Le ballet diplomatique fut intense à Niamey: deux sommets à la fois pour apporter des solutions appropriées au Sahel. D’abord le G5 Sahel dont les travaux se sont achevés, hier dans la soirée, au Palais des congrès de Niamey, situé au bord du fleuve Niger que nous avons en partage. Ensuite, celui d’aujourd’hui consacré au CILSS (Comité inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel). Pour les deux rencontres de haut niveau, le Mali joue un rôle de premier plan. Pour cause, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, présidait les deux institutions à la fois. Prouesse diplomatique conclue par un franc succès pour lequel le président Keïta a été unanimement salué par ses pairs.
Arrivé au terme de son mandat d’un an à la tête du G5 Sahel, le président Kéita, arrivé lundi dans la capitale nigérienne, a passé le témoin à son frère et homologue nigérien, Mahamadou Issoufou. La décision, bien qu’elle n’avait rien de surprenant, a été formellement prise hier à l’issue de la conférence des chefs d’Etat. L’ouverture des travaux a réuni du monde dans l’amphithéâtre du Palais des congrès de Niamey. Les cinq dirigeants du G5 Sahel (Ibrahim Boubacar Kéita du Mali, Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Mahamadou Issoufou du Niger, Idriss Déby Itno du Tchad et Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie) dont les photos géantes étaient affichées dans la salle faisaient face à une assistance composée de diplomates, de responsables administratifs et politiques du Niger, des dirigeants d’organisations internationales et de la société civile.
Il était 10H 30 (heure locale) quand les chefs d’Etat ont fait leur entrée dans la salle de conférence sous les applaudissements nourris de nombreux invités qui y avaient fait le déplacement. En dehors de celle d’Ibrahim Boubacar Keita, la présence du président tchadien, Idriss Déby Itno, a été très remarquée, certainement grâce au travail colossal que son armée est en train de faire sur les différents théâtres d’opérations au Sahel et dans la région du Grand lac. Il faut rappeler que c’est le président Déby qui a passé la main à son homologue malien lors du sommet de Bamako, tenu le 6 février 2017.
A l’heure des discours, les différents intervenants ont rendu un hommage appuyé au président en exercice sortant. Les ovations aussi. En effet, le bilan du président malien est, en effet, fort élogieux: disponibilité de fonds, installation du poste de commandement de la Force conjointe du G5 Sahel, nomination des équipes dirigeantes… Sans compter les nombreuses promesses qui attendent d’être concrétisées à la faveur d’une table ronde des bailleurs de fonds prévue ce mois-ci à Bruxelles (Belgique).
DESTIN COMMUN. Dans son discours de bienvenue, le président nigérien a insisté sur le destin commun de tous les peuples du Sahel qui font face aux mêmes défis: sécurité, démographie, gouvernance et développement humain. Ces défis sont d’ailleurs les axes prioritaires de du G5 Sahel, a analysé le nigérien Issoufou Mahamadou. Pour lui, les foyers de violence et d’instabilité, notamment en Lybie et au Mali constituent une source d’inquiétude pour les dirigeants. La Libye, a-t-il précisé, abrite différentes milices très puissantes qui font de ce pays un espace ingouvernable. Le Mali, a ajouté Mahamadou Issoufou, est envahi par des groupes terroristes de tous horizons dont les tentacules s’étalent aujourd’hui sur toute la zone sahélienne.
C’est en raison de toutes ces inquiétudes manifestes que le président nigérien a souhaité davantage de soutien de la communauté internationale pour débarrasser le Sahel de la violence et des tueries. «L’ONU, à travers la MINUSMA et la France, font un travail extraordinaire sur le terrain. Mais la nature des défis exige plus de moyens et de fermeté», a-t-il déclaré.
Les différents partenaires invités ont salué le front commun du Sahel avec la mise en route de mécanismes opérationnels de développement intégré durable et surtout de sécurité.
Les représentants de la France, à travers Barkhane, la Belgique, l’Allemagne, la Chine, les États-Unis, l’Italie, l’ONU, l’UA, l’UE, la BADEA, l’UEMOA et l’OCI ont tous dressé un tableau noir sur la situation sécuritaire du Sahel. Aussi, tous ont-ils également salué l’avènement de la Force conjointe avant de marquer leur soutien financier qui sera concrétisé en février lors de la table ronde sur le financement de la Force conjointe du G5 Sahel.
Dans son intervention, le président Ibrahim Boubacar Keita indiquera : « d’une idée, nous sommes bien arrivés à la concrétisation de celle-ci. Force interconnectée, formée et instruite capable de travailler en toute harmonie avec les autres forces présentes sur le terrain, le G5 Sahel est désormais prêt à emploi». Les deux opérations menées sur le terrain ont atteint leur objectif, selon Didier Dako qui dirige cette force de 5000 soldats.
Fini donc le temps des doutes et des incertitudes. Il a également annoncé le premier vol très prochain de Air Sahel ainsi que la mise en œuvre de mécanismes flexibles de financement de projets agricoles.
En outre, le président malien a salué l’engagement sans discontinuité des partenaires techniques et financiers. Le prochain rendez-vous à Bruxelles sera décisif car il permettra de réunir les fonds nécessaires à la pérennisation de la Force, a-t-il annoncé. En parlant de son bilan à la tête de l’organisation, le chef de l’Etat a notamment fait mention de la suppression des visas entre le Tchad et le Mali comme une avancée significative vers une intégration sous régionale sans discrimination. Tout comme a été décrété le 19 décembre «Journée du Sahel». A cela, il faut ajouter l’avènement prochain du chemin de fer Trans sahélien. Et Ibrahim Boubacar Keita de marteler que la Force conjointe du G5 Sahel connaîtra dans les prochains jours une montée en puissance militaire et politique. Pour la relève, il avoue n’en être pas inquiet car c’est son frère nigérien, Mahamadou Issoufou, qui prend désormais les commandes.
Envoyé spécial
Ahmadou CISSÉ