Estimée à 600 mille habitants selon le dernier recensement, la population de la Commune VI du district de Bamako a été sacrifiée au cours des cinq années de gouvernance du président Ibrahim Boubacar Keita. Les hommes, qui ont eu la confiance de la population pour conduire les chantiers de développement, ont été tout simplement muselés par les hommes de main du président. Il s’agit de l’honorable Bafotigui Diallo et Alou Coulibaly, élu maire. Zoom sur des combines politiques qui ont retardé le développement de la commune durant cinq.
Nous sommes en 2014, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, porte sa confiance sur un jeune loup de la scène politique (Moussa Mara). IBK consacre cette année comme celle de la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. Fort de cette conviction, un député de la majorité tombe sur une affaire louche. Il s’agit de la fourniture de 40.000 tonnes d’engrais frelatés aux cotonculteurs.
Le ministère du Développement rural s’adonne à des manœuvres pour maintenir le flou artistique sur ce scandale qui défraie la chronique au sein du monde paysan. La situation se passe de commentaire. IBK profite d’une sortie pour laisser éclater sa colère. «Que des gens puissent s’amuser à fournir, à nos paysans, des engrais frelatés ! Non ! Il s’agit d’une question de santé publique, de morale et d’éthique avec laquelle je serai intraitable».
Les gestes hauts et forts, et le ton ferme, comme à son habitude, le président de la République laisse exploser sa colère, face à ce qu’il est convenu d’appeler «le scandale de l’engrais frelaté». C’était le 26 mai dernier, à la faveur du Conseil supérieur de l’Agriculture. «Je ne tolérai aucune espèce de faiblesse dans ce domaine-là ! Tous ceux qui pensent pouvoir se jouer de nous, se jouent d’eux-mêmes. Nous les démasquerons et ils auront le sort qu’ils méritent».
La société incriminée est SOMADECO-SARL, fournisseur des 40.000 tonnes d’engrais frelatés. L’enquête, sur cette affaire, a débuté le 1er juin dernier par une commission mise en place à cet effet. Objectif : faire toute la lumière sur cette affaire. Avec, à la clé, un rapport détaillé attendu, dans les jours à venir, par le président de la République.
Entre-temps, l’honorable Bafotigui Diallo, député du parti au pouvoir, se saisit de l’affaire. Avant d’envoyer, à Paris et en Lituanie, des échantillons de l’engrais dit frelaté dans des laboratoires spécialisés. Les résultats donnent le tournis. Selon le rapport d’analyse de la SGS (Société Générale de Surveillance), l’engrais fourni par SOMADECO-sarl –du moins si on peut l’appeler ainsi– «n’a aucune solubilité, ne répond en rien aux normes et ne pourrait que tuer la production nationale». Et le même rapport d’ajouter : «Il manque jusqu’à 21 nutriments dans l’engrais de Somadeco-sarl, sur les 50 que doit compter la tonne d’engrais livrée. Ceci représente donc un manque de l’ordre de 42% par rapport aux nutriments requis».
En clair, pour les sols qui seront fertilisés par l’engrais de Somadeco-sarl, les pertes en rendements sont estimées à 42%. Du moins, si l’on en croit les spécialistes. Et ces 42% représentent une production de 130.000 tonnes, soit l’équivalent de 40 milliards CFA.
Engagé à faire la lumière sur cette affaire, l’honorable Bafotigui Diallo se fera des ennuis, notamment le puissant ministre, Bokari Tréta, actuel directeur de campagne d’IBK.
1000 tracteurs dans les trousses de Tréta et Bakary Togola
Au moment où l’opinion cherche à tirer l’affaire au clair, le député tombe sur un autre scandale dans le même département. Les 1000 tracteurs du président de la République : un nouveau scandale.
Pour la mécanisation de l’agriculture, le chef de l’État procède, le 22 septembre 2015, à la remise symbolique de 1000 tracteurs destinés aux paysans du Mali. Ainsi, la société Toguna SARL a bénéficié de deux lots de 800 tracteurs pour un montant total de dix milliards 155 millions de FCFA pour un délai de livraison de 45 jours.
Contrairement aux habitudes, le Conseil des ministres du 29 juillet n’a pas précisé s’il y a eu un appel d’offres, une consultation restreinte ou une procédure d’entente directe. Le Conseil n’a rien dit des deux-cents autres tracteurs qui ont été fournis, selon la presse, par “Mali-Tracteurs”, une société d’assemblage de tracteurs sise à Samanko (près de Bamako), où l’État détient 49% des actions. Alors que les tracteurs étaient déjà arrivés au cordon douanier à Kati, le jour où le Conseil des ministres attribuait à Toguna SARL le marché de 800 tracteurs, c’est-à-dire le 29 juillet.
