De sources bien introduites, le désormais ex-ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Tiéna Coulibaly était devenu un obstacle à la gestion des affaires publiques en cette période où les urgences se bousculent. Cet homme réputé pour sa rigueur et son intégrité qui lui ont fait retrouver le poste de grand argentier de la République deux fois en l’espace de 21 ans, rechignait à une gestion expéditive des dossiers qui lui étaient soumis quand il ne les rejetait pas pour défaut de transparence ou de conformité avec les règles établies. Cas de l’appel d’offres relatif à l’acquisition de véhicules pour la haute administration d’Etat. On évoque aussi sa lenteur à débloquer les fonds pour les dépenses militaires et les préparatifs des élections annoncées pour le 28 juillet prochain.
De sources proches de la primature, l’ex-argentier entretenait une lourdeur voulue autour des fonds qu’il devait mettre rapidement à la disposition de ses collègues notamment celui de la Défense (la sécurisation du territoire dans le contexte de guerre que connaissait le pays) et de l’Administration territoriale pour les besoins de préparation des élections.
Pour ne pas changer cette équipe à un peu plus d’un mois du premier tour de la présidentielle, le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré et son chef du gouvernement Diango Cissoko ont décidé ce réaménagement technique. En effet, à un moment ou personne ne s’y attendait les deux chefs de l’exécutif ont trouvé nécessaire de réaménager l’attelage du gouvernement. Certes, il n’y a ni partant ni entrant, mais on peut constater la suppression d’un département en l’occurrence le ministère délégué auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargé du Budget. Son ex-titulaire, Marimpa Samoura hérite désormais d’un plein département notamment celui des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine. Il remplace, à la tête de ce département, Me Demba Traoré promu au poste de ministre du travail, de la fonction publique et des relations avec les institutions. Précédemment, ce département était occupé par Mamadou Namory Traoré qui devient le nouveau ministre de l’économie et de l’action humanitaire. Ce docteur en Economie, réputé bon gestionnaire, devient de surcroit la deuxième personnalité du gouvernement. C’est un nouveau département né de la scission de l’ex-ministère de l’économie, des finances et du budget.
Outre le département de l’économie et de l’action humanitaire, Diango Cissoko a créé le département autonome des finances confié à Abdoul Karim Konaté, précédemment ministre du commerce et de l’industrie. Ce département est confié à Tiéna Coulibaly, qui était jusqu’à ce réaménagement ministre de l’économie, des finances et du budget. On constate que l’architecture du gouvernement n’a pratiquement pas changé. L’équipe de mission du gouvernement Diango Cissoko reste à 30 membres. Mais, à moins d’un mois du premier tour de la présidentielle, fixé au 28 juillet, l’opinion s’interroge sur les motivations de ce réaménagement technique. Si officiellement aucune explication n’a été donnée, il parait cependant clair que certains grands dossiers qui ont éclaboussé la transition soient à l’origine de ce mini-remaniement. A cela s’ajoute les réticences du ministre Tiena à libérer les fonds que les partenaires ont affectés au gouvernement pour relever le pays. En effet, mise en place pour gérer la transition avec deux missions clés : la libération du nord et l’organisation des élections libres et transparentes, le gouvernement de transition a vite retrouvé entre ses mains certains dossiers très brulants. Le premier est le marché de la 3ème licence de télécommunication. Ce juteux marché de 55 milliards de FCFA a été attribué par entente directe après un premier appel d’offre déclaré infructueux par le gouvernement. Le marché a fait l’objet de beaucoup de polémiques et de tension notamment entre le ministre des finances et son chef de gouvernement. Il en a été de même pour les marchés de l’achat de 200 véhicules pour l’armée et de véhicules pour les institutions de la république. Tous ces marchés qui ont suscité beaucoup de bruits entre l’hôtel des finances et la primature ne sont pas être étrangers au départ de l’ancien ministre des finances de Moussa Traoré. Aussi, certains trouvent que Tiéna Coulibaly est un ministre trop » compliqué » pour le décaissement des fonds en cette période de guerre mais aussi de préparation d’élection.
Si l’ex-ministre de la fonction publique a profité de ce changement pour devenir le n°2 du gouvernement, tout porte à croire que son départ de ce département semble lié à l’affaire des 263 fonctionnaires radiés, une décision courageuse qu’il a prise pour annuler des recrutements illégaux au niveau de la fonction publique. Avec ce changement, on se demande s’il n’a pas été lâché par le gouvernement qui aurait cédé face à la pression notamment des partis politiques, exceptés la CNAS de Dr Soumana Sacko qui a ouvertement apport son soutien au ministre. En attendant les élections, l’opinion suivra de près ces anciens-nouveaux ministres par rapport à la gestion de ces dossiers cruciaux.
Youssouf Camara