Par pouvoirs n°038/2022/BVG du 24 novembre 2022 et en vertu des articles 2 et 22 de la loi n°2021-069 du 23 décembre 2021 l’instituant, le Vérificateur général a initié la vérification financière de la gestion des ressources destinées à l’assainissement et à l’évacuation des déchets solides du district de Bamako, au titre des exercices 2019, 2020, 2021 et 2022 (31 octobre). A l’issue des travaux, les vérificateurs ont constaté plusieurs irrégularités administratives et financières dont le montant s’élève à 5 698 959 789 FCFA.
S’agissant de la pertinence de la mission de vérification, il ressort du rapport qu’un environnement de vie sain dépend nécessairement d’un assainissement adéquat. Le manque d’assainissement constitue un facteur de risque important pour la santé des Maliens. Il affecte en priorité les populations pauvres, marginales et vulnérables, dont plus de la moitié souffre en permanence de maladies liées au déficit d’accès à un assainissement adéquat.
Les conséquences pour le pays se chiffrent en centaines de décès par an, en milliers de journées de travail perdues et en millions de F CFA engagés chaque année par les ménages en dépenses de santé.
Au plan institutionnel, l’assainissement est une des missions du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable (MEADD), mise en œuvre par la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN). Les crédits nécessaires à l’exercice des missions de la DNACPN sont exécutés par la direction des finances et du matériel (DFM) dudit ministère.
Dans ce cadre, le montant total des dépenses exécutées par la DFM du MEADD s’élève à 9 196 839 613 F CFA pendant la période sous-revue. Dans le district de Bamako, l’assainissement est également une mission de la mairie du district de Bamako qui est chargée, entre autres, de la réalisation et de la gestion des ouvrages, et des équipements de traitement des déchets solides et liquides, de l’organisation et du suivi de la filière des déchets solides et du suivi de l’application de la réglementation en matière de gestion des déchets liquides.
Dans ce cadre, la mairie du district de Bamako a conclu en 2014, avec la Société Ozone-Mali, une convention de gestion déléguée des services de propreté de la ville de Bamako pour un montant de 9 197 141 781 F CFA par an, soit un total de 34 488 148 548 F CFA pour la période sous revue.
Non-respect des procédures de passation de la convention
Malgré ces investissements importants, les problèmes d’assainissement et d’évacuation des déchets solides du district de Bamako demeurent une préoccupation majeure. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié la vérification.
Selon le rapport, les constatations et recommandations issues de la vérification sont relatives aux irrégularités administratives et financières. Ainsi, les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne notamment l’octroi d’un avantage irrégulier à un soumissionnaire par la DFM du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable a accordé un avantage irrégulier à un soumissionnaire ; le non-respect d’une clause contractuelle ; le non-respect des procédures de passation de la convention de la gestion déléguée des services de propreté de la ville de Bamako. Il ressort également du rapport de vérification que la Mairie du district de Bamako n’a pas exigé de la société Ozone-Mali la souscription aux polices d’assurance prévues par la convention. Elle n’a pas aussi exigé de la même société l’exécution de l’ensemble de ses prestations contractuelles. La mairie du district de Bamako a fait exécuter les marchés du programme 2019 de curage des caniveaux et traversées sous chaussées avant l’établissement des contrats.
En termes de recommandations, la mission de vérification recommande au DFM du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable de : respecter le principe d’égalité de traitement des candidats ; exiger des titulaires de marché, la fourniture de la caution de bonne exécution. Ainsi, il est recommandé au maire du district de Bamako de : respecter les procédures de passation des conventions de délégation de service public ; exiger des délégataires de service public la souscription aux polices d’assurance prévues dans les conventions ; exiger des délégataires de service public l’exécution de l’ensemble des prestations prévues dans les conventions ; approuver les marchés et les soumettre au visa du délégué du Contrôle financier avant tout commencement d’exécution.
Non application des pénalités de retard
Quant aux irrégularités financières dont le montant total s’élève à 5 698 959 789 F CFA, elles sont relatives à la non-application des pénalités de retard par le DFM du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable.
Ainsi, le rapport mentionne que pour s’assurer de l’application des pénalités de retard lorsque requis, l’équipe de vérification a examiné les marchés, les ordres de service de démarrage des travaux, les procès-verbaux de réception provisoire et les documents de paiement. Elle a constaté que le DFM du MEADD n’a pas appliqué de pénalité sur des marchés ayant connu des retards d’exécution. Le montant total des pénalités non-appliquées s’élève à 710 652 F CFA.
Suite à la séance du contradictoire, l’ensemble du montant incriminé a été remboursé à la Recette générale du district par les titulaires des marchés le 17 octobre 2023 à travers les déclarations de recette n°0037298 de 83 543 F CFA, n°0037299 de 78 822 F CFA, n°0037300 de 95 722 F CFA, n°0037651 de 241 915 F CFA et n°0037652 de 210 650 F CFA. Selon la mission de vérification, certains titulaires de marchés de la mairie du district de Bamako et de la direction des finances et du matériel du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable ont procédé à des faux enregistrements.
