants.
Eh bien! Ce n’était pas l’aval des syndicats grévistes qui ont remis ça. Au finish, le cinquième round des négociations n’a pu fléchir la position des syndicats, en dépit des six points d’accord qu’ils ont pu obtenir de l’Etat.
C’est donc tout naturellement que de nombreux acteurs de ces négociations, y compris les membres de la commission, ont déploré le jusqu’auboutisme syndical de ces grévistes qui auraient, selon l’entendement général, pu, au nom des vertus de dialogue social entre partenaires, entendre les justes arguments de la partie gouvernementale, fondées sur les difficultés financières actuelles du pays, dont nul n’ignore, pour suspendre leur mot d’ordre de grève.
Hélas! Ce ne fut pas le cas: comme l’a déploré l’un des négociateurs, de surcroit ancien leader syndical, c’est dommage qu’on a à faire à de nouvelles générations de syndicalistes dans nos pays ».
Signe des temps, dira-ton.
Hamdy Baba
Source: Le 22 Septembre