Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’y attendait pas. Jamais l’ancien ministre de la Défense malien Soumeylou Boubeye Maïga n’aurait imaginé, en ce jeudi 2 octobre, que cette journée douce et ensoleillée de début d’automne s’achèverait pour lui dans les locaux austères de la Direction centrale de la Police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), théâtre de sa garde à vue.
Le matin même, il avait croisé au Café de la Paix, brasserie cossue voisine de l’Opéra, le journaliste Francis Kpatindé, lequel partageait alors le petit-déjeuner de l’ex-chef de la diplomatie mauricienne Jean-Claude de l’Estrac, candidat à la succession du sénégalais Abdou Diouf aux commandes de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Le trio devisera d’ailleurs en toute quiétude autour d’un expresso. Bien loin d’anticiper la mésaventure qui le guette, “SBM”, qui séjourne fréquemment à titre privé en France, où certains de ses enfants suivent leurs études, propose même à Kpatindé de le retrouver à l’heure du dîner. “Il était enjoué, totalement détendu”, souligne ce dernier.
Au milieu de la nuit, un proche de Maïga informe cet ancien de Jeune Afrique, aujourd’hui enseignant à Sciences-Po, de l’épilogue judiciaro-policier. Le lendemain vendredi, la rumeur enfle entre Bamako et Paris. Un confrère bamakois alerte L’Express par SMS vers 16H00.
Entendu sur deux dossiers
Ce samedi matin, l’intéressé, qui a désigné comme avocat le bâtonnier Pierre-Olivier Sur, assisté par son associée Nathalie Schmelck, était toujours injoignable. “Soumeylou Maïga n’est pas disponible”, indiquait ainsi la boîte vocale de son portable français. Message analogue sur son téléphone cellulaire malien. Que reproche-t-on à ce vétéran de l’échiquier politique malien? Comme indiqué dès hier sur lexpress.fr, il a été entendu sur deux dossiers. D’abord, un contrat portant sur la livraison d’uniformes militaires par une société hexagonale.
Ensuite, les conditions d’acquisition de l’avion tout neuf -un Boeing 737-700- du président Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK, réglé semble-t-il sur le budget du ministère de la Défense, à l’époque où SBM, évincé après l’échec cuisant d’une contre-offensive lancée en mai contre les rebelles touaregs de Kidal, détenait encore ce portefeuille. L’opacité de cette transaction, d’un montant d’environ 20 milliards de francs CFA -soit 30 millions d’euros-, dans laquelle l’homme d’affaires corse Michel Tomi, familier d’IBK, aurait joué un rôle d’intermédiaire, avait conduit le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Union européenne à suspendre les aides budgétaires dont l’économie malienne, exsangue, a cruellement besoin. Rappelons au passage que la mission du FMI dissèque également divers contrats d’armement, entachés par de substantielles surfacturations.
Parmi les effets collatéraux de cet épisode, dont il convient de ne pas préjuger de l’issue, celui-ci: quel sera son impact sur la mission confiée par l’Union africaine à SBM, nommé en juillet vice-médiateur sur la crise en RCA, au côté du président congolais Denis Sassou-Nguesso?
Source: L’Express