Le Rassemblement pour le Mali (RPM) n’aide pas réellement le président de la République à mieux gouverner. Le salut d’Ibrahim Boubacar Kéita passera inéluctablement par un recadrage de ses partisans.
Le discours du président de la République vendredi lors de la présentation des vœux de l’Aïd el-Fitr du gouvernement a cristallisé les attentions. L’opinion s’est intéressée au message d’Ibrahim Boubacar Kéita non pas parce qu’IBK en avait gros sur le cœur, mais parce que la nature des propos du chef de l’Etat est assez révélatrice de la gouvernance du locataire de Koulouba. Après l’unanimisme politique sous ATT et toutes ses limites, les Maliens, en élisant IBK, s’attendaient à une gestion saine qui place le citoyen au cœur de l’action gouvernementale.
Mal leur en a pris en ce sens que le boss ne fait pas mieux que son prédécesseur déchu. IBK est carrément à côté de la plaque. Et au lieu de redresser la barre, il se lance dans une série de justifications et de menaces que ceux à qui ses mots sont adressés prennent à la légère. Les contextes sociopolitique et sécuritaire exceptionnels ne sauraient perpétuellement servir de justifications au laxisme au sommet de l’Etat.
L’indulgence a atteint des proportions inquiétantes au Mali. IBK doit commencer par recadrer ses propres poulains en se convaincant réellement qu’« on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs« .
Contrairement à ses déclarations publiques, le chef de l’Etat serait moins enclin à assainir son « entourage« à travers l’application stricte de ce qu’il a lui-même appelé « critère absolu de compagnonnage« . Des ministres et des cadres de la haute administration, proches d’IBK et du parti présidentiel, abusent quotidiennement de la confiance du peuple malien au président de la République.
Combien de temps le PM va-t-il résister ?
Cet abus de confiance se traduit généralement par des surfacturations, le clientélisme, la mauvaise gestion des biens de l’Etat… Sans que cela n’émeuve le premier responsable de la nation. Ce dernier, qui connaît bien les fossoyeurs, hésitent toujours à favoriser le retour de la manivelle, en dépit de ses mises en garde récurrentes.
Ce qui alimente les suspicions de connivence entre IBK et certains de ses collaborateurs dans un environnement où les « enfants gâtés« de la République affirment, sans trembler, que leur mentor leur doit son fauteuil présidentiel. C’est justement à ce niveau que les considérations politiques entrent dans la danse.
L’étau du Rassemblement pour le Mali (RPM) doit être desserré autour de l’appareil d’Etat. L’influence du parti au pouvoir est telle sur la gestion du pays que le spectre du parti-Etat plane sur le Mali. Dans les grandes démocraties, les partis politiques incarnent des projets de société qu’ils se battent pour concrétiser alors que chez nous les belles idées disparaissent une fois le pouvoir conquis.
Au lieu d’aider son père fondateur à tenir ses promesses électorales, le RPM s’est mué en une entreprise de placement de cadres, au vu et au su du président IBK. Et tous ceux qui ne s’inscrivent pas dans cette logique ont de fortes chances de perdre leurs postes. Deux premiers ministres, des ministres et même des directeurs de service ont fait les frais du « parti du Tisserand« .
Où était donc IBK quand ses partisans mettaient des bâtons dans les roues de certaines autorités apolitiques ou issues d’autres formations politiques ? Que le président dise qu’il sera « désormais impitoyable« ne surprend pas. Cependant, nos compatriotes seront bien stupéfiés de voir IBK aller à l’encontre de son parti tant il a été jusqu’ici passif face aux agissements nuisibles de ses camarades politiques.
S’il y a un homme qui parvient bien à gérer l’influence du RPM sur l’appareil d’Etat, c’est bien le Premier ministre actuel. Modibo Kéita essaie tant bien que mal de s’acquitter de ses tâches, là où un autre PM apolitique, Oumar Tatam Ly, n’avait pu tenir que quelques mois, le RPM l’ayant poussé vers la sortie.
La « confiance« d’IBK suffira-t-il à l’ancien diplomate ? Rien n’est moins sûr même si l’on sait que l’expérience du chef du gouvernement peut lui permettre de surmonter bien des obstacles. A cet effet, la mise en place du gouvernement post-accord de paix constituera un grand test.
Il s’agira d’incorporer les mouvements rebelles dans le gouvernement et de satisfaire la mouvance présidentielle, particulièrement le RPM, dont des barons dans l’actuel attelage gouvernemental ne sont pas prêts à lâcher prise. Un autre tohu-bohu en perspective, à moins qu’IBK ne soit vraiment« impitoyable« .
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
source : la rédaction