« L’Afrique ne se développera jamais tant que les Africains, eux-mêmes ne s’impliquent pas… »
Expert préventionniste en Sécurité, Chef de Division des Études à la Direction Générale de la Protection Civile du Mali, le Lieutenant-Colonel Sapeur-pompier, Ousmane Samaké dit HERZ Baba Cool est un romancier, poète, slameur et musicien. Passionné des écrits dès son plus jeune âge, l’auteur est animé par l’aventure et le voyage. Il a séjourné dans plusieurs pays tels que la France, l’Algérie, le Ghana, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, et d’autres… ‘’L’aventure mystérieuse de Fagnouma’’ suivi de ‘’l’Académie Africaine’’, publié aux éditions EDILIVRE en France, recrée l’atmosphère d’une époque disparue. Votre Journal est allé à sa rencontre pour un entretien sur son livre et la condition actuelle de l’Afrique.
Le combat : Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre ouvrage ?
Ousmane Samaké : Bonjour, mon livre dont je viens de publier en France, en mars dernier, s’intitule ‘’L’aventure mystérieuse de Fagnouma Suivi de L’académie Africaine’’. C’est la collection de deux (02) ouvrages. La première partie est un roman d’aventure et la deuxième partie est un nouveau genre littéraire « Roman-Conte ». Le roman d’aventure expose le récit de la vie de Fagnouma qui se bat pour montrer sa bravoure, en cherchant le bonheur de sa famille.
Quelle explication donnez-vous à ce nouveau genre littéraire que vous avez créé ‘’roman-conte’’ ?
Le terme ‘’Roman-Conte’’ est un néologisme qui n’existe pas d’abord dans la langue française. Ce style d’écriture qui est fidèle à ma manière de narrer. C’est le deuxième volet de mon ouvrage. C’est la fusion deux genres littéraires : le Roman et le Conte. L’écriture c’est un Art et un Art est un talent, une création, un style. Rien ne m’oblige à écrire comme les ainés ou comme l’autre au bout du monde ; j’ai ma propre nature et mes écrits sont le fruit de ma propre personnalité. Au lieu de raconter, les contes successivement, 1 : il était une fois… ; 2 : il y a très, très longtemps… ; mais pourquoi ne pas recréer l’atmosphère d’une époque qui a tendance à disparaitre, sous nos plumes ? C’est pourquoi, j’ai eu l’idée de toucher le cœur des vieux et l’actuel ouvrage va leur rappeler leur enfance, tout en véhiculant un message aux enfants. J’ai eu l’habitude de lire dans les livres français : Roman autobiographique, Roman historique, Roman policier… mais je n’ai vu dans aucun texte littéraire “Roman-Conte”. Le roman est un genre littéraire à part, tout comme le conte. En effet, le “Roman-conte” est un récit imaginaire mettant en scène un personnage fictif qui, arrivé au terme de la sagesse raconte les “N’ZIRIS”, pas aux lecteurs, mais aux personnages du roman.
Comment jugez-vous le personnage de Fagnouma dans votre livre ?
Fagnouma veut dire en Bambara ‘’Bon Père’’ Fa qui veut dire Père et Gnouma Bon. Je veux transmettre par le nom et l’attitude du personnage de Fagnouma la bonté, l’amour pour son prochain, la résilience, l’espoir, la réussite, l’union, la solidarité, le respect, l’intelligence, la détermination et la persévérance… Fagnouma est l’incarnation du bien sur le mal.
À la lecture de votre ouvrage, le lecteur croise très souvent des mots en bambara, d’où votre volonté de bambariser le français. D’où tirez-vous cette inspiration ?
C’est l’amour de ma culture qui m’a inspiré à bambariser le français et à écrire les valeurs maliennes tout au long de mon livre. J’aime ma culture, je suis africain, un Malien bambara. Jamais de la vie, je ne peux être une autre personne si ce n’est pas un descendant de « Djitoumou Balla » qui était un grand connaisseur de la tradition Africaine. Je veux être authentique dans mes écrits ; je suis bambara, je pense en bambara, je dors en tant qu’un bambara et le matin quand je me réveille je salue mes parents dans la langue bambara ‘’AW NI SOGOMA N’FA…N’BA…’’ Bonjour papa et maman.
En tant qu’écrivain, en écrivant cet ouvrage, c’est en pensant dans ma langue maternelle que je suis arrivé à écrire cet ouvrage, ce qui justifie même cette innovation dans mon livre ‘’La Bambarisation du Français’’. La Bambarisation qui est un nouveau mot qui n’existe pas d’abord dans le dictionnaire français. C’est un concept, une vision, un style d’écriture dans la langue française tout en valorisant la culture, les us et mœurs maliens. C’est la transcription du Bambara en Français. Pour moi le chemin de développement de l’Afrique passe la valorisation de nos cultures, c’est le seul moyen. Et cette culture passe par nos langues maternelles ; valorisons et industrialisons la culture malienne si nous voulons que le Mali se développe.
Selon vous, l’Afrique est une grande forêt qui manque d’entretien. Alors quelle solution proposez-vous pour que le berceau de l’humanité ait une bonne saison ?
