Au Sahel, l’opération Hawbi, « vache noire », débutée la 27 octobre, se termine dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le 11 novembre, plus exactement dans une zone s’étendant entre Anssongo et Dori. Il s’agit de la première opération de la force conjointe du G5 Sahel, lancée au mois de juillet dernier. Selon l’armée française, cette vaste opération de « contrôle de zone » a réuni 350 soldats du Burkina, 200 soldats nigériens et 200 militaires maliens. Barkhane était toujours présente en appui avec 180 militaires, mais assure vouloir s’effacer petit à petit au profit des partenaires locaux. Un véritable défi pour les pays de la région.
L’opération Hawbi se termine, « c’est une opération en forme de test », affirme le commandant de la Force le général malien Didier Dacko qui reconnaît que tout n’a pas été facile : « Beaucoup de difficultés sont apparues, des difficultés de coordination, et des moyens de communication à parfaire encore, et des délais de mise en place à parfaire encore pour que les prochaines opérations soient mieux conduites. » De fait, le contact par internet a été parfois perdu avec les unités déployées en brousse. D’une manière générale c’est encore le téléphone portable GSM qui a été le plus employé à cause de problèmes de connections rencontrés sur les systèmes d’informations et de communications militaires (SIC) installés au PC de Niamey. « Les ordres passaient le plus souvent, par la messagerie What’s app, finalement ce n’est pas très gênant, c’est crypté de bout en bout », concède un militaire.
Opération combinée
Mercredi 8 novembre, les forces armées du Mali, du Burkina et du Niger, étaient toutefois parvenues à effectuer leur jonction, dans la zone dite des trois frontières. Les groupes terroristes, eux, sont restés introuvables à ce stade. « On a rencontré des individus avec des armes et des véhicules, mais il faut bien comprendre que la menace est multiforme : il y a du terrorisme, et il y a dynamique insurrectionnelle. Il faut bien faire la distinction, pour ne pas se tromper de cible, car la force conjointe du G5 est axée sur la lutte contre le terrorisme et elle n’est pas impliquée dans la gestion de la question insurrectionnelle au Mali qui est essentiellement du ressort de la MINUSMA », rappelle le général Didier Dacko.
Criminels, coupeurs de routes et jihadistes…
L’une des difficultés pour la force est donc de s’entendre sur une définition commune de l’ennemi. Les perceptions peuvent varier d’un pays à l’autre et il n’est pas toujours facile d’y voir clair, dans une zone où se superposent banditisme, terrorisme, et rébellions locales. « Pour nous, il est clair que les groupes armés qui se trouvent aux frontières du Burkina et qui sont en train de mener des actions hostiles contre les populations sont des groupes ennemis qui doivent être combattus, mais maintenant quand on entre un peu plus au nord du Burkina, la question de la complexité des différents groupes se pose (…) Elle se pose aussi parfois aussi au sein des partenaires qui cherchent eux aussi à identifier qui est le véritable ennemi (…) les populations savent qui est le véritable ennemi », affirme le chef d’état-major des armées du Burkina Faso le général Oumarou Sadou, alors que la région du Soum, dans le nord du Burkina, est confrontée à une rébellion naissante. « Dans la zone des trois frontières, le secteur d’un bataillon national peut ne pas être en mesure de répondre là où la menace pèse, donc c’est toujours un avantage d’avoir une autre force alliée, un renfort de part et d’autre de la frontière », concède le chef des armées du Burkina dont deux bataillons sont par ailleurs toujours déployés dans le nord du Mali dans le cadre de la force de l’ONU.
Occuper le terrain et rallier les populations
Dans ces régions isolées, désertées par l’Etat central, les populations, villageois et éleveurs nomades, ne sont pas toujours prêtes à coopérer avec les autorités. De fait, les groupes armés sont informés des jours à l’avance des opérations transfrontalières menées par le G5. Le chef d’état-major des armées du Niger Seyni Garba explique : « Le plus souvent nos opérations sont planifiées, et avant même leur déclenchement les terroristes sont au courant, donc avec la mise en place de la force conjointe du G5, nous allons avoir des forces en permanence dans la zone (…), il s’agit d’occuper ces zones pour marquer la présence de l’Etat, rassurer les populations et dissuader les terroristes ». « On ne peut pas demander l’aide de la population en se déployant une semaine, de temps en temps, comme pour Hawbi », renchérit un cadre de l’armée malienne. « Pour que la population n’ait plus peur des représailles, il faudra rester beaucoup plus longtemps. »
Les opérations de Barkhane dans la durée
Barkhane aussi va prendre ce tournant : « Nous devons changer nos modes d’action, car l’adversaire nous observe et sait comment nous travaillons, c’est un adversaire coriace qui emploie des techniques de dissimulation et de guérillas (…) il se protège au milieu des populations, donc nous allons devoir devenir beaucoup plus imprévisibles, et surtout en allant contrôler des zones dans la durée. Des zones où se concentrent les populations et également les groupes armés terroristes (GAT) , de manière à faire changer les certitudes de camps, et les bousculer dans leurs habitudes, nous aurons donc des opérations beaucoup plus longues (…), nous allons le faire avec nos partenaires de la force conjointe et nos partenaires en bilatéral comme les Forces armées maliennes (FAMA) ou même la MINUSMA qui complète parfaitement notre action sur le terrain », conclut le général Bruno Guibert, commandant de la force Barkhane.