Depuis un certain temps, une crise de confiance s’installe entre les autorités nationales et les syndicats de l’éducation plongeant l’école malienne dans un chao général. Le lundi dernier, les deux parties réunies en séance de négociation sous la houlette d’une commission nationale de conciliation se sont séparées sans parvenir à un accord. Toute chose qui a occasionné une marche pacifique ce mercredi 11 mars 2020, à l’intérieur du pays et à Bamako où la manifestation a vite dégénéré lorsque les enseignants ont voulu aller au-delà de leur itinéraire préétabli. Cet événement marquera certainement un tournant décisif dans le combat des enseignants pour l’application stricte de l’article 39 de la loi n° 2018-007du 16 janvier 2018.
Au sein du monde enseignant qui nourrissait déjà une haine viscérale vis-à-vis des autorités nationales, la colère est à son comble. Cette attitude des enseignants a été souvent extériorisée par des mots très durs, sur les réseaux sociaux. « Le Gouvernement de Mission est devenu le Gouvernement de Répression. Malgré tout, les Enseignants vaincront » ; « Sans l’application intégrale de l’art. 39, rien ne nous arrêtera, car on est déterminé comme Allemagne nazie. Vive la synergie ! » ; « J’invite tous les enseignants au boycott des élections législatives prochaines » ; « Boubou Cissé vient de signer son départ. » ; « La violence appelle la violence. Les forces du désordre, allez-y maintenir l’ordre au centre et au nord. » ; « Nous condamnons avec la dernière rigueur la répression policière à l’encontre de nos collègues enseignants marcheurs de Bamako. » ; « Seule la lutte libère »…
Deux jours avant la marche dispersée de ce mercredi, le gouvernement avait invité les enseignants ‘’au patriotisme’’ estimant que budget national n’était pas en mesure de supporter le coût financier de l’application stricte de l’article 39. Il n’en fallait pas plus pour susciter la colère des responsables syndicaux du Collectif des enseignants du Mali (CEM), qui estiment qu’au lieu ‘’de jeter par la fenêtre l’argent du contribuable malien dans l’organisation des législatives sans lendemain’’, la prise en charge de leur doléance devrait plutôt être prioritaire.
Doit-on sacrifier ces législatives pour la prise en charge de la revendication d’une corporation syndicale ? La question mérite d’être renvoyée au peuple souverain.
Dans son argumentaire, la partie gouvernementale a attiré l’attention de la Commission de conciliation et des syndicats signataires du 15 octobre 2016 que l’application de l’article 39 engendre une incidence financière de plus de 58 milliards de FCFA. Le gouvernement a estimé qu’à cause de la situation sécuritaire et financière, toute augmentation au-delà de la proposition de 1 100 en 2020 et de 1 200 en 2021 n’est pas soutenable et aura, sans nul doute, des effets collatéraux très dangereux pour le pays.
La Commission de conciliation a proposé au Gouvernement d’accepter cumulativement : à donner, au moins trois mois de salaire, au titre de l’année 2019 ; d’accorder l’indice plafond 1100 en 2020 et l’indice plafond 1200 en 2021 ; de discuter, en 2021 de la prise en charge de l’article 39 dans le temps.
Le Gouvernement évalue cette autre proposition à plus de 80 milliards FCFA, donc plus que le coût de l’application de l’article 39. Ce faisant, elle n’est pas supportable.
Les syndicats, pour leur part, ont expliqué que si les 80 milliards dépassaient ce qui est demandé que le Gouvernement accepte l’application de l’article 39 avec l’incidence financière que cela peut engendrer.
Dès lors, c’est un dialogue de sourds qui s’installe entre le gouvernement et les syndicats au grand désespoir de la commission, des parents d’élèves et des élèves.
Comment instaurer ce climat de confiance tant indispensable entre les deux parties pour sortir l’école de ce chao qui fait déjà des vagues ? En tout cas, l’école malade, depuis deux décennies, va de mal en pis. La crise sécuritaire, qui a mis de milliers d’enfants dans la rue conjuguée à ces grèves perlées des enseignants bouchent toute perspective d’avenir au Mali pour les prochaines décennies. Désormais, les ténèbres qui chassent la lumière dans le Mali du Président Ibrahim Boubacar KEITA qui a promis en 2013 de restaurer « l’honneur du Mali pour le bonheur des Maliens » en mettant le Mali au-dessus de tout.
Par Sidi DAO
INFO-MATIN