Après la reprise symbolique de la ville Kidal, le 14 novembre dernier, par les Forces Armées Maliennes, le Gouvernement de la Transition entame l’étape de l’installation des services sociaux de base dans la région de l’Adrar des Ifoghas. C’est dans cette dynamique que le Général divisionnaire Elhadj Gamou a été nommé Gouverneur de la région de Kidal lors du conseil des ministres du mercredi 22 novembre 2023.
Le tout nouveau Gouverneur de la 8e région administrative du Mali est réputé pour être l’un des meilleurs officiers de l’armée malienne. Il a été presque à tous les rendez-vous de l’honneur depuis son intégration dans l’armée nationale du Mali au milieu des années 90. La nomination du Général divisionnaire Elhadj Gamou est un coup de grâce pour un Mali unifié. Il remplace à ce poste le colonel Fodé Malick Sissoko interpellé la semaine dernière après la fuite de l’un de ses échanges téléphoniques dans lequel il prêtait allégeance au chef rebelle Algabass Ag Intalla.
Le retour de Gamou au Mali
Après plusieurs années passées au sein de Légion verte de l’armée libyenne, Elhadj Gamou regagne son pays d’origine, le Mali en 1988. Après une année d’entraînement en Libye, puis six mois en Syrie auprès des forces spéciales, il est engagé dans la guerre du Liban aux côtés des Palestiniens. Après plusieurs années de guerres, il regagne un temps la Libye, puis il prend part au Conflit tchado-libyen.
Lors de la rébellion touarègue de 1990-1996, il rejoint les rebelles et combat au sein de l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA). Satisfait de accords de paix de 1996, Ag Gamou rejoint la même année les forces armées maliennes. Formé à l’école militaire de Koulikoro, il est affecté à sa sortie, à la région de Ségou en tant qu’officier d’état-major.
Gamou s’envole en Sierra Léone, en 1999 où il prend part en tant que casque bleu à la Mission des Nations unies en Sierra Léone pour maintenir la paix lors de la guerre civile dans le pays. Après trois ans sur la terre Sierra léonaise, Gamou retourne au Mali en 2000. La même année, il est décoré de la médaille de la valeur militaire et est promu au grade de lieutenant-colonel. En 2001, il est affecté à Gao, puis il prend le commandement de Kidal en 2005.
Lors de la rébellion de 2007-2009 dirigée par Ibrahim Ag Bahanga, Elhadj Gamou, commandant de zone de Kidal et chef de l’opération Djiguitougou affronte et détruit les bases des rebelles de l’ATNM. En 2010, il descend à la présidence de la République du Mali en tant chef d’état-major particulier adjoint. Il a été nommé à ce poste par le président Amadou Toumani Touré.
La rébellion de 2012
En 2011, lors de la guerre civile libyenne, 2 000 à 4 000 soldats Touaregs ayant quitté l’armée de Khaddafi regagnent le Mali. Le président Amadou Toumani Touré charge alors le colonel Ag Gamou de rallier ces hommes à l’armée malienne afin d’éviter qu’ils ne rejoignent les groupes rebelles. La mission réussit partiellement, de nombreux « Libyens » rallient l’état malien, mais d’autres contribuent à la formation du MNLA.
El Hadj Ag Gamou est colonel-major au nord du Mali lorsque débute la Rébellion de 2012, il commande alors la garnison de Kidal. Le 18 janvier, Aguel’hoc est attaquée, elle tombe aux mains de rebelles le 24 et sa garnison est massacrée. Le lendemain, les renforts venus de Kidal et commandés par Gamou reprennent la ville, que les rebelles abandonnent sans combattre.
Fin mars 2012, il commande les forces maliennes à Kidal, fortes de 500 à 600 hommes, lorsque la ville est attaquée le 26 par Ansar Dine et le MNLA. Le 29, Ag Gamou abandonne la ville et se replie avec ses forces vers le sud. Le 31, alors que le même jour, Gao était envahie par les rebelles, les forces de Gamou sont encerclées par les combattants du MNLA. Gamou fait alors savoir qu’il accepte la proposition du MNLA de rejoindre ses rangs. Il s’agit cependant d’une ruse, Gamou refuse que les 204 soldats de sa troupe originaires du sud du Mali soient livrés comme prisonniers de guerre. Puis il se porte avec ses hommes vers le Niger. Arrivé à 100 kilomètres de la frontière, il appelle le consul du Mali au Niger par téléphone satellitaire pour lui demander de préparer l’arrivée de ses hommes originaires du sud afin qu’ils puissent être rapatriés vers Bamako, via le Burkina Faso. Par la suite, Gamou se replie lui-même au Niger avec sa famille et sa milice touarègue, il fait alors savoir au gouvernement malien que son allégeance au MNLA déclarée sur RFI était une manœuvre ayant pour but de s’enfuir et qu’il est prêt à reprendre le combat.
Le 2 décembre 2012, à Niamey, Ag Gamou est la cible d’une tentative d’assassinat par un jeune djihadiste. L’homme tire trois ou quatre balles, deux blessent à la cuisse le garde du corps du colonel, l’autre ricoche sur son téléphone portable. L’assaillant, qui se réclame d’AQMI, est cependant maîtrisé par Gamou, son garde du corps et son chauffeur.
Des défis importants à relever pour le nouveau gouverneur
Leader touareg et fils du Nord, la connaissance des enjeux du nord du Mali, de ce Général aguerri pourrait contribuer à favoriser la paix et la stabilité dans cette région. Selon certains observateurs, la nomination du général El Hadj Gamou marque un tournant décisif dans la politique de la transition malienne vis-à-vis du Nord du pays. Son arrivée pourrait ainsi permettre de renforcer la présence militaire malienne tout en évitant de donner carte blanche aux groupes armés présents sur place, a-t-on appris des observateurs.
Le général El Hadj Gamou aura notamment pour mission de rétablir la paix et la sécurité dans la région de Kidal. Il devra également lutter contre les groupes armés qui se sont multipliés et ont souvent profité de l’instabilité du pays pour étendre leur influence. Outre les questions de sécurité, le général Gamou devra travailler à améliorer la situation économique et sociale de la région de Kidal, qui a longtemps souffert de marginalisation et de pauvreté. La construction d’infrastructures et de services publics durablement sera une priorité pour assurer le développement de la région et la cohésion nationale.
Ibrahim Djitteye
Source : LE PAYS