Pour s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a examiné les mentions d’enregistrement des marchés et a procédé à la confirmation de leur authenticité auprès des Centres des Impôts.
Faux enregistrements des marchés passés
Elle a constaté que les titulaires de six marchés passés par la mairie du district de Bamako et deux par la DFM du MEADD ont procédé à des faux enregistrements. En effet, les contrôles d’effectivité auprès des Centres des impôts des Communes I et IV du district de Bamako ont révélé que les mentions d’enregistrement figurant sur lesdits marchés ne sont pas authentiques et les droits n’ont pas été payés. Le montant total des droits d’enregistrement non payés s’élève à 3 332 578 F CFA. Suite à la transmission du rapport provisoire, l’ensemble des titulaires de marchés de la mairie du district de Bamako ont procédé à la régularisation des sommes incriminées pour un montant total de 2 262 902 F CFA. Le reliquat de droit d’enregistrement non régularisé, concernant les deux titulaires de marchés de la DFM du MEADD, s’élève à 1 069 676 F CFA.
Il ressort également que le directeur de la direction des services urbains de Voirie et d’assainissement a procédé à la validation de décomptes indus de la société Ozone-Mali. Pour s’assurer du respect de cette disposition et de ces stipulations, l’équipe de vérification a analysé la convention de gestion déléguée des services de propreté de la ville de Bamako et effectué des entrevues avec les responsables des services administratifs et financiers de la mairie, le directeur de la DSUVA, et des agents chargés des contrôles des prestations de la société Ozone-Mali. Elle a ensuite examiné les rapports annuels de la DSUVA et effectué un rapprochement entre les décomptes mensuels d’Ozone-Mali validés par la mairie du district de Bamako et les données issues des fiches de suivi du contrôle de l’effectivité des prestations.
Elle a constaté que le directeur de la DSUVA a validé des décomptes indus de la société Ozone-Mali. En effet, les travaux de vérification ont relevé des écarts entre les taux de réalisation des prestations figurant dans les décomptes mensuels de la société Ozone-Mali validés par le directeur de la DSUVA et ceux calculés à partir des fiches de suivi des prestations établies par les contrôleurs et les superviseurs de la mairie du district de Bamako chargés du contrôle d’effectivité des prestations sur le terrain.
A titre d’exemple, sur les attachements de l’exercice 2019, la société Ozone-Mali a déclaré un taux de réalisation de 100 % des prestations. Cependant, l’analyse des fiches de suivi des services de contrôle de la mairie du district de Bamako indique que les fréquences de balayage des artères, qui varient de 2 jours sur 7 à 7 jours sur 7, ne sont pas respectées.
De plus, plusieurs artères incluses dans le périmètre des prestations n’ont pas été servies pendant cette période. Cependant, le directeur de la DSUVA n’a pas corrigé les décomptes du prestataire Ozone en fonction du nombre effectif de balayages par rue constaté par les agents de contrôle.
Le montant total des prestations indues dans les décomptes irrégulièrement validés par le directeur de la DSUVA s’élève à 5 697 890 113 F CFA.
Octroi d’un avantage irrégulier à un soumissionnaire
Les faits ainsi dénoncés et transmis au président de la Section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République du Pôle national économique et financier sont relatifs : aux faux enregistrements de marchés publics pour un montant total de 1 069 676 F CFA ; à la validation de décomptes indus pour un montant total de 5 697 890 113 F CFA.
En ce concerne les faits relatifs aux faux enregistrements de marchés publics pour un montant total de 1 069 676 F CFA, ils ont été transmis au directeur général des impôts.
La vérification financière de la gestion des ressources destinées à l’assainissement et à l’évacuation des déchets solides du District de Bamako a mis en exergue des dysfonctionnements importants et des irrégularités financières. Les dysfonctionnements concernent, entre autres, la passation irrégulière de marchés par entente directe, l’octroi d’un avantage irrégulier à un soumissionnaire, le non-respect des procédures de passation des délégations de service public.
Il y a également un manque de suivi des prestations de la société Ozone-Mali qui n’a pas respecté plusieurs clauses contractuelles sans que la mairie du district de Bamako mette en œuvre la procédure d’application des pénalités. Les irrégularités financières, qui s’élèvent à 5 698 959 789 F CFA, ont trait aux faux enregistrements de marchés et à la validation de décomptes indus. Au regard de la place qu’occupe l’assainissement dans le développement, et la propreté de la ville de Bamako, il est important que les ressources financières qui y sont consacrées soient utilisées judicieusement. La mise en œuvre des recommandations formulées contribuera à l’atteinte de cet objectif.
Boubacar Païtao avec BVG
Aujourd’hui-Mali