L’opération des 1000 tracteurs, c’est l’histoire d’une transaction opaque, d’un marché par entente directe déguisé entre l’État et un fournisseur sélectionné par le ministre du Développement rural et le président sortant de l’APCAM (l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali). Le montage de cette opération douteuse a fait de l’État malien, un acheteur, un gestionnaire et un vendeur de tracteurs. Si l’unique intention des autorités était de faciliter l’acquisition de tracteurs par les paysans maliens.
S’agissant de prix, la presse d’État qui a couvert l’opération “Tracteurs” du 22 septembre a dit que, subventionné à 50%, le prix du tracteur reviendrait au paysan malien à six millions de francs CFA. Après enquête, le Parena et le député du RPM lors de ses missions ont décelé une grosse arnaque dont le paysan malien sera la victime. Les tracteurs livrés par Toguna SARL sont de marque Foton du nom de la multinationale chinoise spécialisée dans les engins lourds, les camions et les moteurs. Foton vend un tracteur de 50 chevaux avec les accessoires (charrue, herse, remorque) à 10.000 dollars US, soit environ 5 millions FCFA. Livré à Bamako, le tracteur a coûté en tout et pour tout 5 millions 900.000 FCFA.
Manifestement, l’opération des 1000 tracteurs a été une autre histoire de surfacturation dont les finances publiques et le paysan malien font les frais. Un tracteur qui a effectivement coûté 5 millions 950.000 FCFA est facturé à l’État à 13 millions 600.000 FCFA. C’est ainsi que les 1000 tracteurs ont coûté 13 milliards 600 millions de francs CFA comme l’Essor et l’ORTM l’ont révélé.
Dans l’affaire des tracteurs aussi, Bafotigui dévoile que les paysans sont devant un nouveau scandale de l’ère IBK dont les principaux protagonistes sont les mêmes que ceux du GIE de l’engrais frelaté, à savoir le ministre du Développement rural (Bocari Tréta) et le président sortant de l’APCAM (Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (Bakary Togola). En lieu et place d’un encouragement, le député de la commune VI est mis à la touche. Il est suspendu de toutes les instances du parti et il n’a même plus voix au chapitre.
Alou Coulibaly, la seconde victime !
La seconde victime engagée auprès de sa communauté est Alou Coulibaly. Elu maire lors des communales du 20 novembre 2016, Alou Coulibaly a été l’un des rares maires à avoir investi dix millions de FCFA dans l’acquisition de matériel, et plus de 20 millions pour le ramassage des ordures des dépôts de transit vers les dépôts finaux.
La gestion calamiteuse du foncier héritée par la nouvelle équipe municipale est l’œuvre d’un Baba Sanou, faisant du processus de réhabilitation de Sénou des plus dangereux et des plus compliqués de Bamako : Sénou est devenu une bombe foncière ! Les efforts personnels financiers et matériels fournis par le maire et certains membres de son équipe, pour relancer les travaux de réhabilitation de Sénou, ont été salués par tous : les membres du comité de réhabilitation du quartier peuvent en témoigner.
Le quartier Yirimadio a bénéficié des mêmes efforts pour redresser parfois des situations peu honorables, et ce, au nom de la continuité de l’administration et dans l’intérêt des populations de la commune VI. L’heure n’était pas au bilan, mais les actions déjà entreprises sont visibles et bien appréciées par les populations.
«4 forages d’eau dans les quartiers»
Plusieurs actions et réformes sont en cours dans les domaines de l’assainissement, le foncier. En un mot, dans les secteurs de développement : près de 200 millions ont été investis ; 4 forages d’eau dans les quartiers Yorodiambougou, Sénou, Dianeguela et Niamakoro, l’accès à l’éclairage public dans certains secteurs de Sogoniko ; le ramassage des ordures à Yirimadio ; les travaux de réhabilitation de Sénou et Yirimadio ; le recasement des déguerpis de Niamakoro-Diallobougou, etc.
Malgré ces efforts, les responsables du parti au pouvoir, préoccupés par la défense de leurs intérêts personnels, ont rallié à leur cause des conseillers municipaux dans le seul but de détourner l’équipe du maire de sa noble mission de s’occuper des préoccupations des populations.
De l’intimidation aux menaces en passant par toutes sortes d’actions indignes de responsables de leur rang, ils sont passés partout. Jusqu’à s’adresser directement au gouverneur du district de Bamako, qui a instruit de suspendre le maire Alou Coulibaly. Après avoir colporté des mensonges éhontés au gouverneur dans le seul et unique but de nuire au maire, ils se sont couverts de leur manteau de membre du parti au pouvoir pour donner des instructions au gouverneur.
La suite est connue. Le gouverneur Ami Kane inflige une sanction au jeune maire. Et la population finit par perdre le deuxième homme engagé pour la commune. Ce qui fait que depuis la révocation et le musellement de l’honorable Bafotigui, c’est le développement de la plus grande commune du Mali qui s’en ressent aujourd’hui. Malgré le cri du cœur des populations, le président IBK ne dit mot.
Zan Diarra
Source: Essor