Je pense que nous devons nous unir comme font les autres continents, tout commence par l’union. Nous devons nous accepter, nous-mêmes. Je veux dire par là en valorisant nos propres cultures, us et coutumes, en mettant en valeurs nos propres produits. Aucun pays ou aucun continent ne peut se développer sans ses propres valeurs. La preuve en est que quand un colonisateur vient pour coloniser, la première des choses c’est d’imposer sa langue. Et c’est pourquoi certains pays jusque-là, conscients de la force et de la puissance de la langue, organisent chaque année, La Journée Internationale de leur langue. Ce qui me fait rappeler l’histoire de la Tour de Babel. L’Afrique a participé au développement des autres continents activement, en passant par l’esclavage, la colonisation, les coopérations. Mais je doute fort si ces continents vont faire un retour, un jour, pour que l’Afrique puisse se développer. Ces continents nous donnent du poisson et non de nous apprendre à pêcher. Nous devons nous organiser, développer notre propre géopolitique, non de mettre du feu à nos pays à chaque fois.
L’Africain est un explorateur qui dort sur une mine d’or, mais qui ne se rend pas compte de l’existence, pour reprendre vos propos, vous pensez que l’Afrique peut s’en sortir sans l’aide de personne ?
Un adage bambara dit : ‘’aidez-moi à tuer ce lion, cela doit trouver que la tête de ce lion est entre tes propres jambes’’. L’Afrique ne se développera jamais tant que les Africains, eux-mêmes, ne s’impliquent pas. Le continent africain regorge de toutes sortes de richesses. Nous avons de l’or, du diamant, de l’uranium, du phosphore, du pétrole, du charbon, du coton, du cacao, du gaz, etc. Premier fournisseur des pays européens et asiatiques en matières premières, mais c’est le continent le plus pauvre de la planète. L’Afrique n’a besoin de personne pour se développer. La preuve en est que le plus riche de tous les temps était un Africain, plus précisément un Malien, l’empereur Kankou Moussa. Il fallait juste, encore, de grands hommes comme Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi, Patrice Lumumba, etc., mais hélas, l’Afrique s’est trahie, elle-même, et a enterré ses meilleurs fils.
Amadou Hampâté Bâ qualifia un vieillard africain de bibliothèque, mais vous, vous allez au-delà de cette pensée en le comparant à une Académie. Ne pourrions-nous pas mettre en valeur notre intelligenc
e au service du développement ?
C’est à partir de l’idée de la citation d’Amadou Hampâté Bâ que j’ai comparé, moi aussi, un vieillard africain à une Académie. C’est juste une manière de donner plus de raison à Hampâté Bâ, de justifier son proverbe, en donnant plus de qualifications aux vieillards Africains. Comme vous le savez, une bibliothèque est un édifice destiné à recevoir la collection des livres ou documents qui peuvent être empruntés ou consultés. Par contre, une académie est une société savante dont les membres se consacrent à une spécialité : des lettres, des arts, des sciences, etc. En effet, cette citation d’Amadou Hampâté Bâ m’a beaucoup marqué depuis l’enfance, c’est pour cela que je ne pouvais un écrire un livre sans lui rendre hommage. Pour répondre à votre question concernant notre intelligence au service du développement ; je dirais tout simplement que nous mettons en valeur notre intelligence, mais de façon différente et parallèle, parfois égocentrique.
Quel est votre genre littéraire préféré ?
Mon genre littéraire préféré est la poésie ; j’aime la mélodie des vers. Au moment de solitude, de mélancolie, d’angoisse, de cris ; quand les larmes inondent les yeux, c’est la poésie qui me soulage ; c’est le remède à mes maux. La poésie est ma seule case de refuge, un endroit de me défouler. C’est là où je peux tout dire, tout faire, tout imaginer sans le mauvais œil et sans conflit. C’est grâce aux vers que j’ai trouvé mon chemin. Le chant de la poésie me donne de l’espoir, la force pour avancer. À chaque fois que j’écris un poème, je me sens libéré de mes fardeaux.
Avez-vous d’autres projets d’écriture en cours ?
Oui j’ai d’autres projets d’écriture en cours ; mon deuxième livre est en voie de publication dans une autre maison d’édition française dont j’ai même signé le contrat de publication. Ce livre s’institue : ‘’La tête se rase, mais pas sa destinée’’ dans trois mois ce livre sera publié en France Inchallaou et sera disponible sur toutes les plateformes de ventes en versions papier et numérique. J’ai également écrit un troisième livre qui s’intitule : ‘’ Une princesse pour trois amis homonymes’’. Dans les jours à venir, je compte monter un grand projet autour du livre. Ce projet va être unique dans son genre qui va regrouper les écrivains maliens et les artistes musiciens maliens ; tous autour d’un même objectif, la valorisation de la culture malienne.
Quel sera votre dernier mot ?
Je tiens d’abord à remercier Dieu, le tout puissant. Mes sincères remerciements à mon père Colonel Bah SAMAKE Gendarme à la retraite et à ma mère Salimata DOUMBIA. Je salue ma femme depuis New York avec ma petite princesse et mes autres enfants. Je remercie toute ma famille, mes collègues, mes amis, vous-même et toute votre équipe sans oublier mes lecteurs et lectrices, car sans eux je ne suis pas écrivain.
Interview réalisée par Moriba DIAWARA
LE COMBAT